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La question des Premières Nations


Le problème de fond c'est la gouvernance autochtone sur le territoire canadien et la reconnaissance de leurs droits ancestraux. La solution à ce problème doit venir des communautés autochtones elles-mêmes. Le gouvernement du Canada doit favoriser un règlement de cette question en abolissant la Loi sur les Indiens, et remettre la discussion entre les autochtones pour qu'ils décident entre eux de leur future gouvernance.
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Photo : crédit photo: CBC.ca; aboriginal.canada
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 19 février 2020      

Cela n'aura échappé à personne au cours de la dernière semaine. Le Canada a des ennuis avec ses Premières nations. Comment pourrait-il en être autrement ? Les puissances européennes ont envahi puis colonisé les nouvelles terres d'Amérique déjà habitées par des Amérindiens. Les enfants de ces envahisseurs ont poursuivi des politiques d'assimilation ou d'extinction de ces peuples d'Amérique. Nous sommes les enfants de cette histoire. Tentative de compréhension d'un problème complexe aux solutions loin d'être évidentes.

La source du blocage des rails

Les peuples autochtones ont toute la semaine fait l'objet de l'actualité, mais pour les mauvaises raisons. Un désaccord entre les conseils de bande de Colombie-Britannique et les anciens qui disent tenir leur pouvoir de leur statut de chef héréditaire. Tout le problème tient dans un projet de construction du gazoduc Coastal gasLink en Colombie-Britannique. Une entente est intervenue pour la construction de cette infrastructure entre la province et les conseils de bande, mais les chefs traditionalistes s'y opposent. En fait, 85 % des premières nations concernées appuient le projet, alors que 15 % s'y opposent. Comment le pouvoir blanc peut-il se gouverner en de telles circonstances sans intervenir dans la gouvernance autochtone ? C'est ce qui explique que de nombreux manifestants autochtones bloquent routes et voies ferrées depuis plus d'une semaine, en solidarité avec les chefs héréditaires de la Première nation de Wet'suwet'en qui s'opposent au projet de ce gazoduc.

Le problème de fond c'est la gouvernance autochtone sur le territoire canadien et la reconnaissance de leurs droits ancestraux. La solution à ce problème doit venir des communautés autochtones elles-mêmes. Le gouvernement du Canada doit favoriser un règlement de cette question en abolissant la Loi sur les Indiens, et remettre la discussion entre les autochtones pour qu'ils décident entre eux de leur future gouvernance. Or, les gouvernements autochtones actuels ne veulent pas de l'abolition de la Loi sur les Indiens sans garantie d'avenir. Un problème insoluble à première vue. La quadrature du cercle.

On ne peut réécrire l'histoire

Dans cette affaire, la seule avenue qui doit être rejetée c'est celle de réécrire l'histoire. Le voudrait-on que nous en serions incapables. La cause est entendue. Le sort qui a été réservé aux membres des Premières nations au Canada s'apparente presque à un génocide planifié.

Relisons un article du journal Le Devoir de Marco Fortier publié le 19 décembre 2015. Les mots écrits alors sont encore d'actualité aujourd'hui : « Vous connaissez l'histoire : en près de deux siècles, de 1820 à 1996, 150 000 enfants autochtones ont été retirés de leur famille pour se faire "civiliser" dans des pensionnats gérés par des religieux. Le but : transformer ces sauvages en bons petits Canadiens pure laine. Tout était mis en œuvre pour les civiliser comme il se devait. Ils se faisaient couper les cheveux, on leur interdisait de parler leur langue et on leur faisait comprendre qu'ils étaient des moins que rien. Ils se faisaient battre, insulter, agresser. Ils mouraient de la tuberculose. Ou dans des incendies. Plusieurs sont morts - perdus, noyés... - en fuyant les pensionnats. La Commission a pu recenser avec certitude 3201 morts d'enfant en rapport avec les pensionnats. Le nombre réel des victimes est sans doute 10 fois plus élevé. Il fallait casser les "sauvages". La loi le disait. Le plan a presque fonctionné. Ils ont été brisés. Le seul "problème", c'est qu'ils sont restés autochtones. »

