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L'école a été le lieu le plus important de ma vie. Aussi
loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé l'école. Aujourd'hui, je ne crois
pas que nos enfants et nos petits-enfants aiment moins l'école que j'ai pu
l'aimer. Au lendemain d'une grève qui a privé nos enfants de nombreux jours
d'école, dans les écoles où le syndicat est affilié à la FAE cela représente
plus d'un mois, pour les autres c'est une dizaine de jours. Au lendemain de
cette grève, l'intérêt pour la qualité de l'éducation de nos enfants est sur
toutes les lèvres, mais les actions sont plutôt timides. Non seulement on a
fait fi de leur droit à l'éducation pendant le conflit entre le gouvernement et
ses enseignants, mais les mesures pour rattraper le coup sont plutôt timides.
Malgré le plan Drainville, il y a beaucoup de risques que la qualité de la
formation offerte à ces enfants de la pandémie en souffre. Ils seront les
agneaux sacrifiés de ce conflit. Une fois de plus, nos chicanes d'adultes
feront de nos enfants des victimes. Le point sur l'importance de l'école dans
notre société et de son rôle fondamental dans la vie des enfants.
L'école,
un lieu de sociabilité essentiel
Nous ne le dirons jamais assez. L'école est l'une des institutions
les plus importantes de notre société. L'école joue un rôle fondamental dans une société
moderne à plusieurs niveaux et son importance va au-delà de la simple
transmission de connaissances académiques. D'abord oui, c'est un lieu de
transmission de connaissances. L'école est le principal
lieu où les jeunes acquièrent des compétences académiques, des connaissances de
base en mathématiques, en sciences, en langues, en histoire, etc. Elle joue un
rôle essentiel dans la formation intellectuelle des individus. C'est aussi à
l'école que l'on développe ses compétences sociales. L'école offre
aux élèves l'occasion d'interagir avec leurs pairs, d'apprendre à travailler en
équipe, de développer des habiletés de communication et de résolution de
conflits. Ces savoir-faire sociaux sont essentiels pour réussir dans la vie
professionnelle et personnelle.
L'école est aussi le lieu de socialisation par excellence. L'école permet
aux enfants de s'adapter à la société en apprenant les normes, les valeurs et
les comportements acceptables. Elle favorise également la compréhension de la
diversité culturelle et encourage la tolérance. Elle prépare aussi les enfants
à la vie d'adulte. L'école prépare les jeunes à entrer sur le marché du travail
en leur fournissant des compétences essentielles telles que la lecture, l'écriture,
le calcul et la pensée critique. Elle offre également des formations
professionnelles et techniques.
L'école est aussi un lieu de promotion de nos valeurs communes et prépare à
une citoyenneté active. L'école enseigne aux élèves
les principes de la démocratie, les droits de l'homme et les devoirs civiques.
Elle encourage la participation civique et politique, préparant ainsi les
individus à devenir des citoyens actifs et responsables.
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Enfin, l'école permet de réduire les inégalités sociales et économiques et
donne une chance égale à tous de pouvoir parvenir à une vie d'adulte épanouie
par la méritocratie. L'éducation est un moyen de réduire les inégalités
socio-économiques en offrant à tous les individus, quelle que soit leur
origine, la possibilité d'acquérir des compétences et des connaissances. Elle
peut contribuer à atténuer les disparités économiques. En prime, elle peut
permettre de distiller l'innovation et de faire la promotion de la santé
publique en donnant la possibilité à nos enfants d'acquérir de bonnes habitudes
de vie.
On comprend à lire ce qui précède l'importance de l'école et cela explique
aisément l'appui de la population à l'endroit des enseignantes et des
enseignants durant le bras de fer entre le gouvernement et ses employés au
cours de l'automne dernier. Pourtant, cet empressement des différents acteurs à
dire l'importance de l'éducation ne se traduit pas aujourd'hui par des éléments
concrets d'une détermination pour rattraper le temps perdu par nos enfants. On
se contente de vœux pieux et de bonnes intentions, mais peu de gestes concrets
qui garantira que nos enfants qui ont été les victimes de cette chicane
d'adultes n'en paient pas le prix fort. Cela est désolant.
Camus et l'école
Pour renforcer mon propos sur l'importance de l'école,
permettez-moi de faire appel aux lumières de mon auteur fétiche, l'algérien
Albert Camus. Dans le dernier roman qu'il a écrit avant son accident mortel
d'automobile et qui a été publié dans une version inachevée, Le premier
homme, Albert Camus nous laisse de belles pages de son enfance
fictionnalisée pour l'occasion de sa relation avec son professeur. Par ces
diverses citations, on saisit bien l'importance de l'école et du professeur
pour un enfant. C'est ma façon de donner la parole à nos enfants.
L'école est un lieu de sociabilité et une passerelle sociale : « Seule
l'école donnait à Jacques et à Pierre ces joies. Et sans doute ce qu'ils
aimaient si passionnément en elle, c'est ce qu'ils ne trouvaient pas chez eux,
où la pauvreté et l'ignorance rendaient la vie dure, plus morne, comme
renfermée sur elle-même ; la misère est une forteresse sans pont-levis. »
La joie d'être en classe : « Dans la classe de M. Germain,
pour la première fois, ils sentaient qu'ils existaient et qu'ils étaient l'objet
de la plus haute considération : on les jugeait dignes de découvrir le
monde. Et même leur maître ne se vouait pas seulement à leur apprendre ce qu'il
était payé pour leur enseigner, il les accueillait avec simplicité dans sa vie
personnelle, il la vivait avec eux, leur racontant son enfance et l'histoire
d'enfants qu'il avait connus, leur exposait ses points de vue, non point ses
idées, car il était par exemple anticlérical comme beaucoup de ses confrères et
n'avait jamais en classe un seul mot contre la religion, ni contre rien de ce
qui pouvait être l'objet d'un choix ou d'une conviction, mais il n'en
condamnait qu'avec plus de force qui ne souffrait pas de discussion, le vol, la
délation, l'indélicatesse et la malpropreté. »
En ce sens, l'école décrite par Albert Camus était un lieu plus grand que
nature : « Non l'école ne leur fournissait pas seulement une évasion à la
vie de famille. Dans la classe de M. Bernard du moins, elle nourrissait en
eux une faim plus essentielle encore à l'enfant qu'à l'homme et qui est la faim
de la découverte. »
Bref, écrit Camus, l'école, la classe de M. Bernard était intéressante :
« Cette classe était constamment intéressante pour la simple raison qu'il
aimait passionnément son métier. »
Par les mots d'Albert Camus, je retrouve mes propres expériences à l'école
avec sœur Michelle et plus tard Suzanne Lavoie. Des profs qui aimaient leur
métier passionnément et qui aimaient les enfants. Aujourd'hui, je ne suis pas
certain que cette passion du métier est aussi courante que dans le roman de
Camus. Je sais qu'il y a encore aujourd'hui des enseignantes et des enseignants
dévoués et passionnés par leur métier, mais je ne suis pas certain que le dieu
argent, comme bien d'autres choses dans notre société, n'a pas détruit ce lieu
si important qu'est l'école. L'empressement et la détermination des enseignantes
et des enseignants à aider leurs élèves à reprendre le temps perdu par les
chicanes d'adultes permettra de mesurer la sincérité de celles et de ceux qui
disaient faire la grève pour sauver l'école publique.