Pierre Karl Péladeau a réussi son pari. Il est devenu chef
du Parti Québécois en remportant 58 % des suffrages des membres de son
parti et il a livré un premier discours comme nouveau chef résolument
indépendantiste.
Ses collègues de la course, Martine Ouellet et Alexandre
Cloutier, ont aussi bien fait dans les circonstances tout particulièrement le
jeune Cloutier du royaume du Saguenay qui a rallié près de 30 % des
suffrages des 71 000 membres de cette formation politique fondée par le
regretté René Lévesque. Selon les chiffres dévoilés par le président d'élection
de cette course au leadership, Jacques Léonard, 72,9 % des membres se sont
prévalus de leurs droits de vote.
Que signifie cette victoire de PKP pour le Québec? Cela
changera-t-il quelque chose dans la dynamique politique actuelle?
La
libération du Québec
Il est amusant d'entendre le nouveau chef du PQ promettre
aux citoyens du Québec qu'avec lui, il n'y aura plus de tergiversations et plus
que jamais, le PQ va se battre pour nous redonner la liberté. À ce que je
sache, nous ne sommes pas très nombreux au Québec à nous sentir prisonniers du
Canada. Le Canada n'est peut-être pas, comme le répétait l'ancien premier
ministre du Canada Jean Chrétien le « plus meilleur pays au monde »,
mais à ce que je sache ce n'est pas le goulag de Soljenitsyne.
Parler de liberté
et d'indépendance est légitime, mais cela ressemble à la rhétorique des nationalistes
du temps de l'époque de la décolonisation de l'Afrique. Le Québec contemporain
est loin de ces concepts d'une autre époque. Les enjeux sont aussi fort
différents. Par exemple, le déclin des institutions, le désenchantement du
monde par notre sortie de religion pour emprunter pleinement la voie de la
modernité voire de la postmodernité et l'affaiblissement de la culture des
élites sont des phénomènes plus fondamentaux à notre époque que la rhétorique
du nationalisme et du « Nous » les victimes. Le Québec est une
société libre et démocratique pleinement souveraine de ses choix et de ses
politiques. Que monsieur Péladeau en prenne acte...
Pourquoi la souveraineté en 2015?
Selon la thèse du
nouveau chef de guerre du Parti Québécois, PKP, le Québec doit devenir un pays
pour pouvoir s'épanouir en Amérique du Nord et à l'échelle internationale. Une
fois encore, l'affirmation demande une démonstration. Par exemple, en quoi le
fait d'être un pays souverain réduira-t-il les inégalités sociales entre le 1 %
de biens-nantis et le 99 % des autres comme l'a si savamment démontré
Thomas Piketty dans sa thèse sur le capital au 21e siècle?
Autre sujet, en
quoi le fait que le Québec soit souverain viendra changer la donne sur le plan
des changements climatiques, une préoccupation majeure de la jeunesse
québécoise? La Chine figure parmi les pays les plus pollueurs de la planète et
les bonnes relations du Québec avec ce pays ne changent en rien les politiques
de ce pays. Admettons pour un instant l'existence d'un Québec souverain
entretenant de bonnes relations avec son voisin le Canada. Cela viendra-t-il
infléchir la volonté du gouvernement canadien d'exploiter à fond les sables
bitumineux de l'Alberta? Poser la question c'est y répondre.
Sur le plan de la
maîtrise d'œuvre québécoise en matière de culture, de langue et d'immigration,
le Québec contrôle déjà les principaux leviers décisionnels en ce domaine et
pourtant plusieurs prétendent que notre politique d'immigration est inadéquate,
que le statut de la langue française recule tout particulièrement à Montréal et
que nos institutions culturelles pourraient avoir un meilleur sort. En quoi, monsieur
Péladeau, l'existence d'un Québec souverain changera-t-il la donne? Qu'est-ce
qu'un Québec souverain changerait dans le choix libre de plusieurs jeunes
artistes québécois de vouloir conquérir le monde en langue anglaise par exemple?
