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L’ère des ténèbres

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 27 juillet 2016      

Le grand cirque politique américain a donné sa première représentation la semaine dernière. La Convention politique républicaine qui a fait de Donald J Trump son candidat pour l'élection présidentielle s'est déroulée sous le signe de la division et de l'intolérance envers les minorités latino-américaines et afro-américaines. Les différents orateurs qui se sont succédé à la tribune de cette convention ont aussi cassé beaucoup de sucre sur le dos d'Hillary Clinton et du président sortant démocrate Barack Obama.

À la fin de cet important événement, nous sommes aujourd'hui fixés sur ce que sera le discours du candidat à la présidence pour les républicains. Il veut une Amérique blanche, « America white again », qui rétablira la Loi et l'Ordre et qui fermera ses frontières aux Mexicains et aux ressortissants des pays musulmans. Derrière son discours mantra « rétablir la grandeur de l'Amérique », Donald Trump sait ce qu'il fait. Il mise sur la colère de l'homme blanc de la classe moyenne pour gagner cette élection présidentielle. Cela ne sera pas sans conséquence pour la politique américaine, mais cela risque de changer la face du monde. Réflexions sur l'avenir du monde en regard de la dynamique de la politique américaine.

L'Amérique n'est pas un cas unique

Les États-Unis ont toujours constitué un formidable laboratoire pour cerner les tendances lourdes des phénomènes politiques en Occident. Cette fois, l'Amérique n'est pas seule. On retrouve à diverses échelles le même phénomène que celui que nous révèle l'ascension de Donald J Trump à la tête du Parti républicain américain. La montée d'un discours nationaliste et populiste qui nomme sa haine envers l'Autre et l'Étranger. Un monde qui sera meilleur dans la mesure où l'on exerce le repli sur soi et que l'on mène la guerre aux ennemis. En Europe, des partis politiques en Allemagne, en France, en Autriche et même au Royaume-Uni disent la même chose que Donald J Trump. Le libre-échange, l'immigration et la guerre aux pays musulmans sont les principales solutions à un monde meilleur. Ce qui risque de changer si jamais Donald J Trump devient président c'est que ces divers mouvements localisés risquent de devenir le sens de la marche de l'humanité. Le rôle de leader des États-Unis viendra en décupler la force et la résonnance. Cela devrait nous inquiéter et nous interpeller, nous les Canadiens et les Québécois.

Pourquoi cette montée du populiste et du nationalisme revanchard?

On peut retrouver une excellente analyse du phénomène de la montée de Trump sur le site Ricochet Media sous la signature de Yann Roshdy, étudiant en sciences infirmières, chroniqueur et poète. Pour Roshdy, l'accession de Trump à la candidature de la présidence américaine est le résultat de tous nos malentendus. Il est l'incarnation de deux mondes qui s'opposent. D'abord, le monde de la partisanerie éduquée et embourgeoisée en posture d'autorité. Les élites mondialisées. Libéraux, conservateurs, exploiteurs, utilisateurs-payeurs, libérateurs ou humanistes. « Ils croient en nos institutions comme si c'était la foi unique de notre démocratie et l'unique garde-fou de tous nos droits acquis. C'est ce qu'il appelle les gardiens du statu quo moralisateur et les adeptes de la langue de bois. Puis, les malfamés, les dominés, les victimes des inégalités. Les réactionnaires en quête d'égalité et d'identité. Les piégés dans le statu quo social et gavés au pain quotidien des téléromans politiques médiatisés. Ils souhaitent le changement et les solutions les plus simplistes deviendront leurs vérités. C'est la base de recrutement de la révolte contre les élites. » (https://ricochet.media/fr/1010/lascension-de-trump)

