J'ai passé toute mon enfance et une grande partie de mon
adolescence à Montréal. Ma famille était la seule qui vivait dans la grande
ville dans la parenté du côté de ma mère alors que du côté de mon père, il y
avait un frère et deux sœurs sur 16 enfants qui vivaient à Montréal où
Longueuil. Ce qui fait que ma famille était un peu unique dans la parentèle.
D'ailleurs, nous étions suspects de vivre dans la grande ville avec tous les
sous-entendus que cela pouvait engendrer à l'époque. Mes tantes disaient que je
vivais dans la ville du péché. Ce n'est pas d'hier que Montréal soit différente
du reste du Québec. Mon souvenir le plus fugace de l'époque c'est que nous
étions de vrais nomades. Chaque mois de mai, nous déménagions, souvent dans une
rue à côté, dans le même quartier. Ce n'est qu'au milieu des années 1970
que la date du déménagement est devenue le 1er juillet. En
effet, jusqu'au milieu des années 1970, les baux
locatifs expiraient le 30 avril et les ménages quittaient leur logement le
1er mai. Afin d'éviter de perturber l'année scolaire, le
gouvernement du Québec vote une loi en 1974. Celle-ci décrète que les baux
doivent désormais se terminer le 30 juin.
D'ailleurs, le déménagement annuel
était la caractéristique principale de Montréal. La tradition de déménager à
date fixe remonte à l'après-guerre, alors que le Québec connaît une grave
pénurie de logements. Afin de protéger les locataires contre des évictions
hivernales, l'Église catholique fait pression pour interdire les déménagements
avant le mois de mai. Ce n'est pas exagéré que de dire que c'était là une
caractéristique unique au Québec et tout particulièrement à Montréal. Ce n'est qu'au
Québec que l'on observe ce phénomène social unique. Si bien qu'en 1998, une
équipe de la BBC se déplace à Montréal pour analyser cette grande migration.
Aujourd'hui, la pénurie de logements et le coût prohibitif de ceux-ci viennent
heurter de front cette tradition de migration des locataires. Nous sommes
vraiment en pleine crise du logement. Cela mérite quelques commentaires et une
réflexion.
La crise du
logement au Québec
Au Québec, quoi que puisse en dire
le gouvernement Legault, nous vivons une grave crise du logement. Il faut
savoir gré à Gabriel Nadeau Dubois et à Québec solidaire de nous alerter sur
cette question depuis plusieurs années. Notre député de Sherbrooke,
représentante de Québec solidaire, Christine Labrie, ne manque pas une occasion
pour nous rappeler cette réalité qui touche aussi de plein front la ville de
Sherbrooke et la région de l'Estrie. Pas étonnant qu'elle ait mené le combat
contre la vente immorale du complexe Faubourg Mena'sen.
La crise du logement au Québec en 2023 est une
situation où l'offre de logements disponibles est insuffisante pour répondre à
la demande croissante. Cette crise se caractérise par une augmentation du prix des
loyers, une pénurie de logements abordables et une augmentation du nombre de
personnes sans abri.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à cette crise
du logement. Parmi ceux-ci, on trouve la croissance démographique, l'urbanisation,
le manque de construction de nouveaux logements, la spéculation immobilière, les
politiques gouvernementales et les difficultés économiques.
La croissance démographique continue d'augmenter la
demande de logements, en particulier dans les grandes villes comme Montréal,
Québec et même Sherbrooke. L'urbanisation rapide a également un impact, car de
plus en plus de personnes cherchent à vivre près des centres urbains pour des
raisons d'emploi, d'éducation et de services à proximité.
Le manque de construction de nouveaux logements est
un facteur clé de la crise. Bien que des projets de construction soient en
cours, ils ne suffisent pas à combler le déficit existant. De plus, les
logements abordables sont souvent insuffisants, car la plupart des nouveaux
développements immobiliers se concentrent sur des logements de luxe ou des
condominiums plus chers.
La spéculation immobilière joue également un rôle
dans la crise. Certains investisseurs achètent des propriétés dans le but de
les revendre à un prix plus élevé, ce qui entraîne une hausse des prix sur le
marché immobilier. Cela rend les logements encore moins abordables pour de
nombreux résidants. Il y a aussi le phénomène des Airbnb qui ampute le parc de logements
disponibles à la population.
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Les politiques gouvernementales peuvent également
avoir un impact sur la crise du logement. Bien que le gouvernement du Québec
ait mis en place des mesures pour encourager la construction de logements
abordables, il existe toujours un décalage entre l'offre et la demande. De
plus, on doit admettre que les politiques mises en place sont inefficaces pour
résoudre le problème à court terme.
Enfin, les difficultés économiques peuvent aggraver
la crise du logement. L'instabilité économique, le chômage et les revenus
stagnants rendent plus difficile pour de nombreuses personnes de trouver et de
maintenir un logement abordable. Nous devons mettre la main à la pâte pour
trouver une solution durable à cette grave crise sociale et cela passe par la
mise en commun des efforts de toutes les parties prenantes.
Des solutions possibles...