Les conditions de vie des premières nations sont dignes de celles que nous retrouvons dans les pays les plus pauvres du monde. Que ce soit la question des pensionnats, celle des femmes disparues ou assassinées, de la discrimination systémique des autochtones au Canada ou encore du piétinement des suites à donner aux multiples commissions d'enquête, les peuples des Premières nations ont raison de s'indigner et de se montrer impatients devant les belles promesses de l'homme blanc à la langue fourchue...

Négocier de Nation à Nation

Ce que revendiquent les peuples autochtones et leurs porte-parole devrait être simple à comprendre pour le peuple québécois. Ils veulent négocier d'égal à égal, de nation à nation, comme nous l'avons longtemps revendiqué pour nous-mêmes. Il faut noter, malgré la cicatrice toujours présente de la crise d'Oka dans notre imaginaire collectif, que nous avons signé des ententes de nation à nation

avec les autochtones notamment avec les Cris de la Baie-James sous Robert Bourassa , la reconnaissance des nations autochtones sous René Lévesque et les pas de géants avec la Paix des Braves de Bernard Landry, un modèle d'entente de nation à nation. Par ailleurs, le premier ministre actuel du Canada, Justin Trudeau a cherché avec beaucoup d'énergies à améliorer les choses avec les Premières nations. Cela n'est pas suffisant. Il faut accélérer la cadence et trouver enfin une solution négociée avec les peuples autochtones du Canada en négociant d'égal à égal.

C'est ce que disait le chef de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard ; « Les Premières Nations sont sous le joug de la colonisation, c'est ça qu'on veut renverser. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. » Le paradoxe actuel c'est qu'en même temps les Premières nations souhaitent qu'Ottawa continue à veiller sur ses obligations envers les autochtones. C'est une question de gros sous. Chez nous, on dirait familièrement qu'ils veulent le beurre et l'argent du beurre. Comme le déclarait la sociologue Carole Lévesque de l'Institut national de la recherche scientifique : « La Loi sur les Indiens est une loi patriarcale et coloniale qui doit être remplacée à plus ou moins long terme, c'est clair. Mais jamais elle ne le sera sans dispositions juridiques et constitutionnelles adéquates pour les autochtones » (Loc. cit.).

Justin Trudeau a promis la main sur le cœur en 2015 que c'était le temps d'innover en matière de gouvernance autochtone. Au bord des larmes, le premier ministre du Canada s'est engagé en 2015 à régler le problème. Il a donné sa parole. Cinq ans plus tard, on doit constater l'échec de ces bonnes intentions. Le problème demeure entier.

De quoi sera fait l'avenir ?

Aujourd'hui, les désaccords entre autochtones sont plus apparents que jamais. Les questions fondamentales sont toujours en suspens quant à leur autodétermination. La gouvernance autochtone est prise à partie par les commentateurs de la chose publique. L'économie canadienne est paralysée en partie et cela risque d'empirer dans les prochaines semaines. La règle de droit est bafouée. L'état canadien semble impuissant. Cela ne peut que faire reculer la cause autochtone auprès de la majorité blanche qui doit vivre avec les inconvénients et qui constate qu'au Canada, il n'y a pas une même justice pour tous. Imaginez le sort qui serait réservé à des blancs qui bloqueraient des voies ferrées qui mettraient en péril le fonctionnement de l'économie. Pourtant, la réalité est que ce n'est pas une option que de sortir la cavalerie pour mettre fin à ce problème. C'est plutôt le temps du dialogue et de la négociation. Pour cela, il faudrait que le gouvernement du Canada et ceux des provinces décident de s'y mettre sérieusement. Nous ne pouvons faire plus longtemps l'économie d'une grande conversation nationale sur la question des Premières nations...


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