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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Une bonne pensée pour Ndji

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François Fouquet Par François Fouquet
Lundi le 19 octobre 2020      

J'en ai parlé jadis!

Ndji, c'est un Malien rencontré chez lui, à Dégnékoro, au Mali. En 2002, j'y étais avec mon ami Alexandre Badibanga qui oeuvrait alors au Carrefour de solidarité internationale.

Le genre de voyage dont on souhaite ne jamais se remettre complètement!

Parmi tous ces Maliens rencontrés, il y avait Ndji. Un être de bienfaisance, de sincérité, de calme, d'humilité. L'humilité, là, la vraie. Pas celle dont on se vante et s'autoproclame!

Je pense à Ndji, ces temps-ci.

En novembre, le jour se couche tôt à Dégnékoro. Après 18h, c'est grand noir. Les soirées étaient très tranquilles dans ce tout petit hôtel à 4 chambres. À nous seuls, on occupait la moitié des chambres et l'affiche « no vacancy » n'était pas allumée! C'est vous dire!

En jasant avec Alexandre, bière à la main, il me revenait cette phrase si souvent dite au Québec : « on est chanceux d'être nés du bon bord de la planète ». Une phrase dite sans malice. C'est un constat. Pas de méchanceté. Une part de jugement, oui, mais rien de méchant.

Je savais que Ndji allait venir au Québec en 2003. Naïvement, je me disais que ce diplômé en foresterie n'allait pas vouloir revenir au Mali quand il allait constater l'abondance des richesses qui inonde nos quotidiens.

Évidemment, j'avais tout faux.

Quelques jours avant son vol de retour, je lui ai demandé s'il avait hâte de rentrer. Plus précisément, avait-il pensé à rester ici?

Pantoute.

Son regard calme a répondu en grande partie pour lui. Ndji est un de ceux qui m'avaient fait remarquer qu'ici, quand on se croise à l'épicerie, sur le trottoir, au centre d'achats, personne ne parle à personne. Il faut que chacun soit entré dans la maison pour commencer à parler. L'image parle par elle-même.

Il avait hâte de rentrer dans sa maison...

« Ça va? Ça va? »

Comme beaucoup d'autres Maliens rencontrés, Ndji, en me voyant, me serrait la main et, en me regardant dans les yeux, me demandait « ça va? ». Je répondais systématiquement « oui ». Il répétait toujours le « ça va » deux fois. Comme pour me dire : au-delà de ton oui, est-ce qu'il se cache vraiment un oui?

C'est pour ça que je pense à Ndji ces temps-ci.

À travers les sidérantes insultes distribuées sur les médias sociaux; à travers les actions de haine faites par des groupes extrémistes (le drame de l'enseignant de France, entre autres); à travers les semences de haine faites à tout vent par Trump dans sa folie de pouvoir; à travers les contraintes sanitaires qui bousculent notre quotidien; à travers le fait qu'on ne peut pas socialiser comme on voudrait (et pour encore un bout de temps); à travers tout ça, donc, la question mérite d'être répétée : « Ça va? Ça va? »

Je vous partage une astuce issue d'une petite réflexion personnelle : je travaille quotidiennement dans un milieu qui fait que je croise des familles endeuillées. Je trouvais un peu déplacée la question « ça va? ». J'avais peur de heurter les gens. J'imaginais un d'eux me répondre « ben oui, ça va, mon père vient de mourir! »         

J'ai donc changé de stratégie et je demande maintenant : « comment ça se passe pour vous? » La question ouvre généralement sur une discussion moins insipide que juste le « ça va... »

Je repense à la grande paix qui émane du regard de Ndji et je lui rends cet hommage : c'est un peu toi, mon vieux, qui m'as inspiré le « comment ça se passe pour vous? ». Ta façon de répéter deux fois ton « ça va? », c'était en fait une façon de me dire : « tu peux t'ouvrir, je t'écoute pour vrai »

On dirait que ça manque, de notre « bon côté de la planète », l'écoute de l'autre. Prendre soin les uns des autres passe par une qualité d'écoute, une connexion réelle avec l'autre.

Prendre soin les uns des autres, c'est réel. Pas (juste) virtuel.

D'ailleurs, sur les photos où je vois Ndji, la bonté du regard ne transcende pas tant.

Il faut le voir, comme ça, pour vrai, les yeux dans les yeux...

 

Clin d'œil de la semaine

« Jadis? C'est loin, ça, jadis? »

« Oh, oui! C'était même avant la Covid-19, t'imagines? »


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