Le vieil
adage disait : « un tien vaut mieux que deux, tu l'auras »
Je ne
sais pas si quelqu'un a rencontré personnellement le fameux « vieil
adage », mais si c'est le cas, il doit être mort depuis un bon bout de temps!
« Un
tien vaut mieux que deux, tu l'auras ». Franchement. Ce n'est même plus
dans l'air du temps. On va se le dire : belle phrase de perdant! Aussi
bien dire : contente-toi de peu et tu finiras par mourir comme tu as
vécu : mollement...
Parenthèse :
je l'ai écrit déjà, mais certaines phrases me donnent littéralement de
l'urticaire. Comme les « on va se le dire » répétitifs ou encore les
« là, on va se dire les vraies affaires ». Rien n'est généralement
plus faux que ce qui suit l'énoncé des « vraies affaires ». Fin de la
parenthèse.
Vous
avez sûrement saisi le sarcasme derrière mon affirmation de « phrase de
perdant ». Le sarcasme est un moyen de défense pour moi. On se bat avec
les armes dont on dispose, non?
Je
m'explique.
Il y a
du beau dans le fait de performer. D'accomplir des choses.
Mais ça
devient moins beau quand on ne trouve pas un équilibre.
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Je vous
propose cette image : je suis fasciné par le coureur de fond qui se sert
de son sport pour maintenir une forme physique et mentale. Je suis cependant
déboussolé par le coureur qui devient littéralement sa passion et qui n'en
finit plus de pousser les limites de son sport, laissant derrière tout ce qui
ne concerne pas cette passion.
La
culture du toujours plus. C'est pareil pour ce que l'on consomme.
Notre
système économique est lui-même basé sur la croissance à tout prix. Il faut
croître. Toujours. Plus et plus.
La
croissance n'est plus un résultat. C'est le seul objectif.
Au fil
de récentes discussions, je réalisais que le seul critère de santé d'une
entreprise se situe dans sa croissance. « Si t'avances pas, tu recules. Il
faut que mon mois de juin de cette année batte celui de l'an dernier, sinon, je
dois réagir. Couper quelque part...»
Pas de
« oui, mais ». La croissance est la seule affaire qui compte.
Un des
problèmes avec la performance permanente (au-delà du fait que c'est un leurre),
c'est qu'il n'y a plus de satisfaction autre que celle de dire
« fiou ». On comprend bien que si le gestionnaire dit
« fiou » quand son juin de l'année bat le juin de l'an dernier, le
plaisir s'arrête là, puisqu'il y a une compétition de juillets en vue!
Ça
devient ridicule.
« Je
serai heureux quand ceci ou cela sera atteint! »
Ben non!
Ça ne marche plus comme ça.
L'empreinte
de la performance se transpose dans notre consommation et est maintenant gravée
dans nos gènes. Et la génétique, c'est long à modifier ensuite. Cette empreinte
fait de nous des accumulateurs de biens. Ça justifie qu'on
« s'amazone-prime » plein de choses dont on a, aussi soudainement
qu'absolument, besoin. Sans même se soucier, d'ailleurs, si l'item est
nécessaire, un tantinet durable et, surtout, qu'on le paie à une valeur qui est
possible.
L'idée,
c'est d'avoir plus, plus vite et moins cher.
L'affaire,
avec ce concept, c'est que ça finit par nous tuer. À petit feu. Parce que,
comme l'entrepreneur dont le mois de juin doit battre le mois de juin
précédent, eh bien, la satisfaction réside maintenant dans la prochaine boîte
qu'on se fera livrer, répondant à un autre soudain et absolu besoin.
Les
excès de performance vivent avec nous. Sous notre toit. Ils sont toujours aux
aguets.
« Oui,
mais tout le monde le fait. Tout le monde ne peut pas avoir tort, non? »
Ce n'est pas parce que beaucoup de
gens ont tort qu'ils ont forcément raison, disait Coluche.
« Oui,
mais, la base de notre système est faite comme ça! Si on vient déséquilibrer l'économie,
tout bascule! »
L'équilibre?
C'est exactement
ce qu'on a plus...
Clin
d'œil de la semaine
« Nous
étions rentables. Un peu moins que l'an dernier, mais quand même! »
Signé : un
ex-gestionnaire qu'on a poliment remercié...