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  CHRONIQUEURS / Deux mots à vous dire

Lettre à mes deux fils

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Salut les gars,

Je vous écris pour évacuer un sentiment qui m'habite et que j'ai identifié jeudi dernier, lors du débat des chefs de la campagne électorale québécoise. 

Les gars, je m'excuse. Au nom de ma génération. Et ne croyez pas qu'ils vont tous m'appuyer, plusieurs ne voient pas. Ou refusent de voir. Dans les années 1970 (j'ai 52 ans, je vous rappelle...) je m'étais promis, comme tous ceux nés un peu avant ou pendant la Révolution tranquille, que je contribuerais à changer les choses.

J'ai vu le débat de jeudi dernier et j'avoue ma désolation. Que l'on en soit encore à se gueuler après en mode "mon père est plus fort que le tien", ça sème une déprime en moi. Ça donne quoi de défiler l'imposant CV de M. Couillard si l'essentiel de son discours est de répéter un ou deux mots qu'on lui a dit de dire? Cela donne quoi d'avoir plus de 30 ans d'expérience comme Mme Marois si l'essentiel est de répéter les mêmes petites attaques pendant deux heures. Ouf....

Madame Marois a déclenché des élections sur un faux prétexte. Elle pouvait encore gouverner. Elle plaidait pourtant pour le courage politique. L'opportunisme aura gagné. Comme il avait gagné avec M. Charest en 2008. Quant à M. Couillard, il répète, haine au visage, les mots référendum et charte comme un prêtre qui présenterait son crucifix à Satan, jour après jour. C'est pathétique.

J'ai appris à 19 ans (en 1980) qu'un référendum était un outil d'expression démocratique dont il ne faut pas avoir peur. Ce n'est pas un AK-47, c'est un vote.

Prisonnier du passé. C'est comme cela que je me sentais, jeudi.

Jamais, dans le débat comme dans la campagne des deux chefs proches du pouvoir, n'a-t-on prononcé un mot sur un pacte fiscal à renouveler. Pourtant, rien ne va plus. Il faudra bien nommer la chose, un jour. Les revenus de l'État sont en baisse. Et les ménages sont tellement endettés que les taux d'intérêt ne peuvent plus monter. Quel que soit le prochain gouvernement et malgré les prétentions de sauveur de M. Couillard, l'équation ne marche plus. Il faut tout revoir. Mais ça, on n'en parle pas. Les "vraies affaires", ce n'est pas ça. La seule vraie affaire qui compte, c'est de trôner. 

Les deux chefs qui n'aspirent pas au pouvoir en parlent, eux. Madame David à gauche et M. Legault à droite. Mais pourquoi les écouter, les médias sont programmés pour les deux grands partis. Ils ont déjà éliminé la CAQ. Nous engraissons le terreau d'une structure à deux partis.

Vous savez, les gars, ce qui me désole, c'est qu'on vous laisse ce bateau qu'on fait semblant de ne pas voir couler (ce qui fait ch.....aque fois le même effet, c'est que le bateau d'Acurso, qu'on a largement contribué à payer, ne coule pas...). Au débat, on nous a servi la recette magique: "ne vous inquiétez pas, vous êtes à un petit vote que tout aille bien!".  Foutaise... Plus que de la foutaise, c'est un mensonge affirmé en toute connaissance de cause.

Vraiment, ça me désole...

Un spécialiste des débats disait, jeudi matin dernier : « un débat, ça se regarde à la télé, le son à OFF ». Et ce n'était pas une boutade. En faisant l'exercice, on voit clairement une Pauline Marois qui bouge toujours, nerveuse,  et qui se concentre sur les réponses pré-écrites par des experts en relation publique. M. Couillard, sans le son, ne peut plus cacher qu'il est hautain et condescendant. Toute sa physionomie en témoigne. M. Legault regarde partout, l'air de ne pas trop suivre. Madame David, elle, regarde clairement ses adversaires et laisse échapper juste ce qu'il faut d'énergie dans ses gestes. Mais elle ne peut pas gagner, alors...

Comme je ne suis pas du genre à simplement dénoncer, je vous propose des pistes de départ pour une solution durable: 

  • Les élections devraient se tenir à date fixe. Même minoritaire. Un gouvernement de coalition est valable. Quand il est majoritaire, le gouvernement crie haut et fort qu'il prend acte du mandat. Alors qu'on cesse de jouer les hypocrites et qu'on prenne acte du verdict même quand il ne fait pas notre affaire.
  • Qu'on change les règles du système électoral dans lequel on s'enlise. Un système de vote proportionnel viendrait équilibrer les forces et éviterait qu'un gouvernement comme celui de Harper, au Fédéral, nous dirige avec 39 % des votes.
  • Qu'on arrête de mentir et de nous prendre pour des cruches: les finances ne peuvent plus balancer dans notre façon de faire actuelle. Qu'on arrête de nous étourdir avec une pluie de chiffres comme lors du dernier débat et qu'on propose des solutions, mettant aussi en évidence les contraintes qui nous attendent. Il faut apprendre la transparence, mais qu'on s'y mette au plus tôt.
  • Qu'on remplace les débats vides de sens comme celui de jeudi dernier par des émissions télévisées dans lesquelles les journalistes questionneraient les chefs sur leurs programmes respectifs. Des journalistes qui combattraient la langue de bois. Et des téléspectateurs qui jugeraient selon les réponses obtenues. Ce serait plus utile pas mal. Faites l'exercice de trouver le programme électoral sur les sites des partis. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'onglet n'est pas évident au premier coup d'œil. Sauf pour Québec Solidaire, mais bon, les médias n'en ont rien à cirer, visiblement.

Pour moi, la case départ est là. Le reste demeurera un débat de société entre la gauche ou la droite.

Si ça peut vous rassurer, je ne suis pas assez vieux pour vous abandonner avec le problème. À ma façon, je vais m'impliquer un peu plus dans ma collectivité. Je vais tenter d'influencer les choses. Je vous propose de faire pareil. C'est à tout laisser aller que nous avons construit des ponts qui tombent le lendemain de la garantie, alors qu'on avait pourtant payé au moins 30% de trop sur chaque projet. C'est à tout laisser aller qu'on a bâti un modèle où on parle de valeurs tout en oubliant de les appliquer.

 Je suis désolé, les gars. Au nom de ma génération. On voulait un monde de justice et de paix. En lieu et place, on s'est construit un monde où chacun a sa propre paix, où chacun relit scrupuleusement ses droits et libertés et où chacun finit par oublier qu'il a aussi des devoirs et responsabilités.

On voulait le mieux pour nos enfants. C'est normal. Les parents veulent toujours ça. On a juste mal évalué ce qu'était le mieux dans toute la sphère publique.

En terminant,  je vous dis : faites l'effort de ne pas vous fier aux simples messages des chefs. C'est de la communication étudiée. Allez plus loin. Établissez votre idée. Après, surtout, sortez voter.

Ma désolation n'est pas dépourvue d'espoir. Mais il y a du travail à faire!

Votre papa

Clin d'œil de la semaine

Quand je vois la campagne de publicité des viandes Lafleur « On se dit les vraies affaires, avec le chef Bob », je ne peux que sourire. Une publicité sur le bacon et les Libéraux qui choisissent le même slogan, c'est quand même drôle...



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