La tragédie de
Lac-Mégantic, survenue dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, a été
catastrophique au chapitre de la perte de vies humaines. Avec la destruction de
la bibliothèque municipale, qui abritait dans son sous-sol d'importantes
collections d'archives privées, la ville a également perdu des témoins
importants de son histoire.
Néanmoins, plusieurs
traces documentaires de son passé sont conservées aux Archives nationales à
Sherbrooke. Certains fonds d'archives sont spécifiques à Lac-Mégantic, tandis
que d'autres couvrent un territoire plus large qui inclut la région du Granit.
Ces archives sont réparties en diverses catégories, selon leur
provenance : les archives gouvernementales, les archives judiciaires, les
archives civiles et les archives privées.
Nous vous présentons aujourd'hui
quelques pièces grâce auxquelles nous espérons piquer votre curiosité et vous transmettre
l'envie d'explorer les documents qui témoignent de la riche histoire de cette
ville. Vous découvrirez ainsi les racines de la force et de la résilience qui
animent les Méganticois et les Méganticoises d'aujourd'hui.
Les archives
gouvernementales : sur les traces de Donald Morrison
Les archives
gouvernementales sont produites par les ministères et les organismes
gouvernementaux. Parmi celles-ci, seules les archives dites historiques sont
versées à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Ce vaste
ensemble documentaire forme la mémoire de l'État. Ces archives permettent,
entre autres, de comprendre l'administration publique et les services rendus à
la population.
À titre d'exemple, le
fonds Ministère de la Justice, série Établissement de détention de Sherbrooke (communément
appelé la « prison Winter ») témoigne de l'arrestation et de l'emprisonnement
de Donald
Morrison. Le fonds contient le dossier de ce célèbre hors-la-loi de
Lac-Mégantic, qualifié de héros populaire par certains.
Mandat d'arrestation de
Donald Morrison, 2 octobre 1888. Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Ministère de la Justice, série Établissement de détention de Sherbrooke (E17, S100).
Le registre d'écrou,
quant à lui, fournit plusieurs informations sur les personnes emprisonnées. En
ce qui concerne Donald Morrison, l'entrée au registre nous apprend que ce
dernier a été jugé à la Cour du banc de la reine le 2 octobre 1889 pour «
décharge d'une arme à feu avec intention [de tuer] ». On apprend également
à la lecture qu'il était fermier, âgé de 50 ans et marié, qu'il était d'un
tempérament modéré et qu'il savait lire et écrire.
Les archives judiciaires :
coup d'œil sur les exhibits
Les archives judiciaires
sont produites par les cours de justice, qu'elles soient locales ou de niveau
provincial. Ainsi, certains dossiers de cours documentent l'histoire judiciaire
de Lac-Mégantic, couvrant tant des causes civiles (chicanes de voisinage,
dettes, séparations de corps et de biens, divorces) que des causes criminelles
(meurtres, comme dans le dossier de Donald Morrison, ou morts suspectes, comme dans
les dossiers de coroners).
Afin de soutenir ces causes,
des pièces peuvent être déposées en preuve à la cour : ce sont les
exhibits judiciaires. Les exhibits judiciaires peuvent aider à faire la lumière
sur une variété de sujets, parfois fort éloignés de la raison pour laquelle ils
ont été produits : ils informent sur le développement urbain, l'architecture,
etc. Les photographies, parce qu'elles sont prises dans le vif du quotidien,
sont de beaux témoins visuels. Les trois prochains documents, qui ont tous
servi de pièces à conviction dans divers dossiers judiciaires en matière
civile, sont issus du fonds Cour supérieure du district de Saint-François.
James Patton contre la
Corporation du Village de Mégantic, exhibit 3, 1900. Archives nationales à
Sherbrooke, fonds Cour supérieure du district judiciaire de Saint-François
(TP11, S8, SS2, SSS1, D147). Photographe inconnu.
Cette photographie
accompagne le dossier judiciaire de la cause no 147, James
Patton contre la Corporation du Village de Mégantic. Patton cherche à obtenir une
compensation pour la perte de son fils, qui a été entraîné par les flots et
s'est noyé. En effet, au moment de la mort de l'enfant, cela fait cinq ans que
l'écoulement des eaux sur une partie de la rue Maple (aujourd'hui la rue Frontenac)
jusque dans la rivière Chaudière est problématique : il laisse des trous
de plus de trois pieds de profondeur, remplis d'eau.
