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L’ODMR libérale!


Opération de destruction massive des régions (ODMR)
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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 21 septembre 2016      

Les derniers sondages donnent toujours le gouvernement libéral de Philippe Couillard gagnant même si ses actions et sa gestion de l'action gouvernementale sont pour le moins erratiques. Le dernier sondage Léger réalisé en août dernier donne 34 % au PLQ, 29 % au PQ, 23 % à la CAQ et 10 % à Québec solidaire. Sans surprise, les libéraux obtiennent la faveur d'une majorité d'électeurs à Montréal et font piètre figure auprès du vote francophone avec un maigre 21 %. La CAQ semble très forte dans la région de Québec alors que le PQ est le maître incontesté dans les régions du Québec. L'avance des libéraux de Philippe Couillard dans les intentions de vote au Québec crée cependant une illusion puisque sa faiblesse auprès des francophones, jointe au fait que le Parti québécois n'a pas de chef et à l'incapacité de François Legault à percer auprès de l'électorat, finira par le rattraper dans la mathématique électorale du Québec. 

Faut-il s'étonner du piètre rendement des libéraux dans les intentions de vote des francophones et dans les régions après qu'il ait au nom de la rigueur budgétaire orchestré une Opération de destruction massive des outils régionaux de développement (ODMR libérale)? Ce choix comptable de déposséder les régions de ses outils de développement est une rupture avec la tradition toute québécoise de donner une voix à ses régions. La concertation des acteurs, la décentralisation des pouvoirs et l'harmonisation des politiques étaient pourtant un atout de taille pour l'économie du Québec. Retour sur l'Opération de destruction massive des régions (ODMR) par le gouvernement libéral de Philippe Couillard.

Le développement régional au Québec, une tradition d'innovation

Ce n'est pas d'hier que l'on retrouvait au Québec des outils de développement régional. Tout cela a commencé dans la région du Bas-Saint-Laurent grâce au BAEQ. L'expérience du BAEQ a souvent été retenue comme l'épisode de la fermeture de villages par des technocrates en formation. L'histoire est toute autre. Un livre publié récemment aux Presses de l'Université Laval sous la direction de Bruno Jean nous en livre la riche histoire. 

À l'occasion du 50e anniversaire de cette expérience novatrice au Québec en matière de développement régional, des chercheurs et des acteurs de l'époque nous en présente une histoire revisitée. Fort de la contribution de ces divers auteurs, nous pouvons affirmer que le BAEQ fut un lieu d'innovation, un moment fort de participation citoyenne et de développement économique des régions. C'est à partir de cette expérience unique au monde que le Québec s'est par la suite doté d'outils de développement régional et de planification, que des régions ont été créées au Québec et que sont nées les MRC. Ces quinze dernières années, les gouvernements successifs, tant libéraux que le court intermède péquiste du gouvernement Marois, ont démantelé toutes les structures de développement et vidés de leur financement les outils de concertation régionale au nom du saint équilibre des finances publiques. Aujourd'hui, on ne parle plus des régions du Québec, mais de la Capitale nationale de Labeaume et de la Métropole de Coderre. Les régions ont perdu leurs voix et leurs outils. La machine néo-libérale les a fait disparaître. Pourtant, l'expérience du Québec en matière de développement régional méritait mieux. Faisons un bref retour sur le passé.

L'expérience du BAEQ

On l'oublie trop souvent. L'expérience du Bureau d'aménagement de l'Est-du-Québec « a été la plus vaste opération de planification régionale que le Québec ait connue... Le BAEQ demeure un acte fondateur extrêmement important de planification démocratique et régionale, un temps fort de la Révolution tranquille. » (JEAN, Bruno, Dir., Le BAEQ revisité. Un nouveau regard sur la première expérience de développement régional au Québec, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2016, p. 2.)

