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Une nation et un pays en déséquilibre…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 26 mai 2021      

Même si le parlement du Canada a reconnu, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, la nation québécoise, il semble que ce concept fasse encore des vagues au Canada anglais, du moins sous les claviers de nombreux éditorialistes et commentateurs des grands quotidiens torontois. Tout ce bruit parce que le gouvernement nationaliste de François Legault a décidé dans le cadre du dépôt de son projet de loi sur la langue française d'utiliser une obscure clause, la clause 45 de la constitution canadienne, lui permettant d'écrire dans la constitution canadienne que le Québec est une nation et que sa langue est le français. On va même jusqu'à accuser le premier ministre Justin Trudeau de ne pas être à la hauteur de l'héritage de son père en matière de ferveur canadienne. Ces commentateurs et éditorialistes si empressés de reconnaître le colonialisme de l'État canadien vis-à-vis les peuples des Premières Nations peinent à pousser leur raisonnement jusqu'au bout lorsqu'il est question de la nation québécoise. Réflexions libres sur un pays balkanisé et incapable de reconnaître que le Canada est formé de plusieurs nations et qu'il y a un intérêt à reconnaître les droits collectifs de la nation québécoise.

Le déclin du français ?

Livre QuébecTout cela débute avec un triste constat. La langue française est en péril au Québec. Malgré les bienfaits de la loi 101, cette langue n'en finit plus de reculer dans les terres montréalaises et le transfert linguistique des nouveaux arrivants atteint à peine plus de 50 % vers la langue française alors qu'au Canada cela se chiffre à plus de 90 % en faveur de la langue anglaise. De nombreux démographes ont sonné l'alarme comme Charles Castonguay qui a même écrit un livre sur la question publié l'année dernière un livre fort instructif intitulé Le Français en chute libre. La nouvelle dynamique des langues au Québec.

Dans ce livre édité par le Mouvement Québec français, Castonguay constate que le français est en péril au Québec : « La nouvelle dynamique des langues au Québec ne correspond en rien à ce que Camille Laurin, le père de la Charte de la langue française, avait à l'esprit. Or, depuis l'échec du deuxième référendum sur l'indépendance en 1995, la promotion et l'utilisation du français dans la vie publique n'ont été une priorité pour aucun gouvernement québécois. D'où l'anglicisation renaissante de la majorité francophone elle-même. En définitive, le caractère français de la société québécoise n'est plus assuré. » (Charles Castonguay, Le Français en chute libre. La nouvelle dynamique des langues au Québec, Montréal, Mouvement Québec français, 2020, p. 38.)

Je sais, certains penseront que ce sont des lubies de nationalistes que ces inquiétudes pour l'avenir de la langue française et que tout va à merveille. Cela est inexact. Il n'y a pas que les nationalistes québécois qui posent ce constat. Tous les spécialistes-démographes, toutes les études pointent dans la même direction. Les chiffres sont accablants. Même le gouvernement de Justin Trudeau croit important d'agir pour protéger la langue française. C'est heureusement ce qu'a choisi de faire le gouvernement Legault et son ministre responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette.

La loi 96 : un projet de Loi équilibré...

Legault et Jolin-BarretteAprès de nombreux mois d'attente, le gouvernement Legault a finalement déposé son projet de loi sur la langue française. L'attente en valait la peine, car le projet de loi déposé est sérieux, solide et équilibré et il vient s'attaquer à la problématique inquiétante du déclin relatif de la langue française au Québec tout particulièrement à Montréal. Dans la conférence de presse tenue le 13 mai dernier, en compagnie du premier ministre François Legault, le ministre de la Justice et responsable de la langue française, Simon Jolin-Barrette a déclaré ceci : « Après plus d'un an de travail, de consultations, de réflexions, nous y sommes. C'est avec beaucoup de fierté et un grand honneur que nous avons déposé ce matin le projet de réforme de la Charte de la langue française afin d'assurer la pérennité et la protection de notre langue. De nombreux ouvrages, études et reportages ont permis d'éclairer notre regard collectif sur l'état du français au Québec. Le portrait qui en ressort est inquiétant et sans équivoque. La langue française recule, et ce, dans plusieurs sphères névralgiques de notre société. Les tendances sont lourdes. Le Québec et la langue française sont indissociables... car notre langue perd du terrain, la nation québécoise perd de sa force. La langue française est notre seule langue officielle et commune. C'est en français que nous échangeons, que nous travaillons, que nous apprenons et que nous nous affirmons. La langue française nous unit. Notre projet de loi s'inscrit dans la continuité d'une lutte que nous menons depuis plusieurs siècles. Le Québec existe parce que ceux et celles qui étaient là avant nous ont su construire une nation francophone en Amérique. Nous leur devons d'agir avec fierté et d'assurer l'avenir de notre langue afin que les générations qui nous succèdent puissent à leur tour contribuer en français à l'avancement de ce Québec que nous aimons. Au déclin tranquille, nous proposons l'espoir d'un renouveau, d'une relance linguistique. »

