Je parle beaucoup. Parfois.
J'ai pourtant de longues séquences au cours desquelles j'observe et m'interroge sur le monde qui m'entoure. Les questions viennent souvent mieux que les réponses, cela dit.
Quelque chose m'inquiète tout le temps. C'est en sourdine, mais c'est là pareil. J'en ai parlé il y a quelques années. Rien n'a vraiment changé : tant dans l'appareil gouvernemental que dans le privé, le gros bon sens a foutu le camp. Son remplaçant? Les ratios. Oui, oui, les ratios. Ceux-là mêmes qui prennent les décisions à la place du dirigeant.
Le point de vue que ma petite personne a sur la chose est le suivant. On a fait en sorte de transformer l'économie publique et la gestion des entreprises en deux sciences précises. Deux sciences qui obéissent à des règles établies. Deux sciences disposant d'un mode d'emploi strict. C'est comme un jeu. Pour gagner, pour recevoir les honneurs, il faut en arriver à marquer le plus de points possible. Et les points s'accumulent en complétant, dans l'ordre, des méthodes prescrites.
« Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement....Ouin.... » Vivement des exemples.
L'économie publique, celle qui n'en finit plus de se planter, est bourrée de ratios qu'il faut connaître. Ce sont eux qui décident. Le gros bon sens n'a plus rien à dire. Dans la cour des grands, quand les ratios s'affolent, on modifie les règlements. Les ratios reprennent alors du service, la réalité ayant été modifiée. C'est ainsi que le Québec, même dans les années dites de déficit zéro, voyait sa dette augmenter. Comment est-ce possible? En manoeuvrant pour faire en sorte de tasser ou renommer des dépenses pour qu'elles passent de cours à long terme, par exemple. Et, comme le ratio est redevient aussitôt normal, personne ne s'objecte. Oh! Il y a bien un vérificateur général, mais bon, aussitôt dit, aussitôt oublié, non?
Et quand l'économie américaine (la grosse, la vraie, vous savez?) s'est empêtrée, bien on a imprimé de l'argent! Facile! Gagner au Monopoly devient simple quand on peut imprimer de l'argent...
Le gros bon sens aurait dit Wo! bien avant la débandade! Mais comme il n'est contenu dans aucun ratio, il n'est pas enseigné à l'école des dirigeants.
Il me semble que c'est souvent pareil dans les organisations publiques ou privées. Le grand patron, qui se nourrit de ratios, met de la pression sur le haut gestionnaire. Celui-ci, aimant bien son statut, souhaite rester en poste. Il s'entoure donc de gens qui connaissent les ratios. Pas nécessaire de bien connaître le milieu dans lequel il évolue, nenon! « Je crois en mes ratios, symboles tout puissants, créateurs du rapport qui me protège... »
Vous voyez, j'ai cette impression que nous naviguons, collectivement, dans un monde un peu irréel où des règles apprises sur les bancs d'école viennent teinter chaque décision. Comme si l'économie et la gestion des entreprises étaient des sciences exactes. Eh, bien, non, justement. Plusieurs facteurs l'influencent, dont la culture et l'histoire de l'organisation, le contexte régional et bien d'autres. Et c'est généralement la qualité des interventions, sur le terrain, de chaque membre du personnel, qui fait une différence. Le problème, c'est que tout ça n'entre pas dans une formule mathématique fixe. Le seul mot qui compte, c'est performance. Et l'on ne la mesure plus qu'en ratios. Alors qu'il y a tellement plus!
On vogue quelque part à côté de la vie. Et tout paraît normal.
Paraît normal et paranormal, ça se ressemble, il me semble...
Clin d'œil de la semaine
Il y a quelque chose de fascinant à voir des rois et des reines se gambader près de chez soi. Même si on sait bien que ce sont nos taxes à l'œuvre, Kate et William sont beaux, attachants et allumés. Dommage que tout ça ne soit pas utile...