Dans un communiqué de presse émis le 9 mai
dernier, L'Union des municipalités du Québec (UMQ) affirme que : « Alors que la crise du logement ne cesse de s'aggraver partout
au Québec, et que le 1er juillet arrive à grands pas, il est
inconcevable de maintenir le statu quo. Il est urgent de se mettre en mode
résultat avec les acteurs du milieu et le gouvernement du Québec. Les élues et
élus municipaux sont engagés plus que jamais. Il faut être à l'écoute des
réalités du terrain. Par exemple, en s'attaquant plus sérieusement à
l'application de la Loi sur l'hébergement touristique, comme le demande l'UMQ
depuis 2020, ce sont des milliers de logements de type Airbnb qui
auraient pu être remis sur le marché de l'habitation beaucoup plus tôt », a
déclaré monsieur Guillaume Tremblay, deuxième vice-président de l'UMQ,
président du Comité sur l'habitation de l'Union et maire de Mascouche. Plus
récemment, au terme de sa tournée des villes, le nouveau président élu en mai dernier, Martin
Damphousse a déclaré à Sherbrooke : « Soyons francs, je
viens de Varennes dans la communauté métropolitaine de Montréal. L'enjeu des
mines, je le maîtrise moins. L'enjeu des forêts. L'enjeu du transport aérien
régional. Mais ce qui était clair à travers l'ensemble des rencontres, c'est
qu'il y a plusieurs sujets qui font l'unanimité. » Le président note la crise
du logement, les changements climatiques, la rareté de la main-d'œuvre et le transport
collectif en tant qu'enjeux qui sont revenus « partout » dans ses discussions.
La mairesse de Sherbrooke Évelyne Beaudin a quant à elle déclarée que : « Pour
pouvoir surmonter des crises aussi importantes, ça demande nécessairement un
alignement de tous les paliers. Que ce soit pour le logement, la crise
climatique ou la main-d'œuvre, on ne pourra pas faire face à ces défis-là en
essayant de travailler chacun dans son coin. »
En 2023, la crise du logement au Québec peut être
abordée par différentes solutions. Voici quelques mesures qui pourraient être
mises en place pour faire face à cette problématique. Il faut plus de
construction de logements. Il est
nécessaire de promouvoir la construction de nouveaux logements abordables pour
répondre à la demande croissante. Cela peut être réalisé en encourageant les
promoteurs immobiliers à investir dans des projets de logements abordables, en
offrant des subventions ou des incitatifs fiscaux. Cela suppose aussi un
meilleur accueil des villes aux promoteurs, ce qui n'est pas nécessairement
gagné d'avance à Sherbrooke.
Il importe aussi de réaménager les logements
vacants. Il existe de nombreux logements vacants à travers la province. En
encourageant les propriétaires à rénover et à louer ces logements inoccupés, on
peut augmenter l'offre de logements disponibles. Il faut aussi revoir la réglementation
du marché de la location. La mise en place de règles et de réglementations pour
encadrer le marché de la location peut contribuer à protéger les locataires et
à stabiliser les loyers. Des mesures comme le gel des loyers, l'encadrement des
hausses de loyer avec un registre de loyers par exemple et l'amélioration des
normes de logement peuvent être envisagées.
Il faut promouvoir avec plus de vigueur le logement
coopératif. À Sherbrooke, nous avons une longueur d'avance sur plusieurs villes
au Québec. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas intensifier nos actions en
ce domaine. Les coopératives d'habitation sont une solution intéressante pour
fournir des logements abordables. En encourageant leur développement et en
offrant un soutien financier et technique aux coopératives, on peut favoriser l'accès
à un logement stable et abordable.
Les gouvernements doivent aussi investir
massivement dans les logements sociaux : l'augmentation du financement des
logements sociaux est essentielle pour répondre aux besoins des personnes à
faible revenu. En développant davantage de logements sociaux et en soutenant
les programmes de logement existants, on peut aider les personnes vulnérables à
trouver un logement sûr et abordable.
L'aménagement des milieux de vie compte aussi pour
beaucoup dans les solutions. Ainsi, l'amélioration du transport en commun vient
au premier rang. L'accès à des options de transport en commun efficaces peut
permettre aux personnes de vivre en dehors des zones urbaines denses, où les
loyers sont souvent plus élevés. En investissant dans l'expansion et l'amélioration
du réseau de transport en commun, on peut ouvrir de nouvelles possibilités de
logement abordable en périphérie des grandes villes.
Il faut aussi que les villes se mettent à une planification
urbaine durable : une planification urbaine efficace et durable peut
contribuer à la création de quartiers résidentiels bien conçus, où les
logements sont facilement accessibles aux services et aux emplois. En
encourageant la densification intelligente et en favorisant les aménagements
mixtes, on peut créer des communautés dynamiques et abordables.
Bien sûr, il est
important de noter que ces solutions ne sont pas exhaustives et qu'une approche
intégrée et multidimensionnelle est nécessaire pour faire face à la crise du logement.
Les gouvernements, les organismes de logement et la société civile doivent
collaborer pour trouver des solutions durables et adaptées aux besoins
spécifiques des différentes régions du Québec. Chose certaine, si on ne se
grouille pas le cul, on risque de voir la fin d'une grande tradition toute
québécoise, celui de la bougeotte annuelle. Ce sera la fin des nomades...