C'est difficile de parler d'autres choses cette semaine. Les
employés de l'État en colère sont dans nos rues. Ils exigent du gouvernement du
Québec une reddition pure et simple. Ils souhaitent écrire eux-mêmes leur
prochaine convention collective. Il faut dire que le gouvernement Legault a
prêché par l'exemple en se votant lui-même des augmentations de salaire de 30 %.
Incursion dans un conflit annoncé au Québec.
Nous serons les dindons de la farce
Ce qui me fascine le plus dans l'expression de cette colère
c'est d'en mesurer l'intensité. Cela ressemble à 1983 alors que le gouvernement
de René Lévesque avait imposé des conditions de travail et salariales aux
employés de l'État en procédant à une coupure de 20 %. Cette année, le
gouvernement que nous avons élu ne souhaite pas retrancher dans les conditions
de travail, mais il veut simplement injecter de la souplesse dans les
conventions collectives afin d'être en mesure de donner à la population les
services pour lesquels elle paie le prix fort. Il est difficile de trancher
pour un camp ou pour un autre. Chaque partie en présence a de bons arguments.
On voit bien que la réalité n'est ni noire ni blanche. Elle se révèle plutôt à
nous comme une mosaïque de teintes de gris.
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Ce bras de fer entre les syndicats et le gouvernement est
triste, car comme je l'ai écrit récemment ce sera nous les dindons de la farce.
Nous les gens qui ont besoin de services, nous qui sommes sur des listes
d'attente interminable pour obtenir un service en santé, nous les parents ou les
grands-parents d'enfants privés d'éducation, nous les entreprises qui devront
composer dans les années à venir avec une génération déformée par les
événements de la COVID et les grèves et les conflits dans nos institutions. Je
l'ai déjà écrit, les employés de l'État doivent être rémunérés à leur juste
valeur. Il est impensable de constater que ces employées qui sont
majoritairement des femmes soient moins payées que des emplois équivalents
ailleurs au Québec et au Canada.
Cela dit, il reste que nos systèmes de santé et d'éducation
sont fort mal en point. Ils s'écroulent sous nos yeux. Ce que les dirigeants
syndicaux et leurs membres doivent faire pour nous convaincre de les appuyer
dans leurs revendications c'est de nous faire la démonstration que dire oui à
leurs demandes aurait des effets structurants pour améliorer l'accès et la
disponibilité des services pour lesquels nous payons le fort prix. Si l'on se
fie à nos expériences passées, j'en suis loin d'être convaincu. À titre
d'illustration, rappelons les hausses significatives accordées par le
gouvernement libéral de Philippe Couillard aux médecins avec la promesse à la
clé de l'amélioration de l'accès de la population à un médecin. Cela ne s'est
pas réalisé. Seuls la richesse individuelle des médecins et leur prestige
social ont connu des améliorations et des détériorations. Même chose pour les
hausses consenties aux infirmières, cela n'a pas amélioré leurs conditions de
travail ni leur moral à cause de cette mesure administrative barbare que sont des
heures supplémentaires obligatoires plus connues sous son petit nom TSO. Bref,
l'argent n'est pas la solution au redressement de nos systèmes de santé et
d'éducation. C'est l'organisation et la gestion de ces deux mammouths,
encadrées par de lourdes et complexes conventions collectives, qui sont en
cause. Malheureusement pour nous les dindons, il ne semble pas que ce constat
soit partagé par les syndicats et leurs membres, on veut de meilleures
conditions et de meilleurs salaires et l'état des lieux c'est l'affaire des
gestionnaires donc du gouvernement. Nous sommes loin de la tradition québécoise
de la corvée collective...
Les pommes et les oranges...
Ce qui vient complexifier davantage la situation c'est
l'incroyable comportement erratique du gouvernement Legault en ce temps de
crise. Nul besoin de rappeler une fois encore la hausse inappropriée de 30 %
que se sont accordé nos députés. D'ailleurs, la commissaire à l'éthique à
l'Assemblée nationale, Arianne Mignolet, a déclaré ces derniers jours
que : « Ma
recommandation première, c'est que ce ne soit pas les députés qui se votent
leur salaire. Mais, tant qu'à l'avoir fait, c'est sûr qu'en adoptant une mesure
qui devient exécutoire à une prochaine législature, on enlève une bonne partie
de la perception de conflit d'intérêts. Quand on parle d'une prochaine
législature, aucun d'eux n'est sûr de revenir. Il y en a qui ne se
représenteront pas. Il y en a qui ne seront pas réélus ».
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Je n'ose pas imaginer ce que madame Mignolet
pensera de la décision du gouvernement Legault et de son ministre des Finances
Éric Girard de donner une subvention de 5 à 7 millions de dollars au Kings
de Los Angeles pour qu'ils viennent jouer deux matchs de hockey durant leur
camp d'entraînement à Québec. Tout cela nous dit le ministre Girard pour
poursuivre nos efforts dans l'espoir chimère du retour des Nordiques à Québec
dans la Ligue nationale de hockey (LNH). J'aime le hockey et j'ai de bons
souvenirs de la rivalité Canadiens-Nordiques, mais il faut avouer que ce retour
est fort improbable. Le Canadien n'en veut pas et le commissaire de la ligue
nationale, Gary Beetman non plus, pas plus que les gouverneurs les plus
influents de la LNH. Selon les mots amusants du maire de Québec, il faudrait se
faire une raison et cesser de harceler notre ex pour qu'elle revienne à la
maison après 25 ans de rupture. On aurait envie de dire aux chantres du
retour des Nordiques, faites-vous une vie, bombance !
Tout cela pour affirmer que les choses sont
mal engagées et mal gérées par le gouvernement Legault. Les syndicats mordent
dans ces errements, comme Poilievre mord sa pomme du mépris des médias dans sa
vidéo virale sur le net, en mêlant allégrement pommes et oranges. Ils mettent
ces erreurs de jugement du gouvernement Legault dans le même sac que les
chèques accordés aux Québécoises et aux Québécois pour faire face à l'inflation
et les baisses d'impôt à la population la plus taxée en Amérique du Nord. Je
crois que les ténors syndicaux font fausse route sur ces questions tout comme
sur les investissements consentis à la filière batterie. Il ne faut quand même
pas confondre les pommes et les oranges...
La détérioration annoncée de nos services de
santé et d'éducation
On assiste présentement à un dialogue de sourds. Du côté syndical,
on nous explique ce que nous savons déjà : l'implosion en temps réel de
nos réseaux de la santé et de l'éducation. Le gouvernement et ses principaux
ténors : Legault, Drainville, Dubé, Girard et Lebel, le reconnaissent à
demi-mots en proposant qui une réforme en profondeur des structures ou qui en
exigeant plus de souplesse en matière de l'organisation du travail. Au moment
où ces lignes sont écrites, le conflit est dans nos rues, la colère à son
comble. Les syndiqués à juste raison sont en colère. Le gouvernement a perdu
ses repères. La seule certitude que je puisse avoir aujourd'hui c'est qu'à
défaut de l'injection d'une forte dose de bonne foi des uns et des autres, ce
sera nous les perdants. Mesdames, messieurs du gouvernement et des
organisations syndicales, pouvez-vous entendre que nous aussi nous en avons ras-le-bol...