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Marc Bibeau a-t-il prétendu à des contributeurs au financement du Parti libéral du Québec qu'il pouvait faire la différence en échange d'une contribution? Et Jean Charest, alors chef du PLQ, savait-il ce que disait et faisait son ami le grand argentier? Ce sont là les questions qui se posent encore aujourd'hui et qui méritent des réponses si les enquêtes policières le permettent.
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Photo : crédit photo: Adrian Wyld/The Canadian Press; Jean Charest; (bas) Twitter; Marc Bibeau
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 22 janvier 2020      

Personne ne pourra le nier, l'actualité qui nous est proposée par les différents médias est riche en ce début d'année 2020. Après l'affaire iranienne, le Québec se voit replongé dans « les affaires » qui n'en finissent plus de porter ombrage aux femmes et aux hommes politiques qui tentent de redonner au Québec son lustre d'antan. La publication cette semaine des mandats de perquisition de l'UPAC contre l'ex-grand argentier libéral Marc Bibeau et les intentions du fils de l'Estrie Jean Charest de faire acte de présence dans la course au leadership du Parti conservateur en ont été les points d'orgue. Tentons de démêler tout cela.

Le financement illégal du PLQ et l'octroi de contrats publics

Même si cela ne plaît pas aux commentateurs politiques et aux journalistes d'enquête qui ont choisi les libéraux de Jean Charest pour cible il y a longtemps, il n'existe aucune preuve réelle d'un lien entre le financement des partis politiques et l'octroi des contrats publics. Si la Commission Charbonneau n'a pu conclure à cette hypothèse ainsi que de nombreuses années d'enquêtes policières, cela doit s'expliquer par le fait que cela n'a pas existé. Il ne faut pas se méprendre, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de financement illégal sur une base organisée, mais ce que je crois c'est, qu'importe les prétentions de l'ex-argentier Marc Bibeau, jamais un élu à l'Assemblée nationale, fût-il, premier ministre ne peut octroyer un contrat à une firme d'un ami. Dans notre système politique, ce sont les sous-ministres qui doivent signer les documents officiels comme les contrats avec des entreprises. Or, sous le gouvernement Charest de 2003 à 2012, il y a eu de nombreux sous-ministres, plus d'une centaine, quelqu'un a-t-il déjà entendu un ex-sous-ministre plaidé qu'il a été obligé d'octroyer un contrat à une firme sous la pression d'un ministre ou du premier ministre ? C'est probablement ce fait et la connaissance intime du système gouvernemental qui expliquent le refus de l'ex-vérificateur général et commissaire à la commission Charbonneau, Renaud Lachance, de signer le rapport de la juge Charbonneau qui prétendait à l'existence d'un lien entre financement illégal et octroi de contrat public.

Des hommes d'influence

Une fois que nous avons dit cela, il n'est pas impossible que des gens aient commis des actes criminels en prétendant qu'ils pouvaient avoir une influence sur le résultat de l'octroi d'un contrat. Cela nous dit le Code criminel, peut-être punissable par la Loi. Deux questions demeurent à ce sujet, Marc Bibeau a-t-il prétendu à des contributeurs au financement du Parti libéral du Québec qu'il pouvait faire la différence en échange d'une contribution ? La seconde est si Jean Charest, alors chef du PLQ, savait ce que disait et faisait son ami le grand argentier ? Ce sont là les questions qui se posent encore aujourd'hui et qui méritent des réponses si les enquêtes policières le permettent. Ce qui est loin d'être certain si l'on prend en compte la difficulté de mettre cela en preuve devant un tribunal.

 

Comme l'a affirmé un jour, l'ancien président du PLQ et député d'Orford, Robert Benoit, l'arrivée de Jean Charest à la tête du PLQ a été accompagnée d'un changement de culture. Le PLQ jadis un parti d'idées est devenu un parti affairiste sans grandes visions, une machine à ramasser de l'argent. Nous ne pouvons lui donner tort. C'est d'ailleurs, le début du manque de connexion du PLQ avec le Québec francophone. Il ne faudrait cependant pas en attribuer la faute qu'à Jean Charest. C'est Robert Bourassa lui-même qui a mis la table.

Les séquelles de Meech

Au fond, tout débute avec le rejet de Meech par le Canada. Accord généreux envers le Québec qui reconnaissait son caractère distinct et qui s'inscrivait dans une logique du Canada de communautés et de peuples fondateurs plutôt que dans celle de Pierre Elliott Trudeau qui ne croyait qu'en un grand Canada uni, bilingue qui se caractérisait par des êtres de droits individuels et non des êtres en chair et en os.

Le rejet de l'accord du lac Meech par le Canada anglais a provoqué une grande colère au Québec avec pour conséquence une résurgence du nationalisme et l'affirmation de l'idée de la souveraineté. Même le PLQ par sa commission politique a produit le Rapport Allaire qui était un appel à une vaste décentralisation de l'État fédéral au profit des provinces. Robert Bourassa a voulu calmer le jeu et contre toute attente est retourné négocier une nouvelle entente celle connue sous le nom de Charlottetown qui a été rejeté par référendum tant par le Québec que le reste du Canada. C'est ici que l'on doit situer le début de la désaffection des francophones pour les libéraux.

Jean Charest n'a pas été un joueur mineur dans ces événements. Tribun important lors du référendum perdu, il avait aussi présidé une commission pour chercher à rapprocher les provinces récalcitrantes du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de Terre-Neuve pour sauver Meech. Il n'y est pas parvenu et Lucien Bouchard a quitté le PC pour fonder le Bloc Québécois. Les séquelles de Meech se traduisent donc par la naissance de l'ADQ, du Bloc et par l'arrivée de Jean Charest à la tête du PLQ. Le PLQ avait commencé à rompre avec son identité des années 1960. Jean Charest a fini la job. Ce parti d'idées, les libéraux ne seront plus qu'un parti affairistes dont la plus grande obsession sera de s'emparer du pouvoir et le conserver.

L'énigme Charest et l'avenir du Canada

Personne ne doute aujourd'hui de la volonté de Jean Charest de se présenter à la chefferie du Parti conservateur. Malgré les obstacles sur son chemin, la détermination de ce fils de l'Estrie est tout simplement renversante. J'accorde à Jean Charest le fait qu'il compte parmi les politiciens les plus talentueux de sa génération. Il a le sens de la formule, il a un instinct politique peu commun et il est d'un commerce agréable. Homme chaleureux et parfois rancunier, Jean Charest demeure un adversaire politique redoutable tant pour les autres prétendants à la chefferie du PC que pour Justin Trudeau, le cas échéant. Néanmoins, Jean Charest ne peut pas ne pas savoir que le Québec a changé, le Canada aussi. Le Parti conservateur d'hier ne ressemble en rien à celui d'aujourd'hui qui est celui du réformiste Stephen Harper. Au-delà des questions d'éthique, sur le plan politique le Canada a besoin d'un nouveau leadership politique d'une autre génération. Le Canada doit se donner une nouvelle constitution, rompre ses liens avec la monarchie et devenir une république. Il doit surtout reconnaître les peuples autochtones, acadiens et québécois et surtout passer à l'avenir en se défaisant de ses liens avec l'industrie du carbone. Sauver la planète et renforcer le caractère des peuples qui habitent le Canada est un défi qui devrait occuper la classe politique canadienne. Des enjeux beaucoup plus grands que les bruits actuels autour de la candidature de Jean Charest et des ragots sur la corruption. Mais comme la situation présente le montre bien, tout est dans tout...


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