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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

La vie, la scène

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François Fouquet Par François Fouquet
Lundi le 22 janvier 2018      

Chaque jour, il pleut des vidéos sur les médias sociaux. Une pluie parfois rafraîchissante, parfois lourde. Mais une pluie constante. Difficile, souvent, dans un monde où la réalité est devenue virtuelle et même augmentée, de faire la part des choses. De trier ce qui est essentiel. Ce qui est réel.

Via le Web, on a un accès instantané, au moment où on le souhaite, à une panoplie de performances, de spectacles, de prestations plus ou moins professionnelles. La haute définition des écrans de nos bidules électroniques permet souvent d'avoir des images plus nettes que nettes, plus découpées que découpées... Mais vous savez quoi? Rien ne remplacera la prestation d'un être humain sur une scène. Installez 12 caméras avec un réalisateur qui fait le bon choix d'images au bon moment, rien ne remplacera l'état d'esprit, la relation entre le spectateur et l'artiste.

J'ai assisté au spectacle de « 2Frères » la semaine dernière. Un cadeau de moi à moi. Puis, à celui des Zapartistes samedi soir. Un cadeau de Noël.

Je suis ressorti du spectacle de « 2Frères » heureux, le cœur léger, la fonction « petit bonheur » était activée en moi. Je suis sorti du spectacle des Zapartistes troublé. Correctement troublé.

C'est ça la scène. Quelque chose d'organique qui nous entraîne quelque part. Ailleurs.

Vous connaissez les Zapartistes? Un groupe d'humour qui décortique l'actualité politique en faisant ressortir des travers parfois gros comme ça! Tellement gros qu'ils finissent par passer inaperçus! Certains prétendent que les Zapartistes sont de la gau-gauche, qu'ils ne valent pas la peine d'être vus. Je répondrais ceci : ils méritent d'être vus. En se rappelant que ce qu'on doit laisser au vestiaire, c'est son manteau. Pas son intelligence. Ni son esprit critique.

Revenons à la scène...

Pour les Zapartistes, pas de chichi. Pas de bombardements lumineux, d'effets de boucane et de mise en scène léchée. Des changements d'accessoires et de parties de costumes qui se font là, devant nous. Chacun des trois artistes a un lutrin devant lui. Les textes y sont. Comme une référence.

Mais le trouble ressenti n'est pas là. Pas du tout.

Les musiciens sont polyvalents. Et ils sont là! Pas d'enregistrements programmés savamment, nenon! Des musiciens. Bons. Présents. Participatifs.

Le trouble n'est pas là non plus.

J'ai ri de bon cœur et très souvent. La justesse du propos et des imitations réussit à nous transporter d'un univers à l'autre.

Le trouble, en fait, est autochtone, dans le spectacle de cette année.

Deux fois, un personnage des Premières Nations est incarné et vient s'adresser à nous sur scène. Deux fois, il est tassé du revers de la main avant de finir. La première fois, il se fait dire quelque chose comme : « Ce que vous avez à dire est important, mais ce n'est pas le moment... on vous fait signe » « M'a être là... ». Plus tard, il est interrompu encore : « On s'excuse beaucoup pour tout, mais ce n'est pas le bon moment dans le déroulement. On vous revient... » « M'a être là. J'ai toujours été là... »

Trouble. C'est tellement ce qu'on fait des autochtones depuis des siècles! Ce personnage m'a remué. Solidement...

À la fin du spectacle, le personnage de Trump est attaqué par un missile qu'on comprend venir de Corée du Nord. Il se sert de sa ceinture de champion de lutte pour contrer l'attaque. L'effet est d'une simplicité désarmante. Un missile en carton qui frappe une ceinture. Lumières rouges, effets sonores. On comprend que le modèle actuel mondial tombe.

Et l'autochtone revient. Il peut enfin s'adresser à nous. Calme. Sage.

Au-delà de nos tractations politiques, de notre recherche de performance, de notre acharnement à tout surexploiter, à démontrer sa grande supériorité, il y a cet oubli. Cet oubli de vivre en harmonie avec une nature bien plus grande que nous.

Comme l'autochtone le faisait avant qu'on vienne tout chambouler et coloniser...

Clin d'œil de la semaine

L'humain a besoin de la planète pour vivre. L'inverse n'est pas vrai...

 

 


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