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La décision Pittsburgh, Pennsylvanie

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Photo : Le déclin de l’empire américain est plutôt le fait de changements profonds de la modernité occidentale et du capitalisme.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 14 juin 2017      

Le président des États-Unis a eu une parole claire pour justifier le retrait des États-Unis d'Amérique de l'accord de Paris sur les changements climatiques en disant : « J'ai été élu pour représenter les gens de Pittsburgh, pas ceux de Paris ». Par cette déclaration, Donald Trump nous livre toute la quintessence de sa pensée politique. Une pensée à court terme, égocentrique et qui tourne le dos à la responsabilité des États-Unis devant l'avenir de l'humanité.

Derrière le slogan bon enfant « Make America Great Again », on trouve le ressentiment d'une partie importante de la population américaine, la base électorale de Donald Trump et de l'électorat républicain, qui a le sentiment que les États-Unis sont floués par le reste du monde et que la perte du rayonnement américain dans le monde est attribuable à sa dispersion. Pourtant, cela n'a rien à voir. Le déclin de l'empire américain est plutôt le fait de changements profonds de la modernité occidentale et du capitalisme. La montée en puissance du néolibéralisme, de l'économie mondialisée et des entreprises transnationales américaines sont ironiquement la base du déclin américain. Trump n'en est pas responsable, il en est plutôt le produit le plus achevé. Une Amérique repliée sur elle-même et une Amérique aux abois qui doit se donner en spectacle pour se faire croire qu'elle est encore la puissance admirée d'hier.

Le spectacle de Trump

Si l'on prend la peine de bien analyser les choses, l'annonce faite par le président Trump du retrait américain n'est que du spectacle. D'abord, la manière qu'a choisie le président pour annoncer la décision américaine dans la roseraie de la Maison-Blanche devant un parterre de partisans béats fait partie intégrante de ce spectacle. L'accord de Paris n'est pas une entente entre deux ou trois pays, mais un pacte entre tous les pays à l'échelle planétaire pour convenir des gestes à poser afin d'éviter la catastrophe. Une entente bonne enfant qui a une valeur morale plutôt que juridique. Il y a beaucoup de prétention et d'arrogance dans les propos du président Trump lorsqu'il annonce que son retrait pourra être le moment d'une renégociation. Si dans cette renégociation les États-Unis y trouvent leur compte, il pourrait envisager de faire à nouveau partie de l'accord. Comme si tous les peuples de la terre et leurs représentants seraient à la botte des Américains.

Cette annonce n'est aussi que du spectacle dans la mesure où le retrait d'un pays de l'accord de Paris ne peut prendre effet que trois ans après son annonce soit en 2020. Cela coïncide avec la prochaine campagne présidentielle américaine.

Le spectacle se traduit aussi dans les mots choisis par le président Trump pour expliquer le retrait des États-Unis de l'accord de Paris. Il ne voit dans cette entente qu'un complot des concurrents économiques des États-Unis pour affaiblir l'économie américaine et que l'accord a bien peu avoir avec des résultats concrets sur le climat. Trump n'a fait que diversion. Il n'a pas dit un mot sur les changements climatiques. Cela va de soi, car lui comme un grand nombre de républicains ne croit pas que les humains ont un impact sur ces derniers. Pour eux, ce serait plutôt la volonté de Dieu et nous ne pouvons rien faire contre la volonté du Tout-Puissant.

Le discours mensonger de Trump

Un vieil adage dit qu'il faut se convaincre que son chien a la rage avant de le tuer. C'est un peu ce qu'a fait Trump lorsqu'il a décrit l'accord de Paris sur le climat. Mal lui en prit. Par exemple, le maire de Pittsburgh s'est dit choqué des propos de Trump. Le richissime Michael Bloomberg a annoncé que sa fondation fera un don de quinze millions de dollars au Fonds des Nations Unies chargé du climat. Les maires et les gouverneurs des États-Unis pourfendent la décision de Trump. Les États-Unis d'Amérique ne sont pas si contre l'accord de Paris que son président veut bien le prétendre. C'est le plus grand mensonge de Trump.

L'autre raccourci du président américain c'est de prétendre que les efforts de tous pour réduire les gaz à effet de serre ne donneront rien, à peine 0,02 degré de réduction. La vérité est plutôt que si tous joignent leurs efforts on atteindra 1,6 degré de réduction. Si rien n'est fait, la température s'élèvera de plus de cinq degrés. Une catastrophe. Le président Trump semble ignorer que les catastrophes annoncées toucheront de plein fouet les États-Unis, dont des États comme celui de la Floride. Les États-Unis ne peuvent se soustraire à l'atmosphère de la planète terre.

Ce qu'il y a de plus dommageable dans la position du président Trump en matière de changements climatiques c'est qu'il tourne le dos aux responsabilités historiques des États-Unis d'Amérique devant ce problème majeur pour la survie même de l'humanité. S'il est vrai, comme il le prétend, que les États-Unis ne sont pas aujourd'hui le plus grand émetteur de gaz à effet de serre, ce titre peu glorieux revient à la Chine, il n'en est pas moins vrai que les États-Unis se distinguent par le titre du plus grand pollueur historique de la planète.

La mauvaise lecture de Trump

Donald Trump fait fausse route avec sa décision de retirer son pays de l'accord de Paris sur le climat. Il nuit au pacte moral planétaire difficilement conclu, il tourne le dos à l'avenir économique et surtout il renonce à l'autorité morale des États-Unis dans le monde. En tant que Canadiens et principaux amis des Américains, nous nous désolons de voir ce triste spectacle donné par notre voisin sur la scène internationale.

Le président américain, comme dans beaucoup d'autres dossiers, semble vouloir se réfugier dans de vieux paradigmes de développement économique du 19e et du 20e siècles et fait une mauvaise lecture de l'avenir. Cela n'augure rien de bon pour eux et pour la place de l'Amérique dans le monde, continent dans lequel nous sommes inclus.
Le paradoxe

Comme le disent les Chinois dans le mot crise il y a aussi circonstance opportune. La mauvaise décision du président Trump en matière de lutte contre les changements climatiques offre une belle occasion à l'Europe, à la Chine et même au Canada d'inventer de nouvelles voies de passage sans les États-Unis d'Amérique. Cela est vrai en matière de climat, mais cela sera aussi vraisemblablement la même chose en matière de commerce international, de sécurité et même de politique étrangère. L'isolement des États-Unis du monde donne la possibilité aux autres de penser le monde autrement sans eux.

Philadelphie, ville de l'État de Pennsylvanie, est un lieu de commémoration historique important dans l'histoire américaine parce qu'elle fut le foyer le plus important de l'agitation révolutionnaire américaine et la capitale provisoire du nouveau pays qui s'émancipait de l'Angleterre. Aujourd'hui, il ne faudrait pas s'étonner qu'une nouvelle ville de Pennsylvanie devienne un lieu important de l'histoire du 21e siècle américain. Le retrait des États-Unis de l'accord de Paris annoncé par le président Trump sera peut-être connu comme le moment où les États-Unis ont renoncé officiellement à leur autorité morale dans le monde et l'on pourra se souvenir de cet événement comme la décision Pittsburgh, Pennsylvanie.


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