Vieillir est un sujet d'une actualité brûlante dans des
sociétés vieillissantes comme la nôtre. Ce sujet devient encore plus prégnant si
l'on s'intéresse à la politique américaine.
Jeudi soir dernier, deux vieillards, Donald J. Trump,
78 ans, et Joseph R. Biden, 81 ans, se chamaillaient à qui mieux
mieux sur leurs performances de golfeurs alors que l'Amérique et le monde sont
au bord du gouffre. Un débat entre deux candidats qui souhaitent gouverner la
première puissance militaire et économique du monde. Un débat qui passera à
l'histoire comme le pire débat politique du monde contemporain. Ce fut un
triste et désolant moment de télévision mettant aux prises un menteur
pathologique avec un égo narcissique surdimensionné et un vieil homme bon, mais
fragile comme un petit poulet. On se demandait à regarder Joe Biden où étaient
celles et ceux qui l'aiment pour le laisser se faire autant de mal. La
performance de Joe Biden inspirait plus de pitié que d'engouement pour les
valeurs qu'il défend. Le point sur la démocratie américaine à l'heure où
partout dans le monde les idéaux démocratiques des sociétés libérales
s'effritent et que les extrêmes prennent tout l'espace.
La France aux mains des extrêmes
Selon toute vraisemblance (nous le saurons dimanche à
l'issue du premier tour, ce texte est écrit le samedi 29 juin), le
Rassemblement national de Marine Le Pen et de Jordan Bardella remportera haut la
main le scrutin de 1ᵉʳ tour avec près de 38 % des suffrages. Au
second rang, il est plus que probable que ce soit le Nouveau Front populaire
remporte la palme alors que le parti de Macron terminera au troisième rang.
Loin derrière, avec moins de 7 % des suffrages, il y aura les
Républicains, divisés plus que jamais par l'appui d'Éric Ciotti au
Rassemblement national. Si les sondages se révèlent exacts, le second tour du
7 juillet donnera une fois de plus lieu au barrage contre l'extrême droite
de Bardella et se terminera par une Assemblée nationale toujours aussi divisée
avec le même pyromane en chef aux commandes de l'État français. Tout cela pour
ça, aurait-on envie d'écrire. Chose certaine, l'avenir n'est pas jojo pour
notre mère patrie et nos petits cousins français...
|banniere-article|
Et au Royaume-Uni pendant ce temps...
Au Royaume-Uni, autre lien fort de l'histoire du Québec et
du Canada, rien ne va plus. Le premier ministre conservateur, Rishi Sunak, a
déclenché des élections qui porteront les travaillistes en tête et en prime, un
sondage récent publié dans le Times prévoit
que le parti anti-immigration Reform UK de Nigel Farage prendra le second rang.
Cela constitue un véritable coup de tonnerre dans le paysage électoral
britannique. Même si le mode de scrutin uninominal à un tour, comme chez nous,
du Royaume-Uni rend difficile de prédire le nombre de sièges qu'obtiendra
éventuellement l'extrême droite britannique, il n'en reste pas moins que ce
phénomène de la montée de l'extrême droite au Royaume-Uni s'ajoute à la montée
de l'extrême droite partout en Europe comme en a témoigné le résultat des
élections européennes. Le Royaume-Uni, la France, les États-Unis, tout cela
devient fort inquiétant pour le monde occidental et particulièrement pour nous,
au Québec et au Canada.
L'identité québécoise
Dans son livre, Allégeances et dépendances, publié aux Éditions Nota bene en 2001, le grand
historien des idées Yvan Lamonde avait concocté une formule schématique sur
l'identité québécoise qui résultait d'une vie de recherches et d'études en
histoire socioculturelle et intellectuelle du Québec.
La formule schématique
est présentée sous forme d'une équation de la structure identitaire de la
société québécoise se présente ainsi :
Q = - (F) + (GB) + USA2 - (R) + (C).
L'identité québécoise (Q) est un composé dans lequel
on retrouve moins de traditions françaises qu'on se plaît à s'en convaincre (-
F), un plus grand héritage britannique qu'on est prêt à le reconnaître (+ GB),
beaucoup plus d'éléments états-uniens qu'on veut l'admettre + USA2, moins
d'influence du catholicisme romain (- R) que le clergé a cherché à nous le
faire croire, et plus d'aspects en commun avec le reste du Canada (+ C) qu'il
n'y semble à première vue !
Bref, nous ne pouvons être insensibles à ce qui se
passe en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Canada et même dans
l'Église catholique. Ce sont là des pans identitaires importants de notre
identité québécoise. C'est pourquoi tôt ou tard, ces phénomènes observés aux
États-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Europe auront des répercussions
chez nous.
Au Canada, ça va aussi de mal en
pis
La défaite des libéraux de Justin Trudeau dans le fief libéral de
Toronto - Saint-Paul's est un indicateur supplémentaire que le leadership de
Justin Trudeau est en crise et que le Canada est fin prêt pour vivre son moment
Poilievre. Un tel moment qui s'inscrit dans une mouvance beaucoup plus grande
que la simple dynamique canadienne.
D'ailleurs, si le Rassemblement national réussit à s'emparer du pouvoir
ou à peser fortement sur la direction des politiques françaises le premier
contrecoup ressenti chez nous sera la politique relative aux changements
climatiques qui comprend notamment les politiques de réduction des émissions de
carbone qui sont conformes aux politiques canadiennes, mais que l'on veut
revoir en Europe. La politique du respect des droits de l'homme passera aussi à
la moulinette du populisme ambiant. Plus concrètement, pour les plus
pragmatiques d'entre vous, ce nouveau contexte politique en Europe et aux États-Unis pourrait
mettre à rude épreuve l'accord de libre-échange entre le Canada et l'UE ainsi
que le traité de libre-échange avec les États-Unis alors que Donald Trump veut
imposer des frais de douanes de 10 % à tous les produits importés malgré
les traités existants. En Europe, selon les propos des officiels canadiens, on
craint que la montée du protectionnisme rende impossible la mise en vigueur de
l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.
|banniere-article|
Justin Trudeau peut bien s'égosiller à répéter que la montée des forces
populistes partout en Occident est le résultat d'une droite populiste qui
n'offre pas de solutions et qui mobilise la peur, la colère et les
frustrations, plus personne ne l'écoute. La colère et le désir d'achever toutes
les élites sont des mouvements puissants qui risquent d'emporter avec eux les
fondements de la démocratie que nous devrions tous chérir comme la prunelle de
nos yeux. Ce ne sera pas le cas, je vous le prédis. Nous vivrons comme le reste
du monde notre moment « tout à droite ». Nous serons aussi comme Joe Biden des
naufragés sur les radeaux de nos illusions perdues d'un monde disparu.
Les
vieux des épaves ?
Charles de Gaulle, l'ancien grand président de la France qui avait crié
vive le Québec libre du balcon de l'hôtel de ville de Montréal en juillet 1967
est le même qui a écrit dans une critique à l'égard du maréchal Pétain, en
empruntant la formule à François-René de Chateaubriand, la vieillesse
est un naufrage. Cette phrase s'inscrivait dans la critique de De Gaulle du
régime de Vichy : « La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous
fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s'identifier avec le
naufrage de la France. » On retrouve cette citation dans le premier tome
(l'appel 1940-1942) de l'ouvrage en trois tomes Mémoires de guerre
du Général Charles de Gaulle publié en 1954.
Cela vaut aussi à mon sens pour l'actuel président des
États-Unis, Joseph R. Biden, pour lequel il faut citer François-René
de Chateaubriand, au texte : « La vieillesse est un naufrage, les
vieux sont des épaves. »...