Ce n'est pas nouveau. Faudrait peut-être que j'en parle à ma psy...
Il m'arrive souvent de dévier le flux de l'information que je reçois pour l'orienter ailleurs. Je cherche l'envers de l'histoire. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Je vous donne un exemple.
En route vers le boulot, le lecteur de nouvelles raconte une histoire dans son bulletin d'information. Un homme de trente ans s'en prend à une jeune femme qui déambule, comme ça, en chantonnant, les mains posées sur le guidon de la poussette de sa petite dernière. Sans trop savoir pourquoi, l'homme s'approche, l'invective, la bouscule, et tente de lui enlever son enfant. Un passant intervient, les policiers accourent, bref, tout le monde est quitte pour une bonne frousse. La jeune maman déclare aux médias : « Nous vivons dans une société où on ne peut plus marcher tranquillement!»
Un fait divers comme on en entend chaque jour, ou presque. Je continue mon exemple.
Dans un quartier pauvre d'une ville, une maman est hospitalisée. Mère de quatre enfants, elle n'a jamais disposé de ce qu'il fallait, en ressources matérielles, pour en élever un. Imaginez quatre... Aujourd'hui, elle a tenté de se suicider. Elle n'en pouvait plus. Femme battue, elle est tombée enceinte quatre fois. Quatre relations sexuelles avec un homme saoul qui la menaçait de ce que les policiers appelleraient une arme blanche. Elle ne garde que de mauvais souvenirs de ces grossesses et de ces naissances. Les seuls bons souvenirs qu'elle a, ce sont ces petits moments où un de ses bébés est couché là, blotti contre elle, alors que l'homme est à la taverne, pelotant à qui mieux mieux d'autres femmes et rotant, au passage, un surplus de gaz contenu dans ses nombreuses bières. La maman est heureuse que trois de ses quatre enfants s'en soient tirés correctement dans la vie, comme elle le dit. Le quatrième vit (ou survit, c'est selon) dans un minuscule appartement. Il a des problèmes de consommation. Tout a craqué, il y a des années, entre ses deux oreilles. Il prend des médicaments à peu près selon la posologie indiquée. Par un beau matin d'été, il marche dans le quartier et entend une maman chantonner, les mains sur le guidon d'une poussette. Ce bonheur si sain lui fait tellement mal qu'il voit rouge et fonce sur la maman...
La deuxième partie de l'exemple, c'est de la fiction. L'histoire que je m'invente souvent quand j'entends un fait divers raconté à la radio.
Je ne m'invente pas cet autre côté de la médaille pour mieux pardonner. Juste pour me demander comment je réagirais si on me racontait cet autre côté de cette médaille. Ça n'excuse aucun geste. Ça calibre les émotions, c'est tout.
Je vous raconte cette histoire parce que, au moment d'écrire ces lignes, nous sommes le dimanche de la fête des Mères. Et je me dis que le lien qui unit une mère à son enfant est d'une puissance redoutable. Généralement inconditionnel.
La source de l'amour d'une mère est abondante. Presque infinie, pourrait-on croire. Parfois, cependant, elle est tarie. D'autres fois, elle rend tarée... Mais c'est la source de la vie, rien de moins. Et la vie n'est pas que bonheur et soleil dans les prés abondants.
Cette semaine, devant la violence verbale que certains utilisent pour qualifier les étudiants en grève, je me suis raconté l'histoire de cette maman qui travaille fort pour offrir ce qu'il y a de mieux à son enfant dans un univers de consommation qui boite de plus en plus. Et elle voit sa fille manifester pour l'obtention d'un monde différent. Meilleur, comme elle le dit. Elle regarde sa fille qui porte le carré rouge. La maman souhaiterait le carré vert : c'est celui, à ses yeux, qui représente la sécurité pour sa fille. Mais le carré de sa fille est rouge. Et elle l'aime tout autant, refoulant sa crainte et multipliant les recommandations de sécurité à son enfant.
Une autre fiction, comme ça, pour me donner un peu de recul.
J'aurais pu vous raconter l'histoire de cette maman de ministre ou de policier. Toujours de la fiction, mais toujours ce recul si nécessaire. Et si difficile à faire...
Un grand constat, en terminant : la source dans laquelle l'amour d'une mère s'approvisionne semble infinie. Pourtant, il y a des limites. Il ne faut pas en abuser. C'est pareil pour notre mère, la terre.
Clin d'œil de la semaine
Le comble de la dévotion d'une mère? Son ado se lève, en pleine nuit, pour faire pipi. Quand il revient, son lit est fait...