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Pouvoir en tandem

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Est-ce que l'histoire se répète? Le cours des événements qui ponctuent nos existences a-t-il des ressemblances dans le continuum espace-temps? Voilà des questions qui hantent celles et ceux qui s'intéressent aux débats d'épistémologie et de théories en histoire. Quoi qu'il en soit, nous pouvons observer que parfois des événements similaires semblent se reproduire dans le temps. C'est ce qui arrive chez nous à Sherbrooke avec la nomination récente de deux ministres issus de notre ville et de notre région : Marie-Claude Bibeau sur la scène fédérale et Luc Fortin sur la scène provinciale. C'est une excellente nouvelle pour nous. Nous n'avons pas eu une aussi bonne représentation au gouvernement depuis les décennies 80 et 90 alors que deux noms firent leur apparition dans notre univers politique : Jean Charest et Monique Gagnon-Tremblay.

La contribution de ces deux personnalités politiques au développement de Sherbrooke et de l'Estrie n'est plus à démontrer. Il faut cependant que ces présences dans les plus hauts cercles du pouvoir soient accompagnées d'une vision, d'un plan d'action pour avoir une signification dans nos vies. Retour sur notre histoire politique récente...

Le couple politique Charest-Gagnon-Tremblay

Peu de gens le savent, mais le couple politique Charest-Gagnon-Tremblay n'était pas donné dès le début. Rappelons que Jean Charest a été élu député de Sherbrooke lors de l'élection de Brian Mulroney et du Parti conservateur en 1984. Une victoire écrasante des conservateurs sur les libéraux de John Turner. La victoire du jeune Charest était loin d'être évidente. Le député libéral de Sherbrooke à l'époque, Irénée Pelletier, jouissait d'une solide majorité et il était apprécié dans le milieu. Tant et aussi bien que la future députée de Saint-François et alors présidente de l'Association libérale du PLQ de Saint-François, Monique Gagnon-Tremblay, avait donné son appui publiquement à Irénée Pelletier affirmant que Jean Charest n'avait aucune chance d'être élu. Déclaration qui fut malheureuse puisque le jeune Charest a été élu député de Sherbrooke.

Ce fut aussi le cas de Monique Gagnon-Tremblay qui le 2 décembre 1985 devenait députée de Saint-François à la suite de sa victoire contre le populaire et très bien implanté député péquiste, Réal Rancourt. Jean Charest n'avait pas, pour sa part, fait de déclaration publique concernant cette élection même si les accointances entre le Parti québécois de René Lévesque du « beau risque » avec le Mulroney de la réintégration du Québec « dans la dignité et l'enthousiasme » dans la constitution canadienne étaient connues. C'est dans ce contexte que deux ministres juniors étaient appelés à travailler côte à côte pour promouvoir et défendre les intérêts de Sherbrooke et de l'Estrie.

Sans dire qu'il existait un antagonisme entre les deux nouveaux ministres juniors des cabinets des premiers ministres Bourassa et Mulroney, on peut tout de même parler à l'époque d'une certaine méfiance. C'est le travail et la collaboration de deux attachés politiques, Suzanne Poulin et Daniel Nadeau ainsi que la tenue de la biennale de l'Estrie qui ont finalement rapproché les deux nouveaux ministres et qui ont fondé le socle d'une collaboration qui ne s'est jamais démentie et qui est devenue par la suite une complicité et une grande amitié que nous connaissons bien.

La biennale de l'Estrie et la haute technologie

Ce qu'il faut retenir c'est que ce rapprochement et ce travail de collaboration se sont bâtis sur une vision et des dossiers. La conférence biennale de l'Estrie fut la piste de décollage de cette collaboration. Cet événement remplaçait la formule des sommets économiques régionaux. Il y a eu un tel sommet en Estrie en 1984. Sommet où tous les projets liés à ce que l'on appelait à l'époque la haute technologie, aujourd'hui nommée l'économie du savoir, avaient été rejetés par le gouvernement de René Lévesque. Lors de la campagne électorale qui a suivi, les libéraux de l'Estrie s'étaient commis dans leur programme politique régional à tous les projets rejetés par le PQ et Monique Gagnon-Tremblay avait même, avec la complicité de plusieurs collaborateurs, dont Guy Fouquet et Rejean Beaudoin, obtenu du Parti libéral du Québec que l'Estrie soit l'une des régions reconnues comme pôle technologique avec Montréal et Québec.

