Incroyable, mais vrai. Québec solidaire vit une nouvelle
crise. Cette fois, ce n'est pas l'ex-députée-comédienne Catherine Dorion qui a
tiré les ficelles. Ce n'est pas non plus Émilise Lessard-Therrien qui s'attaque
au leadership du porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois. Cette fois,
c'est le député de Maurice-Richard, Haroun Bouazzi qui a lancé une attaque tous
azimuts contre ses pairs de l'Assemblée nationale les accusant de construire
l'Autre dans un narratif de racisme systémique.
Les co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois et Ruba Ghazal ont
eu beau dénoncer les propos de Bouazzi comme maladroits et malavisés, cela n'a
pas empêché les membres de Québec solidaire réunis en congrès de concocter une
position mi-figue, mi-raisin qui réaffirmait dans une macédoine leur profession
de foi au concept de racisme systémique tout en admettant que Québec solidaire
ne pensait pas que le racisme était présent dans le discours des membres de l'Assemblée
nationale. Tirs manqués, le débat a continué de faire rage à l'Assemblée
nationale et dans le discours public. Entrée ratée pour Ruba Ghazal au moment
où Gabriel Nadeau-Dubois se retire dans ses terres pour vivre pleinement son
congé de paternité. La crise semble s'installer à demeure chez les solidaires.
Tentatives d'explications.
Québec solidaire: ses
origines
Québec solidaire (QS) est un parti politique qui a émergé
comme une voix progressiste et une alternative à la classique dichotomie du
modèle politique québécois. Fondé en 2006, cherchant à rassembler des forces
progressistes autour de l'idée d'une société plus juste et plus écologique. En
se positionnant clairement à gauche, QS a su capter l'attention d'électeurs
désillusionnés par le Parti libéral et le Parti québécois. Au fil des ans, le
parti a établi une image de solidarité, d'inclusivité et d'innovation.
Cependant, cette image est mise à l'épreuve par des tensions internes.
Aujourd'hui, le parti traverse une crise de leadership
exacerbée par les récentes déclarations de Haroun Bouazzi. Ce contexte rappelle
les défis auxquels était confrontée la gauche au début du 20e siècle,
comme l'a décrit Lénine dans son essai La maladie infantile du communisme.
Cet essai vise à établir un lien entre les dilemmes de QS aujourd'hui et les
enseignements léninistes sur la désunion et les divisions au sein des
mouvements de gauche.
Les récents événements autour des déclarations d'Haroun
Bouazzi ont plongé Québec solidaire dans une crise de leadership. Ses propos,
perçus par certains comme inappropriés et divisifs, ont soulevé des questions
sur la cohésion interne du parti et sur sa capacité à présenter un front uni devant
les enjeux politiques contemporains. Cette situation n'est pas nouvelle dans
l'histoire des mouvements de gauche, où des désaccords sur des questions
stratégiques peuvent conduire à des fractures dévastatrices.
Lénine et La maladie
infantile du communisme
Lénine, dans son essai La
maladie infantile du communisme, aborde les défis auxquels la gauche était
confrontée. Il souligne l'importance de la discipline, de la stratégie
collective et de la nécessité d'une organisation rigoureuse pour atteindre les
objectifs révolutionnaires. Selon lui, les erreurs de jeunesse et les divisions
internes peuvent miner l'efficacité d'un mouvement. Ce diagnostic résonne
fortement avec la situation actuelle de Québec solidaire.
Lénine
affirme que l'absence de discipline dans un mouvement de gauche conduit à la
désorganisation. De même, la crise actuelle chez Québec solidaire met en
lumière la difficulté du parti à maintenir une ligne directe devant des
déclarations controversées. La désunion et l'incapacité à gérer ces conflits
internes affaiblissent non seulement l'image du parti, mais aussi son influence
au sein du paysage politique québécois.
Tout comme
Lénine plaidait pour une approche stratégique unifiée, Québec solidaire doit
maintenant se poser des questions fondamentales sur sa position et sa
stratégie. La crise actuelle remet en question les priorités du parti et la
manière dont il envisage de rassembler ses membres autour d'un projet commun.
Faut-il prioriser des questions sociales, environnementales ou électorales ? La
fragmentation des idées est un obstacle majeur à l'efficacité, comme Lénine l'avait
prédit. Chose certaine, le virage pragmatique promu par Gabriel Nadeau-Dubois a
du plomb dans l'aile. Probablement que Nadeau-Dubois profitera de son congé de
paternité pour faire sa marche dans la neige. On ne sait jamais.
