J'avais 16 ans. C'était il y a.... C'était hier!
Le permis de conduire était un objectif de vie pour moi.
Pour le gringalet qui avait peine à cultiver un minimum de confiance en soi, le
fait de posséder un permis de conduire allait ouvrir des portes que je croyais
fermées.
La chanson "Si j'avais un char" de Steve Faulkner
décrit bien ma détresse (!) par rapport au fait de posséder ma voiture!
Quand j'y repense, l'importance d'obtenir un permis de
conduire était nettement exagérée! C'est à 18 ans que j'ai pu m'acheter ma
première voiture, une rutilante Honda Civic d'occasion!
Avec elle, la liberté est entrée dans ma vie. Il me
semblait, en tous les cas. Ma confiance en moi-même est arrivée bien plus tard,
mais la voiture n'a pas joué un rôle très actif, au final!
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Le concept de la liberté associée à une voiture est ancré
solidement.
Plus tard, bien plus tard, à la fin de la vie de mon père,
il a dû renoncer à conduire sa voiture. C'était comme si on lui arrachait une liberté
qui lui était chère.
Aujourd'hui, j'entends la même phrase de la bouche des membres
des familles que je côtoie pour mon travail. « Quand le médecin a décrété
que papa ne pouvait plus conduire et même s'il comprenait la décision, il l'a
pris comme une condamnation à la prison, rien de moins!" Après tout, sans liberté, c'est la prison,
non?
Bien sûr, ce ne sont que des images. Mais elles illustrent
tellement bien une réalité. Une réalité qui s'est installée au retour de la 2e
guerre mondiale.
La voiture comme guide sociétal
Posséder une voiture était un privilège de riche entre 1910
et 1940. Puis, on a démocratisé la chose. Au tournant des années 1970, bien
rares étaient les familles qui ne possédaient pas une voiture. De nos jours, il
n'est pas rare que tous les membres adultes d'une même maison en aient une.
La présence de la voiture a favorisé un développement urbain
où le commerce local (de quartier) était exclu. Dans la plupart des quartiers
de Sherbrooke, sans voiture, ce n'est pas simple! Le développement urbain
aurait pu être commandité par des fabricants d'automobiles!
Mais la voiture n'a pas seulement déterminé le modèle de vie
en société. La voiture concrétise les classes sociales. Elle marque le niveau
de réussite individuelle. Loin de se limiter à son rôle de facilitatrice lors
des déplacements d'un point A à un point B, la voiture impose ses droits :
elle passe avant le piéton et a tendance à mépriser les cyclistes.
La voiture traîne en son sillon tellement de puissance
qu'elle devient un moyen d'expression de la frustration de ses propriétaires
qui ont introduit la notion de rage au volant, ce concept qui fait qu'on est prêt
à engueuler, insulter et intimider (allant jusqu'à frapper) quiconque provoque
une entrave au parcours prévu.
Toute entrave, toute hésitation d'un automobiliste peu
habitué à un secteur donné, devient une excellente raison de le détruire!
Je soupçonne les fabricants d'avoir dû renforcer la
structure même des volants tellement ceux-ci reçoivent des coups violents dans
une même journée!
Et la liberté, je disais?
La voiture permet une grande liberté.
Mais elle devient aussi un des symboles du concept de
liberté véhiculé par une droite plus extrême : la liberté personnelle,
celle qui peut écraser l'autre sans trop de considération. Cette liberté
prétentieuse qui ne se soucie que de soi.
Tout cela me chagrine.
J'entretiens une relation un peu spéciale avec la voiture.
Elle a tellement meublé mes pensées que je prends plaisir à aller marcher, une
fois l'an, à l'exposition des vieilles voitures de Granby. Une balade à pied de
quelques heures à travers les époques. À travers les souvenirs et la saine
nostalgie que j'y ressens, je peux saluer l'originalité et la créativité des
concepteurs à travers les époques.
Fascinante automobile, quand même!
Je résumerais ainsi: il y a ce que l'auto a été au fil des
ans comme objet. Et il y a ce qu'elle est devenue dans nos sociétés.
Et les deux sont contradictoires pour moi...
Clin d'œil de la semaine
La
voiture habite nos expressions...
Quand
tout est bien planifié, "on est en voiture!"
Quand
c'est mal planifié: "c'est pas les gros chars!"