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Les dindons de la farce

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 15 novembre 2023      

Au lendemain de la mise à jour budgétaire du gouvernement de Francois Legault, nous apprenons que l'ère joyeuse du pique-nique dans le trèfle est terminée. Nous sommes de retour à la normalité soit à une période de choix budgétaires difficiles. Les énoncés économiques des gouvernements sont les éléments les plus parlants des orientations des gouvernements. Les chiffres parlent et parlent fort.

Néanmoins, il faut faire preuve d'une très grande malhonnêteté intellectuelle pour ne pas reconnaître que les besoins et les attentes de la population envers les gouvernements sont tout simplement déraisonnables. Nous vivons à l'ère du « gouvernement maman » et la CAQ de François Legault qui vient d'une mouvance idéologique qui jadis dénonçait les dépenses gouvernementales a changé son fusil d'épaule dans le sillage de la pandémie. Sous sa gouverne, les dépenses de l'État ont largement augmenté et la taille de la fonction publique a continué de prendre de l'embonpoint. Ce gouvernement comme nous tous sommes dans une mauvaise conjoncture au moment où le Front commun des employés de l'État veut passer à la caisse et faire payer les riches, nous, pour toutes leurs années de vaches maigres. Après tout, comme ils le disent si bien tout est affaire de choix politiques. Regards croisés sur la situation budgétaire du gouvernement du Québec et les négociations avec les employés de l'État...

 

S'instruire de notre histoire

Une image contenant texte, PoliceDescription générée automatiquementIl n'est pas inutile avant d'aborder ces questions hautement polarisantes de puiser dans l'histoire canadienne pour nous faire une tête sur l'histoire fiscale du Canada. En 2017, E. A. Heaman a publié aux Presses McGill-Queen's un ouvrage très intéressant sur l'histoire politique des taxes et des impôts au Canada : Tax, Order and Good Government. A New Political History of Canada 1867-1917.

Un livre fort instructif dans lequel l'auteur couvre sur une période de 60 ans les trois niveaux de gouvernement dans l'ensemble du pays en cherchant à mieux comprendre le rapport que la population entretient avec la fiscalité. Pour l'autrice, les relations de pouvoir s'entrecroisent dans un enchevêtrement de rapports de force en lien avec les taxes et les impôts. Heaman qualifie cette histoire de la fiscalité de « nouvelle histoire politique. » On comprend mieux les rapports entre les nations et les classes sociales, entre riches et pauvres par les combats autour de la fiscalité alors que les gouvernements municipaux et provinciaux de cette époque s'efforçaient de transférer la richesse du peuple vers les classes possédantes ou que l'argent des contribuables était transféré vers les investisseurs. Un récit édifiant qui prouve que cela a réussi si l'on en croit les courbes faites par Thomas Piketty qui postule à l'accroissement des écarts entre riches et pauvres dans toutes les économies des pays riches. Le Québec et le Canada font meilleure figure à ce chapitre, mais on y voit la même tendance.

Tout cela pour dire que ce retour furtif aux enseignements de l'histoire témoigne bien que les énoncés budgétaires des gouvernements ne sont pas des outils neutres, qu'ils favorisent des intérêts et nourrissent des rapports de force. Les porte-parole syndicaux n'ont pas tort de dire que les choix budgétaires d'un gouvernement sont des choix politiques.

La situation budgétaire du Québec

Cela étant dit, il est vrai aussi que la situation budgétaire du gouvernement n'est plus la même que celle héritée par la CAQ du gouvernement Couillard. Le surplus de 7 milliards de dollars laissés alors par le régime de rigueur budgétaire du ministre des Finances d'alors, Carlos Leitão, n'existe plus. Il faut cependant bien se garder de la rhétorique partisane des oppositions qui accusent le gouvernement Legault d'avoir dilapidé ce coussin budgétaire dans des frivolités. À ce que je sache, le bar ouvert budgétaire pour soutenir le système de santé, les personnes et entreprises touchées de plein front par la pandémie était loin d'être un caprice du gouvernement Legault. Puis, le soutien du gouvernement à la population par des chèques pour faire face à l'inflation était aussi des gestes réclamés par tous même si l'on peut discutailler sur les niveaux de revenus des gens admissibles à ces chèques. Par ailleurs, les baisses d'impôt étaient, quoi qu'en pensent les syndicats, le geste à poser pour les citoyennes et les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord.

