Donald Trump s'enflamme : « ce sera une boucherie
si je ne suis pas élu! » L'économie va s'écrouler et tout le reste avec...
Cette chronique ne parlera pas de Trump. Même s'il fait
partie de la première phrase.
Cette chronique utilisera beaucoup de mots pour transmettre
une grande préoccupation qui m'habite.
Je dis beaucoup de mots à cause de notre rapport au temps
qu'on passe à lire un texte, à consulter un écrit quelconque. Et je constate
que mon « beaucoup de mots » devient « beaucoup trop de
mots » si je veux m'inscrire dans la dynamique des médias sociaux.
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La communication, disons, contemporaine, vise un idéal de 30
à 60 secondes de rétention d'attention de la part du lecteur/auditeur. Ainsi,
il n'est pas rare de voir, juste au-dessus du titre d'un article ou d'un texte,
la mention : Nécessite environ 4 minutes de lecture.
Comme si c'était un avertissement par rapport à quelque
chose de dangereux. Comme si on voulait convaincre que ce n'est pas si pire que
ça, ce texte-là!
Dans une époque où on réagit à tout, la notion de temps est
complètement tordue!
Bref, tout doit entrer en quelques secondes. Moins d'une
minute, idéalement.
Les messages très courts escamotent la réflexion. Parfois,
c'est juste sympathique. Quand Jay Du Temple propose qu'un gars peut porter du
vernis à ongles et adopter un habillement original, c'est tel que tel. Ça peut
même ouvrir les esprits par rapport à l'acceptation de la diversité, de la différence.
Mais quand veut entrer une réflexion sociale ou politique dans
un clip de 45 à 60 secondes, je lève le drapeau rouge. Le point, c'est que pour
faire entrer une idée dans si peu de temps, il faut se limiter à proposer un
exemple qui a l'air logique, mais qui est surtout accrocheur.
Deux exemples.
Une vidéo qui circule sur Facebook (entre autres, sûrement).
Une dame s'insurge contre la société : il y a 150 ans, on pouvait faire
pousser ce qu'on voulait sur les terres qui nous appartiennent et les vendre à
qui on voulait. On pouvait construire ce qu'on voulait comme on le voulait. Mon
terrain était mon terrain. En ville ou ailleurs. On ne me réclamait pas des
impôts et des droits sur toutes mes actions. Et ça fonctionnait bien. Les gens
étaient libres. Si vous pensez que vous êtes libres maintenant, c'est faux!
À première vue, sans réflexion, on peut se dire que la dame
a bien raison. Mais c'est dangereux de prendre un raccourci si intense!
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D'abord, il y avait 40 millions d'Américains en 1870. Il y
en a 300 millions de plus aujourd'hui. Ce simple constat implique une structure
publique de gouvernance pour assurer la fluidité relative de la vie
quotidienne.
Si chacun fait ce qu'il veut, aujourd'hui, la guerre
deviendra civile en deux temps, trois mouvements.
Ce n'est que mon premier argument. On pourrait en jaser
longtemps. Mais de résumer ainsi en une anecdote le concept de liberté est pour
le moins dangereux.
Deuxième exemple. Cet Américain qui se filme, toujours en
train de consommer quelque chose (acheter un item ou manger de la crème glacée),
démontrant ainsi sa liberté, et qui
lance des réflexions qui peuvent en séduire plus d'un.
Du genre : « je crois que tous les politiciens
devraient porter un manteau spécifique, un peu comme celui des coureurs
automobiles. Ainsi on saurait, grâce aux logos, à qui ils appartiennent! »
Comique au premier abord, c'est subitement moins drôle quand
on voit qu'il s'agit de quelqu'un qui multiplie ces remarques et qui est
visiblement assez riche pour avoir l'impression d'être autonome dans la vie.
Baser notre réflexion sur des phrases accrocheuses et bien
ficelées, c'est dangereux. Mélanger ça au fait que l'attention disponible à la
réflexion est de moins d'une minute, c'est périlleux.
Et ça renvoie le sempiternel message : vivez vos vies,
quelqu'un, quelque part, réfléchit pour vous.
Continuez surtout de consommer. Tout ira bien!
Clin d'œil de la semaine
On est devenus des spécialistes de l'opposition.
Proposer des idées est plus engageant. Chialer est
tellement plus simple!