Cette photographie montre
le développement routier de Lac-Mégantic, près du pont qui traverse la rivière
Chaudière et relie les villages de Mégantic et d'Agnès. Elle offre une vue sur
le moulin à scie de la Lake Megantic Pulp Co. et sa haute cheminée, ainsi que sur
quelques habitations probablement disparues aujourd'hui.
Télesphore
Lemay vs La Cie d'éclairage électrique de Mégantic, exhibit 4 du demandeur,
[1915]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Cour supérieure du district
judiciaire de Saint-François (TP11, S8, SS2, SSS1, D886). Photographe inconnu.
Cette
photographie accompagne le dossier judiciaire de la cause no 886,
qui oppose Télesphore Lemay et la Compagnie d'éclairage électrique Mégantic (laquelle
appartient au père Joseph-Eugène Choquette, aussi surnommé le « prêtre
électrique »). La cause expose un problème courant : une chicane de
clôture due à une vente de lot sans mesurage officiel ni borne de terrain.
La
photo montre une maison appartenant à Télesphore Lemay, sise au 112, rue Market,
à Lac-Mégantic, alors louée à Émile Piché. Neuf enfants endimanchés prennent la
pose sur le trottoir de bois. La photo montre aussi les installations de
plusieurs entreprises du secteur : la compagnie d'éclairage, un moulin à
scie, une manufacture de meubles.
Télesphore
Lemay vs La Cie d'éclairage électrique de Mégantic, exhibit 4 du demandeur, 9
février 1885. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Cour supérieure du
district judiciaire de Saint-François (TP11, S8, SS2, SSS1, D886).
Arpenteur : J. G. Bignell.
Ce
plan grand format s'intitule Plan d'arpenteur d'une partie du village de
Mégantic situé dans les comtés de Compton et de Beauce et délimité par le
canton de Whitton au nord, le lac Mégantic au sud, puis le canton de Ditchfield
à l'ouest. Réalisé par l'arpenteur J. G. Bignell, le plan a été restauré
par BAnQ en 2018. Il permet de voir l'organisation spatiale de Lac-Mégantic en
1885, notamment les rues et les routes, les lots de terre, le chemin de fer,
les plans d'eau et les scieries.
Pour en savoir plus sur
la vie judiciaire de la région de Lac-Mégantic, vous pouvez consulter les fonds
d'archives judiciaires suivants :
-
TL229 : fonds
Cour de magistrat pour le comté de Frontenac (Lac-Mégantic);
-
TL526 : fonds
Tribunal des juges de paix du district de Beauce (Ville de Mégantic);
-
TL549 : fonds
Cour municipale de Lac-Mégantic;
-
TP10, S113 : fonds
Cour de circuit, greffe de Lac-Mégantic;
-
TP11, S8 : fonds
Cour supérieure du district judiciaire de Saint-François;
-
TP12, S43 : fonds
Cour des sessions de la paix, greffe de Lac-Mégantic;
-
TP13, S43 : fonds
Cour provinciale, greffe de Lac-Mégantic.
Les archives
civiles : apprendre à connaître les Méganticois et les Méganticoises
d'autrefois
Les archives civiles sont
constituées des registres d'état civil (baptêmes, mariages et sépultures), des
greffes de notaires et des greffes d'arpenteurs. Elles permettent
principalement de découvrir les origines et l'histoire amiliale des individus.
Extrait du registre
d'état civil de la paroisse Sainte-Agnès, 1900. Archives nationales à
Sherbrooke, fonds Cour supérieure, district judiciaire de Mégantic, état civil,
série Sainte-Agnès (CE503, S17).
Les registres d'état
civil permettent de recréer les lignées familiales; ils constituent donc une
source d'information incontournable pour les travaux de généalogie. À titre d'exemple,
cet extrait d'un registre de la paroisse Sainte-Agnès montre l'enregistrement
du baptême de Joseph Georges Antonio Couture signé par Joseph-Eugène Choquette,
curé de Mégantic de 1896 jusqu'à son décès en 1918.
