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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Cantat en crime majeur ou la mort de l’argument


25 avril 2011
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L'argument est mort, je crois bien.  Et c'est dangereux. J'ai constaté le décès à la suite de l'affaire Bertrand Cantat/Wajdi Mouawad.

L'argument, c'est ce qui nous permet de faire valoir une idée. La valider, la modifier. Argumenter constitue une action saine qui a deux avantages majeurs : ça oblige à se baser sur des faits plutôt que sur des élans de passion et ça remet en scène une grande oubliée de notre époque, la mémoire.

Bertrand Cantat, c'est le chanteur de Noir Désir qui a tué sa conjointe, Marie Trintignant. Moins d'un an après avoir été libéré complètement de sa peine, l'auteur Wadji Mouawad décide de l'inclure dans un projet théâtral qui parle, justement, de violence et de femmes. Un tollé a suivi et chacun y est allé de son opinion.

J'attendais avec impatience l'argumentaire de Wajdi Mouawad. Qu'est-ce qui l'avait motivé à choisir Cantat pour la pièce? La compréhension d'une situation est la source d'une interprétation plus équilibrée et plus saine des faits. Pour s'expliquer, Mouawad a fabriqué une mise en scène sirupeuse : une lettre écrite à sa fille, mais publiée dans les journaux, et destinée à faire en sorte qu'elle comprenne bien, quand elle sera grande, l'essence du geste de son papa. C'est de la prétention à l'état pur. C'est jouer sur les sentiments humains (qui peut rester de glace quand un père écrit à sa fille), mais c'est surtout décider, soi-même, de qualifier l'importance d'un événement en tenant pour acquis qu'il marquera l'histoire. Puis, cette conférence de presse où, l'amertume et la rage plein la gueule, il avertit les gens qu'ils entendront parler de Cantat quand même dans la pièce. Le ce que je ressens qui détrône l'argumentaire.      

C'est là que je me suis dit que l'argument était mort.  À l'ère des communications et de l'instantanéité, on porte des jugements de valeur plutôt que d'argumenter. Voyez et écoutez autour de vous.

« Il est trop con. » Voilà qui explique pour qui je ne voterai pas le 2 mai.

« Ce n'est pas ça que le citoyen veut. »  La phrase vient d'une lettre ouverte d'un lecteur qui en veut à la ville de Sherbrooke de ne ramasser les ordures qu'aux trois semaines. Pourquoi  parle-t-il ainsi au nom de tous?  Par paresse, probablement : il est plus simple de lancer des généralités que d'argumenter.

« Que ça vous plaise ou non.» Une phrase-choc dans une chronique signée Jean-Guy Rancourt et concernant le Canadien de Montréal. Ses arguments sont nuls parce que son point est purement émotif. Il  ferme donc le sujet en jouant le grand jeu du moralisateur.

Des exemples, il en pleut.

L'argument est mort. Mort? Non. J'exagère. Il est plutôt éclipsé par l'information en courtes capsules, les médias sociaux et la rapidité de la vie moderne. À quoi bon se donner le trouble de bâtir un argumentaire alors qu'un que ça vous plaise ou non fait l'affaire. Et pourquoi essayer de se rappeler quand Google le fait pour nous?   

Dimanche dernier. Discussion sur les élections à venir. L'émotion est au rendez-vous. Puis, comme un vent de fraîcheur, mon beau-frère dresse un portrait historique des partis en place. D'où ils viennent. Ce qui les motive. Pas de jugements de valeur. De l'information. « Le NPD a appuyé les Libéraux, en 1982, lors du rapatriement unilatéral de la Constitution » « L'actuelle direction des Conservateurs est issue de l'ancien Reform Party ». Et bien d'autres éléments encore.

J'ai réalisé, là, au bout de la table, que le fait d'être informé, avec une perspective plus large que le simple énoncé du politicien en campagne, était source d'équilibre. Et que j'étais responsable de me procurer les éléments pour obtenir une perspective. Le devoir du citoyen n'est pas simplement de voter. C'est de comprendre pourquoi il le fait. Le vrai devoir, c'est de pouvoir argumenter pour justifier son choix. Sans se choquer.

C'est plus engageant qu'un que ça vous plaise ou non, mais c'est socialement plus utile...

Clin d'œil de la semaine

De toute évidence, Bertrand Cantat n'avait pas de noir que le désir...   


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