Celles et ceux qui me lisent depuis un bout le savent :
pour moi, la religion est une chose personnelle. Assez personnelle pour qu'elle
n'influence pas le domaine public. Je suis donc particulièrement à l'aise avec
la notion d'état de droit. Un état qui se définit selon des codes connus et
reconnus, codes qui se retrouvent à l'extérieur du cadre d'une religion ou
d'une croyance quelconque.
Pourtant, il semble que la chose dérape. De plus en plus.
Les élections 2015 en sont le reflet.
D'abord, spécifions le contexte socio-économique :
l'inflation est au plancher, les taux d'intérêt aussi. L'argent est rare dans
les poches des familles qui achètent de plus en plus à crédit. Les emplois se
déstabilisent : jadis (hier, même!), on pouvait compter sur des emplois
stables. C'est une notion qui s'effrite comme une érosion accélérée. Mais, si les
taux d'intérêt sont au plancher, les profits des entreprises en bourse doivent,
eux, être au plafond. Que la volonté de l'actionnaire soit faite.
Voilà un terreau fertile pour semer la « Bonne
Nouvelle ». Les gens sont probablement juste à la bonne place pour
accorder leur adhésion à quelqu'un qui promet le bonheur alors que la pression
financière sur les familles annonce le malheur.
Voilà que M. Harper nous lance dans une élection. La plus
longue depuis plus de 100 ans, je crois bien. Que nous tenions des élections,
surtout à date fixe, cela me réjouit. Il faut bien que la démocratie s'exprime.
Moi, c'est le ton qui m'interpelle. M'agresse. Le ton
général et les actions qui en découlent. En fait, je crois avoir trouvé ce qui
m'agresse tant : si j'avais à lancer une secte religieuse, je ferais
exactement ce que fait M. Harper. Inquiétant...
D'abord, le ton. Trop paternaliste. Juste paternaliste, en
fait. Dans le sens de « Papa a raison ». Genre : « J'ai de
l'expérience, je conduirai mon peuple. »
Puis, les publicités dans lesquelles les enfants et la
famille de M. Harper sont actifs. La bonne cellule familiale idéale bâtie à
coups de bons principes. Un modèle à suivre. « Suivez-moi, mes
agneaux! » Certains disciples des Témoins de Jéhovah faisaient du
porte-à-porte avec de jeunes adolescents. Ça m'horripilait autant que les
publicités de M. Harper.
Puis, cet angle, son favori : le bien et le mal. Utilisé
à toutes les sauces. Dans le message du lancement de la campagne, c'était
clair. Le bien absolu : l'économie. Et le mal absolu : le terrorisme.
L'idée de favoriser les grandes entreprises pour l'ultime bien économique et de
faire la guerre pour assurer notre sécurité, tout aussi ultime. Tout ça dans le
même meeting! Et, surtout, pour que la pâte lève, le ton « papa a
raison » qui règne. « Pas compliqué, chère Canadienne, cher Canadien.
Tu n'as qu'une croix à mettre sur ton bulletin de vote et tu reçois ma
bénédiction. »
La façon de gérer le gouvernement est horripilante aussi.
Pour éviter tout écueil ou tout réveil de la population en cours de route, on
devient spécialiste de l'adoption de projets de loi dits « mammouth »
qui contiennent des centaines de lois, modifiant plein de petits trucs sans que
le bon peuple s'en doute. « Ayez confiance! » Pourtant, on sait bien
que dans une brique de 400 projets de loi, une chatte perdrait ses chatons.
Encore plus si elle accouche sous un mammouth...
Vous voyez, mon malaise, il est là.
Adhérer à ce type de contre-démocratie, c'est comme faire
partie d'une secte. Puis, quand la secte devient une grande religion, on est
aux États-Unis. Et je ne veux pas que le Canada que j'habite devienne une copie
américaine.
M. Harper, parce que vous dirigez le parti le plus riche, vous
avez opté pour une campagne hyper longue. Tout cela en blâmant les autres. Vous
êtes devenu une sorte de gourou dont les manières ne me plaisent pas.
Je ne veux pas de ce Canada. Que tous les partis se le
tiennent pour dit.
Voilà, je voulais vous le dire, simplement.
Clin d'œil de la semaine
Dans l'ordre, il faut écouter pour ensuite mieux
dire. M. Harper l'a compris : « Écoute la vérité, je vais te la
dire... »