L'art de la
photographie n'a jamais été aussi accessible grâce aux téléphones cellulaires,
qui sont munis d'appareils photo de plus en plus performants. Aujourd'hui, il
est possible de capturer tout moment ou tout sujet par un simple clic. On peut également
saisir autant d'images que l'on souhaite afin d'obtenir le cliché parfait. Dans
ce contexte, on peut comprendre comment nos animaux domestiques deviennent les vedettes
de nos photos. Il faut avouer qu'il est difficile de ne pas sourire devant
l'image d'un chat qui dort en petite boule ou d'un chien fier de rapporter la
balle!
La
photographie n'a pas toujours été aussi répandue. Et encore moins celle des
animaux domestiques!
Les premiers
photographes devaient détenir une gamme de connaissances techniques en plus de
maîtriser divers matériaux et procédés chimiques afin de produire une
photographie. Cette forme d'art a donc longtemps été réservée à ces « peintres
de la lumière » itinérants et à leur clientèle aisée. Avant 1850, la plupart
des familles n'ont pas les moyens de payer un portrait d'eux-mêmes, encore moins
celui d'un animal. Bien qu'il existe des portraits d'animaux datant des débuts
de la photographie, ils sont rares, et sont plutôt le résultat
d'expérimentations des photographes que de demandes provenant de leur
clientèle.
Avancées technologiques et
foisonnement des studios de photographie
Portrait en studio de trois enfants et un chien,
probablement naturalisé, dans un décor, vers 1890. Archives nationales à
Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39,
S10, D1).
Photo : Stanislas Belle, coin des rues Sainte-Catherine et Saint-André,
Montréal.
À partir de la
deuxième moitié du XIXe siècle, certains photographes s'installent
dans des studios de manière permanente. Ces lieux permettent aux familles
d'être mises en scène dans des décors de leur choix. Dès lors, les animaux de
compagnie commencent à pointer leurs museaux dans les photos de familles, même
si cela demeure un phénomène marginal.
À cette époque,
l'équipement encombrant, l'imperfection des lentilles et les basses vitesses
d'exposition limitent les possibilités de photographier des scènes en
mouvement. En effet, produire une photographie nécessite une longue exposition
d'un sujet immobile, d'où l'expression « garder la pose ». Par exemple, le
premier procédé photographique accessible au public, le daguerréotype, requiert
qu'une personne soit exposée de 3 à 15 minutes pour fixer son image sur une
plaque métallique. Puisqu'il est difficile pour un animal - et même pour une
personne - de rester complètement immobile pendant tout ce temps, ces premiers procédés
photographiques ne conviennent pas aux animaux de compagnie. D'ailleurs,
certaines familles vont plutôt immortaliser leur animal après son décès.
L'animal naturalisé ne peut faire de mouvements pouvant rendre la photographie
floue.
Portrait en studio du fils de madame Neilson,
photographié avec un teckel, 1951. Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Studio Boudrias (P21, S1, D5740).
Photo : Jean-Paul Boudrias.
Au tournant du
XXe siècle, le processus photographique connaît de grandes
améliorations en ce qui a trait aux aspects optiques, chimiques et pratiques. Par
exemple, le procédé du collodion humide -par lequel le photographe devait recouvrir
la plaque de l'émulsion, l'exposer et la développer avant qu'elle sèche et
qu'elle perde de sa sensibilité - est remplacé par la plaque sèche à gélatine. Le
photographe n'a donc plus besoin de préparer son matériel sur place et peut le préserver
plus facilement grâce à sa plus grande stabilité.
Des
changements majeurs sont également observés dans les temps d'exposition nécessaires
pour fixer une image, ce qui popularise la réalisation de portraits. Les gens -
ou les animaux de compagnie - n'ont plus besoin de rester immobiles pendant de
longues minutes pour qu'on puisse en saisir un portrait clair. Grâce à ces
avancées, il est même possible de prendre des clichés de qualité d'animaux en
mouvement.
Par ailleurs, la
simplification des procédés et de l'équipement utilisé rend la photographie
progressivement plus abordable. À titre d'exemple, en 1843, le photographe
itinérant E. F. Bucknam annonce dans les journaux son arrivée à Sherbrooke.