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Aujourd'hui, la mise à jour budgétaire du Québec fait la démonstration que nous entrerons dans une période difficile et nous éprouverons de la difficulté à payer pour tous les besoins urgents que nous avons. Le menu est vaste et concerne entre autres le développement de réseau de transport en commun, l'entretien et la rénovation des infrastructures, les besoins des écoles, des collèges, des universités, les besoins de financement pour la santé mentale, l'itinérance, la crise du logement, les conséquences de la crise climatique et bien sûr le renouvellement des conventions collectives des employés de l'État. Sur ce sujet, pour dénouer l'impasse, il faut mettre les vraies choses sur la table. Je m'explique.

De nouvelles conditions de travail, des emplois mieux rémunérés, mais des services en péril...

Je doute fortement que nous soyons capables d'arriver à un règlement négocié dans le cadre de la présente négociation. Il y a trop de colère parmi les syndiqués, trop de fausses informations érigées en vérité, trop d'entrecroisement entre des sujets différents.

Dans la rhétorique syndicale, les investissements dans l'avenir économique (Northvolt), dans l'avenir énergétique (Hydro-Québec) sont des dépenses gouvernementales mises sur le même pied que des dépenses de fonctionnement (leurs salaires). Qui plus est, remettre de l'argent dans le cadre des grandes missions de l'État qui, du point de vue syndical est la voie royale vers l'amélioration des services offerts à la population ne donne pas les résultats escomptés si nous en croyons les dernières années. On a ajouté 16 milliards de dollars au budget de la Santé, avons-nous de meilleurs services ? L'accessibilité a-t-elle été améliorée ? Poser ces questions c'est y répondre. Ce qui est vrai pour la santé est aussi vérifiable pour le système d'éducation, la justice, la santé mentale, le logement ou le transport en commun.

Alors si on veut l'appui de la population et discuter des vraies choses, il serait utile que l'information circule jusqu'à nous. Les organisations syndicales sont-elles prêtes à discuter et négocier de nouvelles façons de faire en matière d'organisation du travail ? Peut-on revoir par exemple la sacro-sainte clause d'ancienneté dans certaines situations pour favoriser une meilleure rétention de la relève ? Est-on d'accord pour adopter des règles de fonctionnement différentes selon les milieux ? Accepte-t-on la rémunération différenciée pour les infirmières dans les quarts de travail difficile, les psychologues, etc. ?

L'un de mes amis, syndicaliste de carrière, me disait récemment que la voie royale était dans la décentralisation des décisions dans un dialogue entre les syndicats locaux et les cadres locaux. Sur papier cela est une fort belle idée, mais à Drummondville les employés voulaient travailler des quarts de 12 heures pour faire leur semaine en trois jours. Savez-vous qui a offert une fin de non-recevoir à cette volonté des employés ? Le syndicat.

Personnellement, je suis comme la majorité de la population, je souhaite que les employés de l'État soient mieux rémunérés. Je ne sais pas si cela veut dire une hausse de 20 % ou 40 % de leurs salaires. Ce que je sais c'est que je suis prêt à ce qu'on leur donne de fortes augmentations de salaire pour obtenir de meilleurs services. À eux de me dire comment ils peuvent en échange de meilleurs salaires m'offrir des services de qualité. Sans des garanties d'amélioration des services en santé et en éducation et dans les autres missions de l'État, un règlement négocié à plus de 15 % serait un règlement où nous serons nous les citoyens et les citoyennes, les dindons de la farce...



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