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Notre histoire en archives : les écoles de rang

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Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives nationales du Québec Par Bibliothèque et Archives nationales du Québec
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Jeudi le 3 juillet 2025      

Imaginez une petite école en bois, nichée au cœur d'une campagne québécoise, où une enseignante accueille une poignée d'élèves de tous âges. Ces écoles, reconnaissables par le clocher ou la croix qui domine l'édifice, faisaient autrefois partie du paysage rural.  Symboles d'un enseignement sobre et structuré, où une seule personne formait les futures générations, les écoles de rang étaient des piliers de la vie dans les régions. Bienvenue dans l'univers de l'enseignement à la campagne!

L'organisation scolaire

Au 19ᵉ siècle, l'accès à l'éducation est un véritable défi pour les familles rurales, dont l'éloignement géographique et les ressources économiques plus faibles limitent les possibilités. Pour le relever, les écoles de rang émergent, offrant un enseignement de base essentiel aux enfants des campagnes. Ce modèle se consolide avec la Loi scolaire de 1841, qui établit des commissions scolaires locales, responsables de l'organisation de l'enseignement au sein des paroisses. 

Le financement des écoles de rang en grande partie sur les taxes locales ainsi que sur la contribution des familles. Ce contexte humble influence directement l'organisation scolaire : une seule enseignante s'occupe d' une classe multiniveau où des élèves âgés de 6 à 14 ans apprennent ensemble. 

La normalisation de la profession 

Brevet d'enseignement de Bernadette Bourget, 1909. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Bourget (P59, S2, D1).

 À partir de la création des écoles normales en 1856, la formation des maîtres et des maîtresses d'école est normalisée. Ils sont également soumis à l'examen de qualification devant les Bureaux d'examen, obtenant ainsi le brevet d'enseignement. À partir de 1857, les commissaires d'école ne peuvent plus embaucher d'enseignants sans diplôme, sous peine de perdre la possibilité d'obtenir les subventions gouvernementales prévues. Par ailleurs, les religieux et religieuses qui souhaitent enseigner sont exemptés de ces examens, mais cette exception sera abrogée en 1894 par le haut clergé. 

Les conditions de vie des enseignantes

L'enseignante fait également face à des sentiments contradictoires. D'une part, elle jouit d'un certain prestige grâce à son éducation et ses compétences sont souvent sollicitées par les membres de la communauté, pour écrire des lettres par exemple. D'autre part, elle est parfois perçue par certains parents comme une étrangère négligeant le travail manuel et agricole. Pourtant, en plus de l'éducation des enfants, elle a d'autres responsabilités, notamment en ce qui concerne l'entretien de l'école. Dans certains cas, l'enseignante vit à l'intérieur de l'école, dans une chambre séparée, à proximité de laquelle se trouvent une cuisinière et une salle de bain. Vie personnelle et vie professionnelle s'entremêlent ainsi pour devenir une réelle vocation. D'ailleurs, les enseignantes risquent de subir l'exclusion de la profession si elles se marient.

Pour tous ses services, l'enseignante perçoit environ 100 $ par année au début des années 1900, alors que ses homologues masculins, beaucoup moins nombreux, gagnent le double. 

Une architecture modeste

 

 

Plans de l'école de rang à Albert Mines dans le canton d'Ascot, planches 2 et 1, vers 1930. Archives nationales à Sherbrooke, Collection de petits fonds d'origine privée (P1000, D3).

En 1930, les commissaires scolaires du canton d'Ascot commandent la construction d'une maison-école destinée à accueillir 36 élèves à Albert Mines, près de la mine de Capelton. Selon les spécificités de construction, les commissaires exigent que les fondations soient construites en béton de haute qualité avec du gravier et du ciment de premier choix. Le sol doit être recouvert d'un parquet en bois franc de haute qualité, et le toit, fait de bois de construction assorti, doit être couvert d'une toiture en fer galvanisé nervuré de qualité. Une cheminée en briques doit être installée à l'intérieur de la salle de classe. L'ensemble du bâtiment doit être réalisé avec des matériaux adéquats et achevé dans les règles de l'art à la satisfaction des commissaires scolaires dans un délai d'un mois et demi! 

Sur les plans ci-haut, les lucarnes du grenier ont été biffées, de même que les salles du côté droit, prévues à l'origine pour être un vestibule, une cuisine et une chambre, salles qui ne feront pas partie du projet de construction. Ces plans témoignent du fait que l'institutrice ne vivait pas dans l'école, comme c'était parfois le cas ailleurs, et qu'une économie du coût de construction était alors possible. 

Les écarts de richesse

 

École de rang de Shipton, vers 1900. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Émilien Lafrance (P22). Photographe non identifié.

École de rang de West Ditton, vers 1911. Archives nationales à Sherbrooke, fonds des familles Lafleur, Charbonneau, Hallé et Beaudry (P1003, S4, D3). Photographe non identifié.

 

Comme en témoignent les photographies ci-dessus, des disparités économiques notables existent parmi les enfants qui fréquentent les écoles rurales de Shipton et de West Ditton. 

À Shipton, l'école de rang, construite en bois rond et assise sur de grosses pierres, donne une impression de rusticité. Selon une note qui accompagne la photo, cette école aurait « été bâtie en 1874, à proximité d'Asbestos, à la carrière d'ardoise ». Les enfants qui la fréquentent apparaissent pieds nus et vêtus de vêtements usés. 

