Ceci est le premier d'une série de deux articles
décrivant le parcours d'Ernest Lacharité, témoin de l'évolution vécue au Québec
avec l'arrivée de l'automobile.
En 1907, Ernest Lacharité (1880-1939) fonde
sa propre forge, la E. Lacharité
Horseshoer, située au 8 de la rue Bridge, tout juste à la sortie du pont
Aylmer (aujourd'hui la rue King Est). À cette époque, ce tronçon est une artère
commerciale de la ville de Sherbrooke regroupant modistes, tailleurs,
épiceries, hôtel. La forge Lacharité est localisée en fond de cour, à proximité
de l'écurie O'Donnell.
Entre les numéros 6
et 10 de la rue Bridge se trouve le bâtiment gris en fond de cour avec
l'inscription B. SM. pour blacksmith : il s'agit de la forge
d'Ernest Lacharité correspondant au numéro 8. Insurance plan of Sherbrooke, Que. Goad, Chas. E. 1848-1910, (Charles Edward), Montreal, Chas. E. Goad, 1917,
Toronto, p. 27.
Au début du XXe siècle,
moment où Ernest Lacharité fonde sa forge, le métier de forgeron constitue un
métier d'économie communautaire. Le forgeron est connu des citoyens pour son
service essentiel. D'ailleurs, il arrive qu'une personne s'abonne à une forge,
à un coût fixe, afin d'y conduire son cheval aussi souvent que nécessaire. La
forge Lacharité n'est pas qu'un simple commerce familial : elle
s'offre des employés, comme le démontre cette petite annonce publiée dans le
journal La
Tribune le 10 mai 1912.
Maîtrisant toutes les dimensions du métier
de forgeron, tels le martelage et le trempage, le maréchal-ferrant est également reconnu pour avoir un effet calmant
sur les bêtes. En effet, la proximité des chevaux demande des gestes sûrs et rassurants
afin d'éviter les ruades. Pour travailler avec une patte de cheval dans les
mains en toute sécurité, il faut qu'une relation de confiance s'établisse entre
le forgeron et l'animal.
La chaleur du feu et la poussière brassée
par l'air du soufflet, la vapeur occasionnée par la saisie du fer rouge dans l'eau
de trempe et le bruit régulier du martelage du métal donnent néanmoins à
l'environnement des airs de petit enfer. Travailler à la sueur de son front : voilà une expression à
laquelle Ernest Lacharité n'est certainement pas étranger!
Intérieur de la
forge d'Ernest Lacharité, [vers 1907]. Archives nationales du Québec à
Sherbrooke, fonds Sylvio
Lacharité (P3). Photographe non
identifié.
Contrairement à la croyance populaire, le
métier de maréchal-ferrant ne disparaît pas avec l'avènement de l'automobile au
début du XXe siècle puisque les déplacements à cheval, en
calèche et en charrette demeurent amplement en usage. Par
la suite, malgré l'augmentation du nombre d'automobiles sur les routes, les
hippomobiles - ces voiturettes tirées par des chevaux - demeurent en fonction
pour la livraison jusque dans les années 1950. Aujourd'hui, le Québec compte moins de 500 maréchaux-ferrants, ultimes
détenteurs de ce savoir-faire, qui font en sorte qu'il ne soit pas oublié.
La forge d'Ernest Lacharité
demeure en fonction jusqu'en 1920. Le mois prochain, nous verrons
de quelle façon le parcours professionnel d'Ernest Lacharité a été transformé par
l'arrivée de l'automobile.
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