Je n'ai pas la prétention d'être critique de spectacles. Pas
du tout.
J'ai un coup d'œil parfois néophyte et parfois avisé sur des
sujets qui touchent de près mon quotidien. C'est mon assise. Le point de départ
de mes réflexions. De mes chroniques.
Ce que j'ai vécu la fin de semaine dernière continue de se
déposer lentement dans ma tête et mes émotions. J'encaisse le choc heureux.
C'est que j'ai été remué de plusieurs façons, dans plusieurs sphères émotives.
Bref...
J'ai vu Pub Royal. La comédie musicale qui parcourt l'œuvre
des Cowboys fringants. Une production des 7 doigts de la main.
D'entrée de jeu, je persiste et signe : c'était un pari
dangereux. Surtout que l'œuvre est sortie, à la fin de 2023, alors que le
Québec pleurait la perte du chanteur des Cowboys fringants, Karl
Tremblay. J'avais écrit, à ce moment, ma surprise devant l'évidence que des
millions de Québécois vivaient un deuil collectif comme s'il s'agissait d'un
deuil tout personnel.
Voici le lien pour lire ou relire cette chronique si ça vous
chante. https://www.estrieplus.com/contenu-marcher_droit_devant_vers_le_possible-1731-53204.html
Le temps suspendu
Un peu moins d'un an plus tard, j'assiste au fabuleux
spectacle Pub Royal et je fais le constat que c'est comme si le temps avait été
suspendu depuis. Je retrouvais une forme de deuil, ma foi, personnel, par
rapport à un Karl Tremblay à qui je n'ai jamais parlé !
Et je me suis dit que c'est un peu ça, l'affaire ! Je ne lui
ai jamais parlé, mais lui, il m'a parlé ! Et la qualité de sa parole tenait de
la plume de Jean-François Pauzé et de la richesse musicale et de la fringance
des musiciens Cowboys.
Une richesse tellement grande qu'elle contribue au péril de
mettre en place une comédie musicale la mettant en vedette. Il n'y avait pas de
marge d'erreur.
L'œuvre des Cowboys est immense. Peu de gens peuvent se
vanter d'avoir parcouru l'ensemble de la chose. Une œuvre construite autour
d'une pluie d'étoiles filantes, chacune de ces étoiles étant une petite histoire
avec un début et une fin.
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Des histoires remplies de repères concrets, nommés, et qui
ont la faculté de devenir universelles.
Quand Karl chante : Tranquillement, juste comme ça,
dans un bar, rue St-Denis, je comprends maintenant que tout le monde, à sa
façon propre, se retrouve dans l'image de la rencontre de deux personnes qui
arrêtent le temps pour se jaser. Mais, plus fort encore, chacun reconnaît un
bar de sa ville ou son village. Comme s'il y avait une rue St-Denis dans chaque
cœur de ville ou de village.
Les Cowboys ont cette façon de décrire leurs vies, leurs
préoccupations, leurs rêves, leurs attentes, tout ça dans une poésie sans
prétention et qui, à l'écoute, fait en sorte que le personnel devient
collectif.
Imaginez si le spectacle n'arrivait pas à reproduire cet
état d'âme et d'esprit !
Mais la mission est tellement accomplie, qu'elle en est
bouleversante.
Des chansons livrées avec respect et sans cette volonté,
parfois rencontrée dans ce type de spectacles, de surjouer et de démontrer une
performance vocale avant tout. Chanter Karl après le départ de Karl revêt un
côté dangereux. Le danger est écarté. Et je crois savoir pourquoi : le spectacle
prend une série de chansons, donc de petites histoires, et les réunit grâce à
un fil narratif efficace et significatif. On se fait entraîner dans une grande
histoire dont chaque chanson est un chapitre. Et on rigole souvent, en prime ! Exactement
comme l'espèce de désinvolture assumée des Cowboys.
Une désinvolture reproduite de façon rigoureuse, je dirais.
Étrangement, il faut être précisément rigoureux pour montrer la désinvolture
d'un autre. Cette rigueur est là. Une rigueur heureuse, qui plus est.
La troupe des danseuses et danseurs est tellement allumée et
visiblement respectueuse de l'œuvre des Cowboys qu'elle en est émouvante autant
que spectaculaire. Ajoutez à cela des acrobates qui viennent imager de façon
magistrale les aspects dramatiques et heureux des chansons interprétées et vous
avez un tout qui dégage une énergie incroyablement contagieuse.
Je ne jouerai pas au divulgâcheur en parlant de trame
narrative de cette grande histoire imaginée par les concepteurs. Je dirai
seulement qu'elle réussit à dénoncer de grands pans de notre vie en société sur
un ton qui ne tombe pas dans le pathétique. Comme les Cowboys fringants
l'ont si souvent bien fait.
Je me suis même dit que si on n'est pas ému en sortant de ce
spectacle, c'est probablement qu'on est un peu mort en dedans...
Clin d'œil
Le deuil, c'est une dynamique. L'hommage fait partie de
cette dynamique. Pub Royal nous invite à marcher, droit devant...