En revanche, l'école de rang de West Ditton, située dans le canton de Ditton, se distingue par une structure finie en planches planées qui lui confère une apparence soignée. Cette différence architecturale témoigne de l'aisance économique de West Ditton, qui trouve son origine en 1864, née de la découverte des terres fertiles et des gisements d'or, puis renforcée dès 1869 par l'immigration de nombreux Canadiens français, ce qui stimule l'économie locale.

Ce niveau de vie plus élevé se reflète dans l'apparence des élèves accueillis par l'école de West Ditton : les garçons portent une chemise, parfois une cravate, et ont une coiffure soignée, tandis que les filles arborent de jolies robes et leurs tresses sont ornées de rubans. D'ailleurs, tous les enfants sont chaussés de bottes de cuir. 

Parmi ces enfants, on aperçoit Éva Senécal, future auteure des Cantons-de-l'Est, assise au premier rang, la 5e à partir de la gauche.

Déclin et héritage 

Le déclin écoles de rang a débuté au milieu du 20ᵉ siècle sous l'effet de l'urbanisation croissante et de la centralisation du système scolaire. Le nombre d'élèves dans les zones rurales a diminué à mesure que de plus en plus de familles se sont installées en ville. Si, en 1950, on comptait quelque 5000 écoles de rang à travers le Québec rural, la majorité d'entre elles ont fermé leurs portes dans les années 1970 à la suite de la création du ministère de l'Éducation en 1964.

 

Ancienne école Sainte-Thérèse, convertie en domicile de la famille Darche, située à Sherbrooke, octobre 1954. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Jacques Darche (P5, S1, SS3, D4, P84-2). Photo : Jacques Darche. 

Toutefois, l'héritage des écoles de rang perdure, non seulement dans la mémoire collective, mais aussi à travers des initiatives muséales et des projets éducatifs qui cherchent à préserver cet aspect fondamental de l'histoire de l'éducation rurale au Québec. À titre d'exemples, certaines écoles furent converties en domiciles ou encore en musées, témoins architecturaux d'un système scolaire du passé. Elles demeurent un symbole important de l'entraide et de la résilience des communautés rurales.

Ces archives vous intéressent? Prenez rendez-vous avec nous ou venez nous voir!

Archives nationales à Sherbrooke
225, rue Frontenac, bureau 401
819 820-3010, poste 6330
archives.sherbrooke@banq.qc.ca

Sources

BEAUREGARD-BRUNET, Patricia, «Le perfectionnement des maitres au Québec - origine, institution, développement : niveaux élémentaire et secondaire, secteur francophone et catholique (1856-1980) », thèse de maitrise (enseignement), Université d'Ottawa, 1982, 374 p, http://dam-oclc.bac-lac.gc.ca/download?is_thesis=1&oclc_number=1372357307&id=8322e72f-6e6c-4b33-b7e7-166d77920a44&fileName=EC56107.PDF.

DORION, Jacques, « Un patrimoine à découvrir. Les écoles de rang », Revue Cap-aux-diamants, vol. 18, n° 75, automne 2003, p. 20-24, https://www.erudit.org/fr/revues/cd/2003-n75-cd1046317/7319ac/.

DUFOUR, Andrée, « Les premières enseignantes laïques au Québec. Le cas de Montréal, 1825-1835 », Histoire de l'éducation, vol. 25, n° 109, 2006, p. 3-32, https://journals.openedition.org/histoire-education/1326?utm_.

GAUDREAU, Valérie, « L'école de rang. Haut lieu de savoir élémentaire », Continuité, vol. 22, n° 102, automne 2004, p. 47-49, https://www.erudit.org/fr/revues/continuite/2004-n102-continuite1056681/15701ac.

GENEST, Renée et Félix Rousseau, « Les écoles de rang, un devoir de mémoire », Continuité, vol. 40, n° 174, automne 2022, p. 48-50, https://www.erudit.org/fr/revues/continuite/2022-n174-continuite07354/99999ac.

KROL, Ariane, « La dernière école de rang est bien vivante », La Presse, 27 décembre 2023, https://www.lapresse.ca/actualites/education/2023-12-27/la-derniere-ecole-de-rang-est-bien-vivante.php.

LACHANCE, René et Rénald Lessard, « L'école de rang », Revue Cap-aux-diamants, vol. 13, n° 52, hiver 1998, p. 60, https://www.erudit.org/fr/revues/cd/1998-n52-cd1042789/8105ac/.

MACKINTOSH, Hon. C. H, History of Compton County 1692-1896, Cookshire, L. S Channell, 1896, 289 p.

Musée numérique Canada, « 4. Les écoles de rang : une première infrastructure scolaire », mai 2019, https://www.histoiresdecheznous.ca/v2/l-enseignement-a-magog_teaching-in-magog/histoire/les-ecoles-de-rang-une-premiere-infrastructure-scolaire/.

VALIQUETTE, Guy, « Les premières lois scolaires (survol)) 1841-1960 », Histoire Québec, vol. 19, n° 3, 2014, p. 21, https://www.erudit.org/fr/revues/hq/2014-v19-n3-hq01131/71065ac.pdf.

PARENT-BOUCHARD, Émilie, « Ils habitent d'anciennes écoles de rang », La Terre de Chez Nous, 23 octobre 2023, https://www.laterre.ca/technique/batiment/ils-habitent-danciennes-ecoles-de-rang/.

« Une institution d'autrefois : l'école de rang », Radio-Canada, 5 octobre 2022, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1922308/ecole-education-canada-histoire-archives.


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