Celui-ci offre des daguerréotypes miniatures pour la somme de 3 $ à 10 $, ce
qui équivaut à entre 100 $ et 300 $ actuellement. Un siècle plus tard, soit en
1959, le Studio Boudrias
à Sherbrooke offre des photographies à 1 $ chacune, ce qui équivaut à 10 $
aujourd'hui.
Les
animaux domestiques dans l'œil du photographe amateur
Georges Darche, âgé de deux ans, et son compagnon à
quatre pattes sur une galerie, 1959. Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Jacques Darche (P5, S1, SS3, D4, P214). Photo : Jacques Darche.
En 1888,
George Eastman invente l'appareil photo à main, le Kodak. Ainsi, la
photographie n'est plus la seule affaire de professionnels manœuvrant un
équipement lourd et complexe. Tout le monde peut s'enorgueillir d'être un
photographe amateur grâce à cet appareil, et à d'autres modèles qui le suivront.
Le développement de la pellicule demeure entre les mains de l'entreprise, d'où son
slogan : « Vous appuyez sur le bouton, nous faisons le reste. » Les
différentes versions de l'appareil Brownie sont abordables et donc fort
populaires auprès des familles. D'autres compagnies vont tout de même faire
compétition à Kodak, notamment Polaroid, qui inaugure un peu plus tard le
développement instantané des clichés.
Avec cette
prolifération d'appareils destinés au grand public, les animaux domestiques,
qui sont partie prenante de la vie familiale, deviennent nécessairement des
sujets bien-aimés. Voici quelques beaux spécimens pris à différentes époques
:
Un jeune garçon et son chien prêts à profiter des
joies de l'hiver, [193-?]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Sylvio
Lacharité (P3).
Photographe non identifié.
Une jeune femme allongée sur une chaise au soleil
donne à manger à un épagneul, [194-?]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds
des familles Lafleur, Charbonneau, Hallé et Beaudry (P1003,
S5, D3). Photographe non identifié.
Les enfants Darche, Christine, Georges et Anne,
donnent le bain à leur chien, dans la « calvette » (le ponceau) située à
proximité de leur demeure de la rue King Ouest à Sherbrooke. Le système de
douche, des plus ingénieux, permet autant aux enfants qu'à Miki de se
rafraîchir, juillet ou août 1964. Archives nationales à Sherbrooke, fonds
Jacques Darche (P5, S2, SS2, D150). Photo : Jacques Darche.
Depuis leur
arrivée dans les foyers, les animaux de compagnie sont appréciés pour les rôles
qu'ils peuvent jouer dans la vie familiale. Alors que ces derniers sont ancrés
dans notre quotidien, nos appareils photo sont de plus en plus souvent dirigés
vers eux. Ils font partie de la famille, après tout!
Si ces
quelques photos n'ont pas réussi à combler votre besoin quotidien de
mignonnerie, il y en a heureusement d'autres par ici :
https://www.flickr.com/photos/banq/albums/72157691424687130
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819 820-3010, poste 6330
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Sources
Animal History Museum. « Part of the
Family : Pet Photos Through History », The Dodo, https://www.thedodo.com/part-of-the-family-capturing-t-883540275.html (consulté le 1er décembre 2022)
BENNETT, Paul. « Les animaux
domestiques aussi ont une histoire », Le Devoir, https://www.ledevoir.com/lire/402587/les-animaux-domestiques-aussi-ont-une-histoire
(consulté le 1er décembre 2022)
KOVACS,
Arpad. « A Brief History of Animals in Photography », Getty, https://blogs.getty.edu/iris/a-brief-history-of-animals-in-photography/ (consulté le 1er
décembre 2022)
PFLUGHBETT, JAMIE. « The History of Pet
Photography », Beautiful Beasties: A Creative Guide to Modern Pet Photgraphy,
Wiley, 2012, 352 p.
ROBINSON, Jody. « Early Photography in the
Townships », Townships Sun, vol. 49, no. 5, février 2002, p. 11.