La semaine dernière, la ministre Affaires étrangères, Mélanie
Joly, a fait parler d'elle lorsqu'une vidéo circulant sur les réseaux
sociaux le dernier week-end de mars montre la ministre Joly, dans une
confrontation tendue avec un homme dans la rue à Montréal au sujet de la guerre
entre Israël et le Hamas.
Prise à partie par un citoyen au sujet de la position canadienne
sur la situation dans la bande de Gaza au Moyen-Orient, la ministre n'a pas eu
d'autres choix que de se protéger elle-même en agrippant le téléphone du
citoyen qui filmait leur échange afin de la diffuser sur les réseaux sociaux.
Le citoyen en question a même déclaré que sa job était de la harceler. Outre les
questions que l'on doit se poser quant à la sécurité d'une ministre importante
de l'un des pays du G7, cela met en lumière la diplomatie des diasporas pratiquée
au Canada. Prenons le temps de discuter de cela si vous le voulez bien.
Le meilleur pays
au monde : le Canada
C'est une vérité de la palisse d'affirmer que le Canada n'est plus
ce qu'il était concernant l'équilibre des forces en présence dans le monde
contemporain. Depuis 20 ans,
la diplomatie canadienne s'est principalement appuyée sur l'exportation de ses
valeurs. Les Canadiens étaient fiers de
ce que le Canada était devenu et ils étaient plusieurs à penser que ce dont le
monde avait urgemment besoin c'était de plus de Canada.
Les Canadiens ont ainsi développé une vision du
monde façonnée en se comparant à eux-mêmes. Héritiers d'un pays ayant le statut
de puissance moyenne doté de généreux programmes sociaux et d'un système
d'éducation de qualité, les Canadiennes et les Canadiens ont acquis la
conviction, conviction nourrie par des enquêtes successives, que le Canada
était l'un des meilleurs pays du monde. Pas étonnant que le premier ministre
actuel Justin Trudeau ait voulu exporter une politique féministe à l'international.
Le Canada se projette alors dans un monde d'illusions et la réalité l'a
rattrapé par l'angle mort de sa politique d'immigration et par l'emprise du concept
du multiculturalisme dans ses politiques et ses actions.
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La diplomatie des diasporas
Les diasporas présentes au Canada pèsent lourdement dans les choix
diplomatiques de ce pays. Depuis plusieurs années, de nombreux experts
déplorent l'absence d'une réelle politique étrangère pour le Canada. Ils se
désolent de la grande époque où le Canada pesait dans les affaires du monde comme
au temps de Lester B. Pearson et ses Casques bleus ou, plus près de nous, du
rôle majeur de l'ex-premier ministre Brian Mulroney dans l'abolition de
l'apartheid en Afrique du Sud et de son soutien à Nelson Mandela. Même Jean Chrétien
par son refus de suivre aveuglément les volontés bellicistes de George W. Bush
fait rêver aujourd'hui.
Cependant, dans les années 1990,
le monde a commencé à se réorganiser. Des puissances émergentes comme la Chine
se sont positionnées stratégiquement dans un Nouveau Monde postcolonial
auparavant dominé par l'Occident. Les pays du sud en émergence ont entrepris de s'affirmer et
de rechercher des investissements et des partenaires, au moment même où les
États-Unis et leurs alliés étaient distraits par les conséquences du 11 septembre
et la guerre au terrorisme. Le Canada, après avoir notamment refusé
d'accompagner les Américains en Irak, les a suivis sans réserve en Afghanistan.
L'ordre international a connu de profonds bouleversements.
C'est ainsi qu'a commencé une
période de changement de régime avalisé par l'Occident. Adhérant à la notion
d'autodéfense et de protection des civils, et désireux de montrer ses muscles
militaires et diplomatiques, le gouvernement Harper s'est joint aux États-Unis,
à la France, à la Grande-Bretagne et à d'autres pays pour soutenir les
mouvements du printemps arabe visant à renverser des autocrates tels que Kadhafi,
en Libye. Les Nations Unies ont progressivement accueilli plus de 40 nouveaux
membres, et le G7 - une coalition de pays en développement - est passé à
134 pays, ce qui lui a conféré une majorité des deux tiers à l'assemblée
générale des Nations Unies. La Chine a amorcé sa contribution financière au
groupe.
Le Canada est passé d'une
diplomatie de rapport de forces basée sur des principes à une diplomatie basée
sur des valeurs. C'est cette transformation qui a dopé les lobbies des
différentes communautés présentes sur le territoire canadien à faire des
interventions musclées pour influer sur la politique étrangère canadienne. Le
poids de ces diverses communautés dans le jeu électoral canadien a favorisé une
plus grande écoute de leurs revendications par la classe politique et la
politique étrangère canadienne est devenue prisonnière de la dynamique de ces
diasporas sur son territoire. Pas étonnant dans ce contexte de voir les
tiraillements occasionnés par la guerre contre le groupe terroriste du Hamas
par l'État d'Israël surgir dans la joute politique canadienne.
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Une politique étrangère axée sur la réalité
Le Canada a perdu son influence sur
la scène internationale parce que comme les autres puissances occidentales, il
n'a pas été à l'écoute de ce que les autres nations voulaient
réellement - et le Canada a cessé de
considérer ce qui était dans son intérêt fondamental. Pendant des années, les
gouvernements des pays en développement, même si ce ne sont pas toutes des
démocraties, ont cherché des partenaires, et non des bienfaiteurs posant des
conditions sociales.
Le Canada a besoin avant tout d'une
politique étrangère pragmatique, plus étroitement liée à ses intérêts et moins
axée sur le signalement de vertus. Personne ne s'attend à ce que le Canada
abandonne la promotion des droits de la personne. Mais ses activités doivent
être guidées par une évaluation réaliste de la manière dont ses ressources
limitées peuvent entraîner des changements. Elles doivent également être
évaluées par rapport à d'éventuels effets boomerang négatifs, comme ce qui est
arrivé avec l'Arabie saoudite en 2018.
La diplomatie du bien-être n'est
pas une diplomatie efficace. Le Canada devrait résister aux déclarations
impulsives des médias et se concentrer sur l'avancement de la collaboration
internationale sur des questions telles que la santé, l'environnement et la
sécurité. Calibrer sa rhétorique publique, en particulier avec les régimes
autocratiques sur leurs questions intérieures, ne signifie pas qu'il ne peut
pas parler plus directement par les voies diplomatiques. Le respect mutuel sur
la scène internationale est en mesure de contribuer grandement à faire avancer
les priorités communes - celles qui touchent directement les Canadiens.
Il est plus que temps que le Canada
se dote d'une politique étrangère adaptée au 21e siècle. Une
politique qui sera lucide, pragmatique et ciblée. Ce pays doit cesser de voir le monde comme il aimerait qu'il soit et
agir en fonction de ce qu'il est réellement. Un pays ne peut baser sa politique étrangère sur l'activisme des diasporas
présentes sur son territoire. Il faut cesser les slogans à la mode et les
conférences de presse pour annoncer des aspirations irréalistes et utopiques.
Ce dont le Canada a besoin, c'est d'une diplomatie à la fois douce et
énergique, qui reflète véritablement ce qu'il est, et qui s'accompagne des
capacités nécessaires pour appuyer ses paroles. La politique internationale
n'est pas le monde magique de Disney...