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Je me souviens!

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En ce jour de fête nationale au Québec, rappelons-nous ensemble que cette devise du Québec est apparue en 1883 à l'initiative de l'architecte et commissaire adjoint des terres de la Couronne, Eugène-Étienne Taché qui a fait graver ces mots en haut des armoiries du Québec au-dessus de la porte principale de l'Hôtel du Parlement à Québec. Ces mots y sont toujours.

Se souvenir de son histoire

Se souvenir, c'est se rappeler de son histoire. La semaine dernière, l'histoire a été un thème de l'actualité alors que le premier ministre libéral Philippe Couillard s'est dit attristé du manque de connaissance des Québécois de l'histoire du Canada. Ce n'est pas d'hier que l'histoire fait l'objet d'instrumentalisation politique et que l'on cherche à mettre ce puissant outil de fabrication d'identité au service d'une cause politique du moment. On n'a qu'à rappeler les débats intenses de ces dernières années sur la réforme du programme d'histoire.

Il est vrai cependant que faire une plus grande place à l'histoire politique du Québec n'est pas toujours de nature à favoriser le Canada et l'option fédéraliste. C'est notamment le cas avec l'élection partielle de 1832 opposant le sympathisant patriote Daniel Tracey au loyaliste et homme d'affaires Stanley Bagg à Montréal.

L'élection du Quartier-Ouest de Montréal en 1832

1832. Montréal. Le député John Fisher, marchand et juge de paix de Montréal, vient de démissionner pour des raisons de santé. Les règles de l'époque ne ressemblent en rien à celles d'aujourd'hui. D'autre part, c'est un moment ou les journaux sont ouvertement partisans et ils soutiennent candidats et partis. Le scrutin se déroulait sur plusieurs jours ou même plusieurs semaines et était sous la responsabilité d'un officier rapporteur. On note aussi l'intervention de fiers-à-bras dans le processus électoral que l'on appelle des « Boulés ». L'achat de votes, les fraudes électorales et l'intimidation des électeurs sont monnaie courante.

Pour l'élection partielle qui nous intéresse, cet officier rapporteur était Hippolyte Saint-Georges Dupré, avocat. Non seulement l'élection de 1832 n'a pas fait exception à la règle, mais elle fut plutôt la plus violente de toute notre histoire. Elle opposait deux candidats soit l'Irlandais Daniel Tracey, immigrant, médecin et directeur du journal The Vindicator, journal d'obédience patriote et le loyaliste Stanley Bagg.

Cette élection partielle s'est terminée par une fusillade qui a tué trois personnes innocentes. Les troupes militaires sous la direction des magistrats favorables aux loyalistes ont évoqué la loi sur les émeutes et ont fait feu sur la foule après l'annonce de la victoire de l'Irlandais Daniel Tracey sur le loyaliste Stanley Bagg. Une enquête sera décrétée et on blanchira les assassins.

L'émeute inventée de James Jackson

C'est à un Irlandais, James Jackson, conjoint de Denise Bombardier, que l'on doit de revivre cet événement clé qui a mené aux rébellions de 1837 et de 1838. Sous le titre L'émeute inventée, Jackson vient de publier chez vlb éditeur en 2014, une véritable enquête historique où il nous fait une démonstration qu'en 1832, il n'y a pas eu d'émeute sur la rue Saint-Jacques. Un grand jury a blanchi les soldats et les magistrats. Selon l'opinion de Jackson, il était partial. Jackson s'étonne qu'un récit fabriqué de toutes pièces concernant les circonstances de la mort de trois Canadiens français catholiques ait été globalement accepté par les historiens depuis plus de 180 ans. James Jackson est formel, on a droit à un récit fabriqué et mensonger. (James Jackson, L'émeute inventée, Coll « Études québécoises », Montréal, vlb éditeur, 2014, 322 p.)

Questions de religions et de races et de fric...

