Le 1er
novembre 1897, le tramway roule pour la première fois sur les rails nouvellement
installés à Sherbrooke. En 1898, le réseau se développe timidement, faisant à
peine 11 kilomètres de long - ce qui n'empêche pas les citoyens de se réjouir de
l'arrivée des transports en commun dans la ville. Toutefois, de nouveaux
risques surgissent avec l'arrivée du tramway, particulièrement pour les
employés. Le cas de John Kerr est stupéfiant.
John Kennedy
Kerr est engagé comme conducteur par la compagnie The Sherbrooke Street Railway
Co. (SSR). Le
Progrès de l'Est décrit assez bien l'homme malchanceux : « Kerr
est un homme d'un âge mûr qui passait pour un employé modèle et prudent, mais
qui paraît avoir été spécialement désigné par le sort pour être la victime de
tous les accidents qui se produisent sur le tramway. »
En janvier 1897,
Kerr se blesse à la jambe en tombant du toit d'un tramway. Il continue tout de
même de travailler, mais, le 25 janvier, il se casse les côtes en faisant une
autre chute importante, ce qui le force à prendre une période de repos.
Le 6 juin 1898, un
autre incident
survient : alors que la Compagnie de Lennoxville appartenant au
53e Bataillon revient en tramway après un exercice de tir au champ
de Mars, un volontaire ayant conservé des balles à blanc tire en direction d'un
autre tramway. Le conducteur Kerr reçoit le coup en plein visage, « la
poudre lui brûlant grièvement les yeux ».
Le 17 juillet
1898, Kerr est victime d'un troisième accident, aux conséquences encore plus
importantes. Vers 17 h 30, à la sortie d'une courbe, le chauffeur arrive face à
face avec un autre tramway. L'accident survient tout près de la rue Wellington
Sud, à la hauteur du viaduc Waterloo & Magog, baptisé en souvenir de la
Waterloo & Magog Railway Company, absorbée par le Canadien Pacifique en
1887. Il
est impossible pour les deux conducteurs de s'éviter : « Le
pilote ProuIx qui conduisait le char allant à la remise, a eu le temps de
sauter après avoir renversé sa machine [...] mais il n'en fut pas de même du
pilote Kerr qui n'eut pas le temps de se garer, se fit broyer les jambes et
reçut des lésions internes qui mettent sa vie en danger. »
La SSR offre à
son employé un chèque de 50 $ pour les dommages et lésions corporelles subis.
Insulté, Kerr décide de poursuivre la compagnie pour la somme de 7 500 $.
Dans un procès qui met à contribution plus d'une vingtaine de témoins, le
juge tient la compagnie pour responsable et impose à la SSR le
paiement d'une somme de 4 750 $ à Kerr, une vraie fortune pour l'époque. Craignant
que cette décision ne crée un précédent, la compagnie porte la cause en appel à
la Cour suprême. Heureusement pour Kerr, la décision du juge White est
reconduite; il reçoit finalement son indemnité le 23 février 1900.
Sources :
« Kerr Wins His Case », The Sherbrooke Examiner, 20
mars 1899, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2985540?docsearchtext=kerr%20sherbrooke (consulté le 1er avril).
« Notes
locales », Le Progrès de l'Est, 10 juin 1898, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3545144?docsearchtext=le%20directeur%20john (consulté le 1er avril).
« Notes locales »,
Le Progrès de l'Est, 19 juillet 1898, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3545154?docsearchtext=kerr%20sherbrooke (consulté le 1er avril).
« Notes locales »,
Le Progrès de l'Est, 22 juillet 1898, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3545155?docsearchtext=Kerr (consulté le 1er avril).
« Notes locales »,
Le Progrès de l'Est, 8 novembre 1898, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3545185?docsearchtext=Kerr (consulté le 1er avril).
BOOTH, Derek J. Railways of Southern Quebec. Volume II. Toronto,
Railfare Enterprises, 1985, 168 p.
KESTEMAN, Jean-Pierre. Histoire de Sherbrooke. La
ville de l'électricité et du tramway (1897-1929). Sherbrooke, Éditions GGC,
2002, 292 p.
KESTEMAN, Jean-Pierre. La ville électrique. Sherbrooke 1880-1988. Sherbrooke, Éditions Olivier, 1988, 234 p.
KESTEMAN, Jean-Pierre. Les chars électriques.
Histoire du tramway à Sherbrooke 1895-1932. Sherbrooke, Éditions GGC, 2007,
170 p.
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