Lors de la conférence biennale de l'Estrie tenue en 1987, Monique Gagnon-Tremblay a obtenu que Jean Charest comme représentant du gouvernement fédéral collabore pleinement à l'événement comme participant. C'était inédit au Québec. Grâce à la présence du fédéral et à une vision claire du développement économique soutenue vigoureusement par le milieu estrien, la biennale de l'Estrie fut un grand succès. Ce fut le moment charnière qui fonda la complicité et l'amitié entre Jean Charest et Monique Gagnon-Tremblay.

Aujourd'hui...

Cela a duré jusqu'en 1994 alors que les libéraux ont perdu le pouvoir et que le Bloc québécois s'est installé dans Sherbrooke et dans d'autres comtés de l'Estrie. Indépendamment du discours du Bloc québécois, l'Estrie fut évacuée des cercles de pouvoir où ça compte vraiment pour tomber plutôt aux mains des fourches caudines de l'opposition éternelle. C'est dans ce contexte historique particulier que l'on doit se réjouir de l'arrivée dans notre vie politique d'un nouveau couple politique Québec-Canada : la ministre du Développement international et de la Francophonie au gouvernement du Canada, Marie-Claude Bibeau et de Luc Fortin, ministre délégué du Loisir et du Sport au gouvernement du Québec. Bien sûr, il s'agit de deux ministres juniors, mais quand même ça fait presque 20 ans que Sherbrooke et l'Estrie n'ont pas eu une aussi forte représentation aux conseils des ministres de nos gouvernements du Québec et du Canada. Est-ce que cela pourra nous aider à sortir notre ville et notre région de ses difficultés actuelles et contribuera à relancer notre développement économique, social et culturel? L'avenir nous le dira!

Une vision et des projets...

La partie n'est pas gagnée d'avance. Pour tirer avantage de cette situation, il faut d'abord que les personnalités en cause travaillent ensemble en toute confiance, qu'ils s'entendent sur une vision commune et qu'ils travaillent de concert à des projets concrets et surtout qu'ils livrent la marchandise ensemble. Une tâche gigantesque. Quelques pistes pour nos nouveaux ministres. Faire de Sherbrooke et de l'Estrie l'une des trois grandes régions québécoises à potentiel de développement d'une économie à valeur ajoutée. De concert, nos deux ministres doivent déconstruire le nouveau discours à la mode faisant du Québec une province avec une métropole, Montréal, une capitale nationale, Québec et des grandes villes. Sherbrooke doit être reconnue comme l'un des trois pôles de développement importants du Québec. Il faudra bien sûr que ce discours soit véhiculé par le milieu et ses porte-parole notamment le maire de la Ville de Sherbrooke, Bernard Sévigny.

Par ailleurs des dossiers concrets, il y en a quelques-uns qui sont prêts. Pensons à la voie de contournement ferroviaire à Lac-Mégantic, au projet de transport pour passagers de l'aéroport de Sherbrooke et encore plus important au projet Airpole, l'un des projets les plus prometteurs de notre région depuis les vingt dernières années. Un meilleur financement de nos centres de recherche et surtout une reconnaissance particulière de l'Université de Sherbrooke comme moteur du développement de l'économie à valeur ajoutée devraient aussi figurer parmi les priorités de nos deux nouveaux ministres.

Quoi qu'il se produise, Sherbrooke et l'Estrie ont une nouvelle occasion de compter sur le pouvoir politique pour assurer son développement. Sherbrooke et l'Estrie sont des joyaux qu'il faut développer et préserver. L'arrivée de ces deux nouveaux élus dans notre vie politique constitue une belle occasion pour mesurer les avantages du pouvoir en tandem...


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