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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Temps et perceptions


La nostalgie à l'état pur ramène ces moments qui ont été filtrés par notre mémoire. Généralement, on ne garde que les bonnes séquences de ces moments et on les emmagasine sur le disque dur de notre mémoire sensorielle.
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François Fouquet Par François Fouquet
Lundi le 27 avril 2020      

Le temps est incompressible. Du moins dans la mesure qu'on en fait.

Une heure, c'est une heure.

Quand on parle d'une « petite heure avant de quitter le bureau » ou d'une « grosse heure avant de quitter le bureau », on est dans la perception de ce temps qui passe pas assez ou trop vite, c'est selon.

Je ne sais pas pour vous, mais j'ai l'impression, en temps de confinement, de vivre au quotidien cette journée dans l'année lors de laquelle on recule l'heure! Vous savez, ce dimanche qui déjoue nos repères et qui nous fait dire, plusieurs fois plutôt qu'une : « ben, voyons qui est juste 11h! J'ai donc bien du temps! »

En confinement, j'ai l'impression qu'avril prend plus son temps qu'à l'habitude. À partir de ce constat, le sentiment qui s'en dégage est variable. Soit j'ai des problèmes d'anxiété, de manque d'argent, de stress familial à cause des enfants et des parents qui n'en peuvent plus, ou soit mon frigo est plein, mes paiements se font pareil et que j'en profite pour écouter des séries télé...

Vous pouvez changer les « séries télé » par bricolage, bizounage, casse-tête, cuisine, bref, vous voyez ce que je veux dire.
Je caricature un peu pour illustrer la situation. Mais pas tant, je crois bien.

Images heureuses qui, subitement, sèment la nostalgie.

Ces jours-ci, j'ai ces images heureuses de centaines de personnes qui applaudissent en chœur à la suite d'une prestation d'artistes sur scène. Ces images de gens attablés, avec juste ce qu'il faut de place pour passer entre les tables, sur une terrasse de restau avec un soleil couchant qui réchauffe les visages et les coeurs. J'ai ces images heureuses des soirées passées à voir le Phoenix de Sherbrooke disputer la victoire dans une atmosphère légère et dynamique.

Et j'en passe!

Toutes ces images de petits moments de bonheur deviennent porteurs d'une nostalgie à deux volets.

La nostalgie à l'état pur ramène ces moments qui ont été filtrés par notre mémoire. Généralement, on ne garde que les bonnes séquences de ces moments et on les emmagasine sur le disque dur de notre mémoire sensorielle.

Mais se greffent à cette nostalgie quelques autres sentiments qui créent des passages nuageux au-dessus de ces souvenirs pourtant heureux. Une espèce de boule dans le ventre qui s'installe doucement quand on se demande : « c'est quand la prochaine fois qu'on va vivre ça? » Mais il y a pire, ce qui contribue à raffermir la petite boule d'angoisse : « ça va-tu revenir comme avant? »

Questions légitimes. Si on dit, par exemple, que les terrasses pourront ouvrir, disons, le 15 juin, bien, dans les faits, combien d'entre nous se garderont une petite gêne à cause de la proximité qu'il faudra réapprivoiser? Combien de temps autrui sera-t-il une menace directe à ma santé?

Pis ma bière à travers un masque, c'est moins chouette!

Sais pas trop, finalement, où ça va nous mener...

Nous traverserons le pont rendus à la rivière, dirais-je.

Ce que je garderais, par exemple!

S'il y a plein de trucs qu'on devra laisser venir, je me lance à nouveau dans un souhait que j'ai déjà émis dans mes chroniques : on laisse les commerces fermés le dimanche! Quitte à ouvrir plus tard le mercredi soir, disons.
Je persiste et signe dans ma pensée : on a perdu en qualité de vie personnelle et collective quand on a pris la décision, vers la moitié des années 1980, que les commerces allaient ouvrir les dimanches. On a alors pris la décision que le rôle principal du citoyen était d'être un consommateur.

Et une fois ça dit, la roue infernale se met à tourner : la société de consommation dicte ce qu'on « doit » posséder pour être dans les normes. Ces possessions coûtent toujours plus cher, alors tout le monde doit travailler plus. Comme les besoins dictés par la consommation évoluent rapidement, on s'endette pour se procurer nos trucs. Et plus on s'endette, plus on doit travailler. Et quand on a quelques heures de liberté à la maison, on est bombardés d'offres publicitaires qui nous font consommer en un clic.

Tout ça pour notre bonheur, semble-t-il.

Vous me traiterez de nostalgique fini si vous voulez, mais je m'ennuie de ce petit bonheur programmé du dimanche et de son effet bienfaisant dans notre équilibre personnel et collectif.

Clin d'œil de la semaine

Pourtant, quand j'étais à l'école, je disais : « ça donne quoi de nous donner un dimanche si c'est pour aboutir à un lundi? » Contradiction, quand tu nous tiens! Mais bon, j'étais jeune...


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