La souveraineté
ou si vous préférez l'indépendance du Québec est une option légitime. Un choix
qui s'offre au Québec, mais comme le dirait Yvon Deschamps « Qu'osse ça
donne »?
« Le fruit n'est pas mûr... »
Nonobstant tout
ce que je viens d'écrire, l'élection de Pierre Karl Péladeau à la tête du Parti
Québécois changera profondément la dynamique politique du Québec. Depuis
l'échec de l'Accord du lac Meech, le Parti libéral du Québec n'a cessé de
mettre sous le boisseau son option d'un « Canada remodelé ». Il s'est
plutôt cantonné dans le statu quo. Depuis le départ de Robert Bourassa, les
chefs qui se sont succédé à la tête de ce parti ont fait preuve d'une très
grande modération dans leurs revendications pour demander des changements
constitutionnels.
L'expression
consacrée par Jean Charest, « le fruit n'est pas mûr » est devenue la
politique constitutionnelle des libéraux de Phillipe Couillard, de loin le chef
du PLQ le plus fédéraliste de toute son histoire. Qui aurait pensé pouvoir
écrire cela après le passage de Jean Charest à la tête du PLQ? Jamais dans
toute son histoire, le PLQ aura fait preuve d'une timidité aussi excessive à
réclamer des changements profonds à la gouvernance de notre pays. C'est
aujourd'hui ce qui rend possible la résurgence de l'indépendantisme. Cela
pourra permettre, au gré de circonstances encore inconnues aujourd'hui, mais
plausibles dans l'histoire de ce pays, une remontée de la fièvre nationaliste
susceptible de conduire le Québec à sa libération comme le dirait le PQ de Pierre
Karl Péladeau.
Le Québec sera toujours libre de ses choix...
Chose certaine
comme l'avait déclaré Robert Bourassa au lendemain de l'échec de l'accord du
lac Meech, « Le Québec est aujourd'hui
et pour toujours une société distincte, libre et capable d'assumer son destin
et son développement ». L'élection de PKP à la tête du PQ ne peut que nous
rappeler cette évidence.
Un
nouveau Canada?
À l'évidence, au cours des
prochains mois et des prochaines années, nous discuterons à nouveau de l'avenir
constitutionnel du Québec au sein du Canada, plus que pas assez. Cela apparaît
comme une belle occasion pour les Québécoises et les Québécois de dire au reste
du Canada que nous voulons vivre dans un pays transformé et renouvelé. Un pays
qui se distinguera par sa volonté d'améliorer le fédéralisme. Ce système
politique est de loin le meilleur système de représentation démocratique dans
des pays aux populations de plus en plus métissées. Un fédéralisme
multinational respectueux des langues et des cultures des nations fondatrices
qui en l'occurrence au Canada sont les nations autochtones ou les membres des
Premières nations, les Acadiens, les Canadiens français devenus Québécois de
souche, les Canadiens français des autres provinces et les Canadiens anglais.
Un pays qui reverra ses institutions pour faire une plus large place à la
culture de participation par rapport à la culture des élites. Enfin, un pays
qui cherchera à devenir un leader de paix plutôt que de guerre. Un pays guidé
par l'interculturalisme plutôt que par le multiculturalisme et enfin, un pays respectueux
de son environnement et à l'avant-garde des changements climatiques.
Convenons-en, ce pays mythique à
naître n'est pas le Canada de Stephen Harper. Reste cependant que cette fois
jouer les Bonhommes Sept Heures en voulant faire peur aux Québécois avec les
incertitudes de la souveraineté risque de ne pas être suffisant pour vaincre le
goût des Québécois à vivre leur « moment Péladeau ». Nous sommes entrés
dans le monde des émotions et non celui de la raison. Péladeau, c'est plus une
affaire de passion que de raison. Ce sera fort intéressant de voir ce
« moment Péladeau » et ses effets non seulement en regard de la
dynamique politique, mais pour l'avenir du Québec.
À suivre...