Si l'on veut comprendre les motifs de la violence qui s'est exprimée dans cette élection partielle, il faut rappeler que l'enjeu de cette élection avait pour toile de fond la volonté du parti patriote que le Conseil législatif soit élu plutôt que nommé. Pour ce dernier, les nominations du gouvernement anglais des membres du Conseil législatif en faisaient un nid à patronages et à privilèges de toute sorte pour une minorité au détriment de la majorité canadienne.

La chambre d'assemblée, composée majoritairement de Canadiens français catholiques, est sous le contrôle effectif du parti patriote. L'un des enjeux majeurs est la distribution des terres des Cantons de l'Est et la création de la British American Company. La chambre d'assemblée ne parviendra pas à freiner cette volonté des puissants. Si bien qu'en 1838, au moment des troubles politiques, on constatera que 105 personnes ou familles possèdent à elles seules 1 404 500 acres en dehors des seigneuries. Parmi ces familles, John Caldwell du Conseil législatif en possède 35 000 acres, Charles Ogden, le solliciteur général, 25 000 acres et le juge en chef Sewell 6 500 acres. Même Stanley Bagg a été récompensé avec 4 000 acres. La question des terres de la propriété et du mode de distribution de celles-ci était au cœur de l'enjeu de l'élection de 1832. (Jackson, ibid. p. 71)

Un autre enjeu sera la liberté de presse. La liberté de presse est menacée à la suite de l'emprisonnement des rédacteurs de La Minerve et du journal The Vindicator, Ludger Duvernay et Daniel Tracey, le même qui sera élu député dans Montréal Ouest à l'issue de l'élection partielle de 1832. Finalement, Duvernay et Tracey sortiront vainqueurs de leur bras de fer avec le Conseil législatif, mais les tensions entre partisans et opposants du Conseil législatif gagneront en intensité. Il faut aussi comprendre que les débats politiques de l'époque prenaient souvent un ton haineux et que les questions de religions et de races étaient au cœur des débats. Lisons ensemble le texte publié par un jeune étudiant en droit de 19 ans, Louis-Victor Sicotte dans La Minerve et signée sous un pseudonyme : S**** :

« En tant que peuple, écrit Sicotte, les Canadiens français ont souffert alors que les étrangers arrivaient et accumulaient la richesse et les honneurs. Les Canadiens français ont prouvé leur loyauté en 1812 (ajout de l'auteur : guerre du Canada contre les États-Unis), mais, dix ans plus tard, le projet d'Union a tenté de les priver de leurs institutions, de leur langue et de leurs lois. » (James Jackson, l'émeute inventée, ibid. p. 46)

Sicotte ne croit pas d'avenir possible pour ceux de sa race dans le cadre d'une colonie britannique; « Il existe ici deux partis entièrement opposés d'intérêts et de mœurs, les Canadiens et les Anglais. Ces premiers, nés français, en ont les habitudes et le caractère. Ils ont hérité de leurs pères de la haine pour les Anglais, qui à leur tour, voyant en eux des fils de la France, les détestent. Ces deux partis ne pourront jamais se réunir et ne resteront pas toujours tranquilles : c'est un mauvais amalgame d'intérêts, de mœurs, de langues et de religions qui tôt ou tard produira une collision. » (La Minerve, 1832 cité par James Jackson, Loc. cit.)

Se souvenir de notre caractère distinct

Hier comme aujourd'hui, la coexistence entre Canadiens n'est pas acquise. Il est de bon ton en ce jour de fête nationale du Québec de se rappeler qu'encore le caractère distinct de la société québécoise n'est pas reconnu. Ce n'est pas qu'une question de fierté, mais aussi d'intérêts. Il faut se souvenir de notre histoire politique monsieur Couillard et en tirer les conclusions appropriées. Par exemple, en ce jour de la Fête nationale du Québec, disons ensemble : Je me souviens de l'émeute inventée de 1832...


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