Quant aux greffes de
notaires, ils fournissent des informations sur la vie des citoyens et des
citoyennes, notamment sur leurs relations (contrats de mariage, contrats
d'employés), leurs possessions (achats ou ventes de terres, testaments), leurs
activités économiques (contrats de construction, d'achat de fonds de commerce).
Par exemple, il est possible de consulter le greffe du notaire De Lourdes Lippé,
qui a pratiqué à Lac-Mégantic entre 1902 et 1957.
Parmi les archives
civiles conservées aux Archives nationales à Sherbrooke, certaines intéresseront
sans doute la population de Lac-Mégantic, notamment :
-
CE503 : fonds
Registres de l'état civil du district judiciaire de Mégantic;
-
CN501, S36 : fonds
Cour supérieure, district judiciaire de Saint-François, greffes de notaires, série
Joseph-Napoléon Thibodeau;
-
CN501, S59 : fonds
Cour supérieure, district judiciaire de Saint-François, greffes de notaires, série
De Lourdes Lippé.
Les
archives privées : des trésors inestimables
Les
Archives nationales à Sherbrooke abritent également des fonds et des
collections d'archives privées. Ces archives contiennent des trésors
inestimables, dont des documents témoins du passé de Lac-Mégantic.
Par
exemple, le fonds d'archives de l'architecte Albert Poulin (P7)
comprend quelques séries de plans de bâtiments méganticois, dont le collège du
Sacré-Cœur, l'hôpital Saint-Joseph et l'église Notre-Dame-de-Fatima. De plus, une
série de cartes postales de la collection Freeman Clowery (P14)
montre des scènes du passé de Lac-Mégantic.
Carte
postale, 4269 Maple Ave, Megantic Que., 1916. La rue Maple (actuellement la rue
Frontenac), alors en terre battue, est flanquée de commerces et de résidences.
Au loin, on aperçoit l'église Sainte-Agnès. Archives nationales à Sherbrooke, collection
Freeman Clowery (P14, S37, P5). Photographe
: Jones.
Le
fonds Famille Lippé (P39)
est également un incontournable pour ses nombreuses photographies illustrant la
vie familiale des Lippé à Lac-Mégantic ainsi que la vie à leur chalet près du
lac. En voici quelques exemples.
Groupe
de gens sur une galerie à Lac-Mégantic, accoutrés de jolis chapeaux. La dernière
personne à droite sur la deuxième rangée : le notaire De Lourdes Lippé. La
dernière personne à droite sur la troisième rangée : le vicaire L.-A.-O. Huard,
[191-?]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39, S4, SS1,
D3). Photographe inconnu.
Gilberte
Lemieux et Marc Guertin sur un quai en bois devant le chalet de De Lourdes
Lippé à Lac-Mégantic, [191-?]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille
Lippé (P39, S7, SS1, D18).
Photographe inconnu.
Ce
fonds contient aussi quelques photographies de la fin du XIXe siècle
mettant en scène plusieurs personnalités de Lac-Mégantic, dont le curé
Joseph-Eugène Choquette. Surnommé le « curé inventeur » ou le « prêtre
électrique », le curé Choquette s'intéressait à la science physique, à la
mécanique et à la photographie. Il a en effet fabriqué des téléphones et des
microphones, et a développé son éclairage personnel pour finalement installer
un service d'électricité au village. Magicien à ses heures, joueur de tours
invétéré, il offrait des séances de lanterne magique et des spectacles de piano
mécanique à ses concitoyens. Il fut le premier Méganticois à posséder une
voiture et le premier propriétaire d'un bateau à moteur.
Pique-nique dans le bois sur le bord du lac Mégantic,
septembre 1897. De gauche à droite : le curé Joseph-Eugène Choquette, le
vicaire L.-A.-O. Huard, le Dr J. A. Millette et le marchand Eusèbe
Huard. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39, S4, SS1,
D3). Photographe inconnu.
Les
pièces d'archives présentées ici ne sont que quelques exemples qui peuvent
éclairer l'histoire de Lac-Mégantic et ouvrir des portes sur le passé de cette
ville que nous vous invitons à découvrir.
Ces
archives vous intéressent? Prenez rendez-vous avec nous :
Les
Archives nationales à Sherbrooke sont situées au
225,
rue Frontenac, bureau 401
819 820-3010,
poste 6330
archives.sherbrooke@banq.qc.ca