Au terme de ses travaux, le BAEQ a déposé un volumineux rapport en dix tomes qui débutait par une affirmation qu'il apparaît important de rappeler nous dit l'auteur : « Le Bureau d'aménagement de l'Est-du-Québec remet, sous la forme du présent document, aux gouvernements et à la population du territoire-pilote, le Plan de développement qui, réalisé, devrait assurer, dans l'esprit du BAEQ, un niveau de vie régional comparable à celui de l'ensemble du Québec sans avoir à recourir de façon massive, à des mesures de redistribution des richesses sous forme de transferts gouvernementaux. » (Ibid. p. 3)

Certes, on aura retenu de cette expérience des villages fermés en Gaspésie et l'Opération Dignité soutenue par le milieu et l'ancien ministre libéral, Pierre de Bané, mais on a tort de réduire selon les auteurs de ce livre les réalisations et les retombées du BAEQ à ce seul fait. C'est à cette initiative que l'on doit la démocratisation des débats publics régionaux, la décentralisation et la déconcentration des activités gouvernementales et même la morphologie organisationnelle actuelle du pouvoir des régions. Le professeur Jean-François Simard l'atteste bien en écrivant : « l'histoire a fait un mauvais parti à cette expérience unique et féconde qui a eu de nombreuses retombées tant au niveau du développement de la région que de l'élaboration des outils nécessaires de développement régional, comme une administration publique mieux formée et davantage capable d'agir ». (Ibid. p. 23)

Ce qui fait dire à Bruno Jean, le directeur de cette publication que Jean François Simard a été : « À ma connaissance, c'est l'un des premiers chercheurs universitaires à avoir démontré la synergie entre le BAEQ et la Révolution tranquille qui a fait entrer le Québec, et ses régions, dans la modernité » (Loc.cit.)

Nous, en Estrie, avons été de dignes héritiers de cette tradition inaugurée par le BAEQ jusqu'à tout récemment. Les décisions récentes et les orientations générales du gouvernement libéral de Philippe Couillard sont venues mettre fin à ce dynamisme original de notre région.

L'Estrie et la concertation régionale

Pendant longtemps, l'Estrie a figuré parmi les régions du Québec qui s'est distinguée par sa capacité à se concerter sur des projets moteurs pour son développement. Bien sûr, il y avait parfois des tensions entre les projets des différents coins de la région, mais le leadership avisé d'une Monique Gagnon-Tremblay et l'esprit de cohésion de ses collègues députés de la région ont contribué à arrondir les angles. Notre région ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui s'il n'y avait pas eu cette concertation régionale poussée et ce leadership politique.

C'est grâce à cette concertation à toute épreuve que l'Estrie a obtenu le service de cartographie du gouvernement fédéral à Sherbrooke, service qui compte aujourd'hui plus de deux cents employés. La Domtar à Windsor a modernisé ses installations chez nous à la suite de la mobilisation des acteurs régionaux. Le développement du Mont-Orford, du Camp musical d'Asbestos, de la Maison du Granit sont aussi le produit de cette concertation et de ce dialogue des gens de l'Estrie. Si nous avons encore une faculté de médecine à Sherbrooke c'est aussi grâce à cette concertation et au leadership avisé de Monique Gagnon-Tremblay.

Depuis l'élection du gouvernement Charest qui a aboli les CRD pour les remplacer par les CREE, abolis à leur tour par le gouvernement libéral de Philippe Couillard, la dynamique régionale n'a jamais été si peu mise à contribution. C'est aujourd'hui le chacun pour soi. Il n'y a plus d'endroits pour mener la concertation sur des tensions dynamiques entre les différentes parties de la région. À titre d'illustration, rien n'est plus évident que le dossier du prolongement de l'autoroute 410 où une petite municipalité est laissée seule à elle-même face au rouleau compresseur de la Ville de Sherbrooke comme l'illustrait Luc Larochelle dans sa chronique samedi dernier dans le journal La Tribune intitulée « Une croisade en solitaire ».

Aujourd'hui, nous n'en avons plus que pour les villes comme moteur de développement économique. Dans ce nouveau jeu politique, Sherbrooke et sa région sont laissées pour compte. Montréal, la métropole et Québec, la capitale, en récoltent les fruits sous forme de lois et de règlements particuliers. Sherbrooke devient une ville parmi tant d'autres au Québec et nous n'avons plus de leadership politique fort qui parle au nom de notre ville et de notre région. C'est lamentable, mais c'est le prix à payer pour notre complicité avec l'ODMR libérale!


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