Cette chronique est écrite le 19 septembre.
Le résultat de l'élection est encore imprévisible. J'aurais pu attendre mardi
pour l'écrire, mais puisque le résultat des votes postaux ne sera pas connu
avant mardi soir au mieux, j'ai décidé de l'écrire comme à l'habitude le
dimanche précédant sa parution du mercredi. La semaine prochaine, ma chronique
pourra faire le bilan des résultats et en mesurer les conséquences pour notre
vie démocratique.
La campagne électorale canadienne est enfin terminée. La
pandémie de la COVID-19 s'est fait une nouvelle beauté et elle s'est
transformée en une quatrième vague. Malgré son omniprésence dans les discours
et la présence de plus en plus nombreuse de gens non vaccinés dans les hôpitaux,
on ne peut pas dire qu'elle a empêché les formations politiques en présence de
faire campagne. Bilan d'une drôle de campagne avant d'en connaître les
résultats...
Fin de campagne endiablée
Les différentes formations politiques n'auront ménagé aucun
effort au cours des cinq dernières semaines pour plaire et racoler les
électeurs que nous sommes. De façon générale, on constate au terme de cette
période électorale que le Canada a fait du surplace. Ce qui vient nourrir
l'impression que cette élection était inutile. Le Parti vert, empêtré dans les
querelles entre sa cheffe donneuse de leçon, Annamie Paul et les membres de son
parti a quasi disparu de l'écran radar des Canadiennes et des Canadiens alors
que la crise climatique atteint son paroxysme. C'est paradoxal, ne trouvez-vous
pas ? La surprise c'est la montée politique des antivax et des libertaires
regroupés sous la bannière de Mad Max, l'ineffable ancien député de la Beauce,
Maxime Bernier. Dans certains comtés, les 6 % que cette formation
politique réussira à grappiller pourront jouer contre le parti conservateur
d'Érin O'Toole. Il est sain cependant que ces voix puissent trouver une voie
dans notre vie démocratique. Cela est préférable à des gestes de violence.
Concernant le NPD, Jagmeet Singh a été fidèle à lui-même se
faisant la conscience de gauche du parlement canadien avec son désir sincère de
venir en aide à la population et à taxer les ultra-riches, pour reprendre les
termes de Jagmeet Singh. Ce dernier a mené plutôt une bonne campagne. Il
devrait en récolter les fruits lundi soir en augmentant légèrement son nombre
de sièges au parlement au détriment des libéraux de Justin Trudeau.
Contrairement à la dernière élection de 2019, je ne suis pas convaincu que la
stratégie de rappel des progressistes sous la grande tente libérale soit aussi
efficace cette fois. Les nombreuses promesses brisées des libéraux de Justin
Trudeau sur des thèmes chers aux électeurs progressistes comme les changements
au mode de scrutin, le financement des pipelines et les manques à l'éthique
devraient freiner le potentiel de ce transfert classique des électeurs du NPD
au Parti libéral du Canada. Un classique des campagnes électorales canadiennes.
Le vrai duel est entre Justin Trudeau et Erin O'Toole quoiqu'en dise Yves-François
Blanchet du Bloc québécois qui verra si son souhait d'obtenir 40 sièges au
Québec aura été exaucé par les électrices et les électeurs lundi soir dernier.
Yves-François Blanchet a mené une excellente campagne pour
le Bloc québécois. Sa parfaite maîtrise du français, son éloquence et son sens
de la répartie auront contribué au succès de la campagne du Bloc Québécois.
Néanmoins, cela aurait été insuffisant, n'eût été l'apport considérable du
consortium des médias anglophones canadiens et de la modératrice de ce débat,
la présidente de la firme de sondage Angus Reid, madame Shachi
Kurl. Sa question incroyable postulant au racisme des Québécoises et des
Québécois aura plus aidé le Bloc que la performance de son chef. Faudra en voir
l'effet dans les urnes de l'élection de lundi. Je doute que le Bloc québécois
fasse mieux que 32 à 35 sièges malgré l'effet Kurl. Mais comme le dit François
Legault, on verra...