Un avenir plombé pour QS
La richesse
des idées au sein de Québec solidaire est à la fois un atout et une faiblesse.
Le parti, qui prône l'inclusivité et la diversité, peut parfois souffrir d'un
excès de pluralisme. Cela reflète les préoccupations de Lénine autour de la « gauche
communiste », où les différents courants peuvent mener à des luttes internes.
Le défi réside donc dans l'établissement d'un équilibre entre diversité des
idées et cohérence stratégique. La structure actuelle du parti qui n'a pas de
chef, mais des co-porte-parole exacerbe les problèmes. Si l'on peut comprendre
les intentions généreuses de vivre une démocratie intense chez Québec solidaire,
il n'en demeure pas moins que la structure actuelle mène à la maladie infantile
de la gauche par une démocratie aiguë improductive.
Aujourd'hui,
et depuis la dernière élection, Québec solidaire stagne dans les intentions de
vote. Il n'est plus aujourd'hui le club sympathique où s'agglutinaient les bonnes
consciences désireuses de changement et de ruptures avec le capitalisme et une
société de surconsommation. Le nouveau flirt de l'ex-solidaire Mélissa Généreux
avec le Parti québécois de Paul St-Pierre Plamondon est en quelque sorte le
canari dans la mine. Québec solidaire ne pourra survivre à part vivoter s'il ne
parvient pas à surmonter cette énième crise.
Sortie de crise ?
Pour sortir
de cette crise, Québec solidaire doit réfléchir sérieusement à ses valeurs
fondamentales et à ses objectifs. Une manière de procéder pourrait être la mise
en place de forums internes où les membres peuvent exprimer leurs opinions tout
en travaillant sur des solutions constructives et unifiées. Cette approche
pourrait permettre de renforcer la cohésion tout en respectant la diversité d'opinions
inhérente au parti. Il faut rappeler cependant que ce n'est pas la première
crise. Au printemps 2024, Québec solidaire (QS) a traversé une période de
turbulences internes, marquée par des démissions et par des tensions au sein du
parti. En mai 2024, la co-porte-parole Émilise Lessard-Therrien a démissionné,
suivie de deux proches collaborateurs de Gabriel Nadeau-Dubois, ce qui a
ébranlé le caucus et suscité des débats sur l'orientation du parti.
Ces
événements ont mis en lumière des divergences sur la direction stratégique de
QS, notamment sur la manière de concilier les idéaux fondateurs du parti avec
les exigences d'une formation aspirant à gouverner. Des membres ont exprimé des
préoccupations concernant la parité et la place des femmes au sein du parti,
soulignant la nécessité de renforcer les pratiques féministes internes.
Pour
surmonter cette crise, QS a entrepris plusieurs actions. Des discussions
approfondies ont été menées pour aborder les préoccupations des membres et
réaffirmer les valeurs fondamentales du parti. On a renforcé la parité. Des mesures
ont été mises en place pour assurer une représentation équitable des femmes
dans les instances et les candidatures électorales. Afin de
renforcer sa position sur la scène politique québécoise, on a aussi travaillé
à définir une stratégie qui équilibre fidélité aux principes fondateurs et
pragmatisme politique. Ces initiatives ont permis à Québec solidaire
de stabiliser sa structure interne et de se recentrer sur ses objectifs
politiques, tout en maintenant un engagement envers les valeurs de justice
sociale et d'égalité qui caractérisent le parti. Tout ce travail est aujourd'hui réduit à
néant avec la crise Bouazzi.
La crise de
leadership que traverse Québec Solidaire, mise en exergue par les déclarations
de Haroun Bouazzi, rappelle les avertissements de Lénine sur les dangers de la
désunion au sein des mouvements de gauche. En adoptant une approche disciplinée
et stratégique, le parti peut espérer naviguer dans ces eaux tumultueuses et
retrouver sa place en tant que voix influente dans le paysage politique
québécois. L'expérience historique nous enseigne que lorsque la gauche est
disloquée, elle risque d'être ignorée. Ainsi, pour assurer sa survie et sa
pertinence, Québec Solidaire doit prendre ces crises comme des catalyseurs pour
renforcer et redéfinir son identité collective. Or, pour le moment, ce n'est
pas ce que nous offre ce parti, ce qui est offert à notre feuilleton politique
quotidien c'est plutôt une reprise sans cesse recommencée de Solidaires en
crise...