Pour sa part, le premier ministre Legault a tenu à rappeler que : « Et, quand je pense aussi à toutes les générations qui se sont succédé à travers les années pour protéger le français dans une mer d'anglophones, dans une Amérique du Nord massivement anglophone, bien, je me sens aussi une responsabilité, parce que le français sera toujours vulnérable à cause de la situation du Québec en Amérique du Nord. Et, dans ce sens-là, chaque génération qui passe a la responsabilité de notre langue. Puis là, c'est à notre tour. C'est notre génération qui doit porter ce flambeau avec fierté. Et Simon a déposé aujourd'hui le projet de loi no 96, un projet de loi solide, un projet de loi nécessaire et un projet de loi raisonnable. Et cette loi no 96, quand elle va être adoptée, ça va être le geste le plus fort qui aura été posé depuis le dépôt de la loi 101 en 1977. Donc, 44 ans plus tard, un gouvernement nationaliste prend le relais du gouvernement Lévesque pour présenter une nouvelle loi 101. Puis je le dis en toute modestie. Vous savez mon admiration pour René Lévesque. Et ce qu'on doit se dire, c'est que la loi 101 a été un rempart, a été un levier extraordinaire pour protéger le Québec depuis 44 ans. Mais, quand on regarde les chiffres, quand on regarde les projections, c'est évident qu'on doit en faire plus, puis il y a une urgence d'agir. »

Chose certaine, ce projet de Loi est équilibré, respectueux de la communauté anglophone et il cherche à faire confiance à la population du Québec. Il y a oui urgence d'agir, mais pas besoin d'utiliser la coercition pour atteindre nos objectifs, il faut aussi séduire par notre langue.

Les réactions

Bien sûr, l'équilibre que l'on retrouve dans les mesures proposées par le gouvernement Legault fait en sorte que les plus nationalistes trouvent que le projet de loi ne va pas assez loin alors que les anglophones jugent que cela va trop loin. On n'en sortira jamais, dans une chronique la semaine dernière, le journaliste Christian Rioux rappelait une citation d'Étienne Parent qui est d'actualité aujourd'hui : « L'assimilation, sous le nouvel état de choses, disait-il, se fera graduellement et sans secousse et sera d'autant plus prompte qu'on la laissera à son cours naturel et que les Canadiens français y seront conduits par leur propre intérêt, sans que leur amour-propre en soit trop blessé. »

Malgré les propos rassurants tenus par le ministre Jolin-Barrette à l'endroit de la communauté anglophone : « Aux Québécois d'expression anglaise, je le réitère, le gouvernement du Québec agira dans le respect le plus complet des institutions de la communauté anglo-québécoise. Les mesures visant à renforcer le statut du français comme langue commune se feront à l'avantage de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, sans exception. » Certains ont exprimé leurs mécontentements.

Ainsi, la déclaration du président de la Townshipper's Association, Gérald Cutting qui a réagi en disant : « Quand j'ai pris connaissance des objectifs du projet de loi, j'ai senti que je venais de recevoir un coup de poing dans l'estomac. J'en ai perdu le souffle. » Dans une entrevue accordée à un quotidien local, monsieur Cutting s'inquiétait aussi de la mesure concernant les collèges anglophones.

À voir les réactions comme celle-ci et celles des quotidiens de Toronto, on peut constater que nous ne sommes pas sortis de l'auberge. Le combat pour affirmer le droit à l'existence de la Nation québécoise et notre volonté de vivre en français en Amérique du Nord au sein ou non du Canada sera toujours une tâche à remettre sur le métier. Ce sera toujours difficile de vivre comme une nation dans un pays en déséquilibre...


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