Duel entre
Trudeau et O'Toole
L'élection est une lutte sans merci
entre conservateurs et libéraux. Justin contre Érin. Québec-Ontario contre
l'Ouest canadien. Erin O'Toole a mené une bonne campagne en deux temps, le
début avec son plan et son image de culturiste pendant que Justin Trudeau et
les libéraux étaient empêtrés dans le dossier de l'Afghanistan et ses
explications sur les motivations qui ont conduit au déclenchement des
élections. D'ailleurs, samedi dernier encore, les médias interrogeaient encore
Justin Trudeau sur cette dernière question. C'est dire que la question a collé
à cette campagne. Ce qui traduit le vide de contenu de cette campagne
électorale. Je n'irai cependant pas dire que cela fut inutile.
Erin O'Toole a fait une fois de
plus la démonstration que le Parti conservateur qui demeure composé de
réformistes déguisés en bleu est incapable de mener à un véritable recentrage
de ce parti dans le « mainsteam politique canadien ». Trop de ses membres sont
ouvertement contre les valeurs d'une forte majorité de Canadiennes et de
Canadiens de l'Ontario, du Québec et des provinces maritimes. Les conservateurs
auront beau changer de chef autant de fois qu'ils le veulent, la cassure entre
les populations du Canada central et de l'Ouest canadien est trop profonde pour
qu'une personne puisse recoller les morceaux. Que les conservateurs aient perdu
ou gagné lundi soir, la balkanisation du Canada déjà amorcé ne fera que
s'approfondir autour de l'enjeu incontournable de la lutte aux changements
climatiques. Je crois que les conservateurs seront encore l'opposition
officielle au moment où vous lirez ces lignes mercredi matin. Et ce ne sera pas
la faute d'Érin O'Toole, mais de la réalité politique canadienne.
Justin Trudeau a mené plutôt une
bonne campagne électorale. Il a fait preuve de vigueur et il a assumé ses
politiques même face aux manifestants antivax qui l'ont accompagné durant cette
campagne électorale. Justin Trudeau et les libéraux sont demeurés fidèles à
eux-mêmes. Ils proposent des politiques progressistes et sont centrés sur les
résultats à obtenir pour la classe moyenne. Il faut dire que nous devons
convenir que le gouvernement de Justin Trudeau a plutôt bien géré la pandémie
et qu'il a su prendre les bonnes décisions même si tout n'a pas été parfait par
exemple, la gestion des frontières au début de la pandémie. Ce qui déçoit le
plus de cette équipe c'est que l'on ne nous a pas présenté une vision articulée
de l'avenir du Canada sauf dire des généralités dans des formules trop souvent
ampoulées. Bien sûr monsieur Trudeau nous sommes tous favorables à la tarte aux
pommes de tante Gaby, mais encore quel avenir pour la politique internationale
canadienne, comment repensez le fédéralisme canadien en ce temps de crise où la
collaboration entre tous les ordres de gouvernement est essentielle et
finalement comment envisageons-nous l'avenir de notre développement économique
dans un monde marqué par les luttes aux changements climatiques ? Des questions
laissées sans véritables réponses. Ce qui n'empêchera pas selon moi les
libéraux de Justin Trudeau d'obtenir un autre mandat de gouvernement
minoritaire au lendemain de cette élection.
Une élection
inutile ?
Cette élection ne fut cependant pas
inutile. Elle a permis de mieux mettre en lumière les forces qui convergent
dans le Canada postnational de Justin Trudeau. Elle a révélé une fois de plus
le racisme systémique dont le Québec est victime dans ce pays, mais que l'on
refuse de voir au Canada anglais. Au fond, le Québec et le Canada se ressemblent
plus qu'on le pense. Nous avons les mêmes incapacités à reconnaître nos
minorités et à leur faire une vraie place. Mais cela c'est un tout autre débat.
L'élection a aussi révélé la
personnalité étroitement nationaliste du gouvernement Legault qui s'est montré
prêt à trahir plusieurs des valeurs québécoises en offrant son appui aux
réformistes de l'Ouest canadien au nom de l'autonomie du Québec. Ce discours
politique québécois doit être renouvelé. Nous sommes plus à une époque qui
nécessite la collaboration de tous les gouvernements de tous les paliers
décisionnels qu'à celle des chasses gardées. D'ailleurs, la faillite du système
de santé québécois devrait inviter à la collaboration de tous les ordres de
gouvernement. Si Justin Trudeau et les libéraux sont appelés à former un
gouvernement minoritaire au terme de cette élection terne et sans saveur comme semblent
l'indiquer les différents sondages et le disent les experts, Justin Trudeau va
se dire tout comme nous : « Bon, c'est ça qui est ça... »