Rushdy dans son analyse pénétrante traduit bien ce qui se passe aux États-Unis : « Ces deux castes s'opposent depuis des lunes, mais divergent dès lors que les digues cèdent; c'est l'avènement des voix anti-système comme celle de Donald Trump, qui propulse ces tremblements à l'avant-plan de l'espace public. C'est la fin du discours de profondeur au sein des establishments, remplacés par l'illusion d'un prêcheur revendicateur qui saura rendre sa grandeur au peuple et soutenir ses "précieuses valeurs" prises sous l'assaut de la dictature de nos peurs. »

Cela explique bien la source de la révolution politique contre les élites illustrée tant par la montée de Trump chez les républicains que par celle de Bernie Sanders chez les démocrates. Après la faillite de Wall Street, l'approfondissement des tensions raciales dans les villes américaines, les pertes d'emplois massives et la résurgence du terrorisme musulman qui assassine des centaines et des centaines de gens. Le contexte est propice à la recherche d'un magicien qui d'un coup de sa baguette magique redonnera aux États-Unis sa grandeur d'antan.

La démission des intellectuels

Cela est rendu possible, car nous vivons à une époque où les intellectuels ont choisi de défendre leurs petits intérêts plutôt que l'intérêt du plus grand nombre. Nous sommes loin des intellectuels organiques théorisés par le principal adversaire de Mussolini, Antonio Gramschi. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonio_Gramsci)

Noam Chomsky dans une célèbre lettre où il s'adressait aux intellectuels écrivait : « Les intellectuels sont en position pour exposer les mensonges des gouvernements, analyser leurs actions selon les causes et les motifs, mais aussi, souvent, leurs intentions camouflées. [...] La responsabilité des intellectuels est beaucoup plus importante que la responsabilité du peuple, grâce à tous les privilèges auxquels ils ont accès. » Où sont donc ces intellectuels pour fournir les clés de la vérité? (cités par Roshdy loc.cit.)

Roshdy écrit que : « Ils sont devenus des experts associés à ce manque de culture généralisé. Le glissement de notre système d'éducation est clair. Nous sommes passés d'une école où nous formions des individus sensibilisés à la pensée critique, à une école où nous formons des automates spécialisés et des techniciens incapables de penser sans une autorité pour les guider. » Pire encore, il accuse ces intellectuels d'avoir laissé triompher leurs intérêts personnels : « Les intérêts personnels et pécuniers, dans notre monde globalisé et libéralisé, menottent les intellectuels et les subordonnent aux intérêts des élites de notre société. Ainsi, la responsabilité de ce populisme démagogique et outrancier incombe en partie à cette déchéance de nos intellectuels préférant sécuriser leurs acquis. Ils poussent bien malgré eux les masses à diverger de leur influence. Ces masses qui en ont assez du monopole des privilégiés, fermant les yeux devant ces institutions de notre austérité. » (Roshdy, Ricochet média, loc. cit.)

Le triomphe de la société du spectacle

Il me faut revenir sur un thème qui m'est cher; celui du triomphe de la société du spectacle que j'évoque régulièrement dans cette chronique. La dérive populiste, la détestation de l'autre, le triomphe de la démagogie ne sont possibles que par le fait que nous avons collectivement démissionné de notre « vouloir-vivre ensemble » pour plutôt nous réfugier dans la course effrénée à la consommation et que nous préférons être des spectateurs de nos vies plutôt que des acteurs.

Dans une chronique récente, j'écrivais ceci sur Trump : « Devant la fragilité de leurs vies, nos voisins américains cherchent refuge dans des voix fortes qui promettent le rétablissement du rêve américain et de sa suprématie dans le monde. Nos voisins américains sont prêts à tout pour retrouver leur vie d'antan. Comme nous d'ailleurs. C'est dans un tel contexte que naissent des hommes et des phénomènes comme celui de Donal Trump. Plutôt qu'une cause, la popularité et l'engouement autour de la candidature d'un populiste comme Donald Trump sont plutôt une conséquence. Un épiphénomène de la déliquescence de la démocratie américaine. Donald Trump est un miroir de l'état de la démocratie américaine. » Pour moi, le triomphe de Trump aux États-Unis c'est le début de l'âge des ténèbres...


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