Ne vous
attendez pas à ce que j'émette une prescription par rapport à ce qui est
acceptable ou non via une chronique. Je ne suis pas un médecin spécialisé en
rectitude appliquée!
Je vois
l'acceptabilité sociale comme un marqueur de l'évolution des idées. De
l'évolution des choses. Et l'évolution des choses, c'est le chemin que prend un
élément de notre société pour passer d'inacceptable à acceptable. Ou l'inverse.
Quand on
y pense, bien des choses ont changé au fil des ans!
Ce qui
était intolérable hier est socialement accepté aujourd'hui.
Par
exemple, en 1930, au Québec, une femme ne pouvait pas divorcer de son mari,
même si elle vivait l'enfer. Il aurait été inacceptable qu'elle quitte le foyer
familial. Les pressions de la famille, de la religion et de la société auraient
tôt fait, une fois bien galvanisées, de réduire la dame à la misère et à la
déchéance totale, avec l'exil comme seul refuge.
Aujourd'hui,
on va préférer un mariage dissout à une vie malheureuse.
Une
acceptabilité sociale s'est installée.
Parfois
aussi, sans être acceptable, une chose peut devenir, minimalement, non
condamnable. Le suicide d'une personne, dans le Québec de 1920, jetait une
chape de lâcheté sur la personne défunte et une autre de honte sur le reste de
la famille. Le deuil devenait non reconnu, les cérémonies religieuses n'avaient
souvent pas lieu et, souvent aussi, la dépouille était enterrée à l'extérieur
des limites du cimetière de façon à signifier de façon continue et permanente,
qu'un geste lâche a été posé.
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Aujourd'hui,
on reconnaît bien mieux la détresse et le désespoir qui peut amener une
personne à s'enlever la vie. Et les proches peuvent ouvertement vivre un deuil
avec un soutien de la communauté proche et élargie.
Les
esprits s'ouvrent et les choses évoluent.
Autre exemple qui peut maintenant sembler
anecdotique. Je me souviens très bien de la venue du premier four crématoire à
Sherbrooke au tournant des années 1980. À ce moment, bien des gens ont été
offusqués qu'une pareille grossièreté s'amène dans le décor de la fin de vie!
« Ben voyons qu'on va brûler ma mère ! », s'était exclamée une
participante à une ligne ouverte sur les ondes de CHLT radio. Aujourd'hui,
pourtant, c'est presque 90 % des gens qui choisissent ce moyen de disposition
finale du corps.
C'est
comme la notion de suicide assisté. C'est
comme ça qu'on nommait, il y a quelques années, le concept qu'on nomme
actuellement l'aide médicale à mourir.
Déjà, et
en très peu de temps, plus personne (ou presque) ne parle de suicide assisté.
L'acceptabilité sociale s'installe. Comme si le rationnel reprenait du service
une fois que l'émotionnel se tasse un peu. On se dit probablement que si la
médecine peut techniquement prolonger notre survie de façon spectaculaire, il
faut bien installer une sorte de contrepoids nous permettant de dire :
« OK, c'est assez, je n'en peux plus! »
L'acceptabilité
fait avancer les choses.
À
preuve, les critères de l'aide médicale à mourir ont déjà évolué et
continueront de le faire dans une réforme de la loi qui n'est pourtant pas si
vieille!
Je
constate que lorsqu'une forme d'acceptabilité sociale s'installe, même les
gouvernements ne résistent pas à la vague.
J'espère
que la vague d'acceptabilité sociale des changements climatiques et autres
enjeux environnementaux continuera de s'installer, alors!
Il y a
des décennies que les preuves s'accumulent, que les solutions sont énoncées,
mais le déni que procure notre confort personnel gagne tout le temps, visiblement.
Alors,
là, je fais le souhait que l'acceptabilité sociale vienne rallier de plus en
plus de personnes qui en parleront de plus en plus elles aussi, jusqu'à
influencer nos gouvernements des enjeux en cause.
C'est
peut-être la seule manière de faire bouger les choses, finalement. Si cette
chronique devient une modeste prise de parole qui contribue un tant soit peu à
cette acceptabilité, tant mieux!
J'y vois
de l'espoir. Surtout éviter le piège du désespoir...
Clin d'œil
de la semaine
Évoluer
dans sa pensée, ça se fait. L'ouverture de l'esprit ne nécessite pas une
fracture du crâne, après tout!