J'ai grandi dans un entre-deux générationnel. Dans le livre
des générations, je suis né dans la conclusion des boomers et la préface des X.
Je ne suis donc pas un pur. Et ça me plaît bien!
La musique habitait et habite toujours mon quotidien.
Pour moi, en '67, tout était beau! Pas de fleurs dans
les cheveux, mais dans le temps, j'avais des cheveux! Je rêvais qu'un jour,
j'amènerais ma blonde dans ma Camaro, sur tous les chemins d'été. Je
vivais dans un monde où l'espoir régnait encore. C'était le début d'un temps
nouveau.
La radio chantait que le temps était bon, le temps était
beau, enchaînant avec un j'ai deux amis qui sont aussi mes amoureux bien
surprenant, pour l'époque! L'amour devenait libre, et les filles pouvaient se
permettre de donner un lift dans sa propre Corvair à celui qu'elle identifiait
comme l'homme de sa vie!
La Révolution tranquille essayait de conjuguer au présent le
nouveau modèle social proposé.
J'ai été ému en entendant on a mis quelqu'un au monde, on
devrait peut-être l'écouter! Je rêvais d'avoir les pieds pendants au
bout du quai. Mais bon, on n'avait pas de chalet. Puis, je me suis laissé
emporter par les gens de mon pays, ceux qui sont gens de paroles et
gens de causerie.
J'ai été heureux d'un printemps. Mais là, déjà, le
ton festif servait à souligner, voire dénoncer, quelque chose. Un trouble s'est
installé. Comme quand on voit qu'il n'y a pas grand-chose dans le ciel à
soir.
Souvent, j'ai trouvé refuge en fredonnant Gens du pays.
Ces gens du pays, dont moi, à qui c'était le tour, de se laisser parler
d'amour.
Je nourrissais l'espoir à grands coups de amène-toi
chez-nous, je t'ouvrirai les bras! Et de bye bye, nuages, welcome
soleil, je t'ai attendu toute la journée!
Dans ma voiture, le système de son acheté chez Distribution
aux consommateurs jouait à tue-tête À qui appartient le beau temps de
Piché.
Plus tard, Séguin m'a raconté la journée d'Amérique. Journée
de soupirs. Journée de désirs. Je me suis ouvert les yeux sur d'autres
réalités en chantant passe-moé la puck, pis j'vas compter des buts! J'ai
compris que la nouvelle rue principale oubliait le principal...
Ça prend parfois des airs musicaux heureux et festifs pour
charrier des réalités sombres et à la limite du tolérable. La cuillère de miel
qui fait avaler plus doucement la pilule.
Bref, la musique est importante dans ma vie. Elle me rassure
aussi quand j'entends qu'on va s'aimer encore...
|banniere-article|
Le chemin de l'espoir
Au fil des quatre dernières décennies, il y a eu de la pop.
Beaucoup de pop. Une académie pour enseigner la pop. Une académie pour
fabriquer une star. Un rêve ultime: briller. Voir son nom en haut de l'affiche!
On a fait aussi concourir des voix en tentant de coller des émotions plus
vraies que vraies à la vie des participants.
Pas que tout ça soit mauvais. Qui suis-je pour condamner?
Sauf que... Je m'alarme toujours lorsque tout l'exercice est
concentré sur un chemin unique : être découvert; être pris en main par des
professionnels; chanter des paroles modulées pour plaire au public avec la
précision chirurgicale d'une efficace campagne de publicité. Tout ça,
finalement, pour être au sommet! Et briller. Comme si c'était l'unique but de l'affaire.
Une fabrique d'étoiles filantes.
Urgent besoin d'espoir
Quelques jours après le décès de Karl Tremblay, ma réflexion
se poursuit et je suis habité par un urgent besoin d'espoir. Besoin de sens,
aussi. De sens social, j'entends.
Les guerres se multiplient. Les banques alimentaires sont
vides. On n'a pas d'argent pour mieux payer les gens du secteur public, mais on
est riches au point de payer des millions de dollars pour accueillir deux
matchs hors concours de la Ligue nationale de hockey à Québec. J'ai le goût de
crier ma colère face à cette innommable bêtise!
Urgent besoin d'espoir et de sens, je disais.
Et je réalise que cet espoir existe.
En fait, cet espoir est incarné par le parcours tellement
atypique des Cowboys fringants. Un parcours de qualité, certes, mais un
parcours qui a évité le modèle de réussite programmée. Avec les Cowboys, pas de
premières pages de magazine, pas d'entrevues à tous vents, pas de scandales,
pas de bull.... Un parcours atypique qui débouche sur un deuil atypique.
Des millions de personnes vivent une peine réelle et toute
personnelle. Ce deuil est collectivement personnel. Des milliers de personnes,
partout au Québec, ont senti le besoin de se rassembler, comme dans les
spectacles des Cowboys fringants. En deuil, on se réfugie là où on est bien.
Mais il est où, l'espoir, il est où ?
Il est dans ce que Karl et son groupe ont incarné : le
possible.
Le possible, c'est réaliser que le chemin de notre vie nous
appartient. Qu'on n'a pas à marcher sur un chemin tracé d'avance et prévu dans
un modèle fixe.
Le possible, c'est réaliser que le virtuel n'est pas une
relation en soi. C'est en multipliant les contacts humains avec les gens que
les Cowboys ont réussi à se loger dans leur vie intime. Pas de centaines de
millions de clics sur un clip, mais des millions de personnes, sur 25 ans, tout
près les unes des autres, qui vivent un moment à la fois très personnel et très
collectif!
Le possible, c'est réaliser que c'est l'absence de
prétention qui ouvre la porte d'accès à l'autre. Un égal à égal vrai. Pas joué,
pas mis en scène.
Le possible, c'est réaliser que l'authentique ne se maquille
pas. Et qu'il ne se perçoit que dans l'œil de l'autre, s'il le sent vraiment.
Je me concentre sur le possible. Pour ne pas tuer l'espoir.
Et je décide de maintenir les chansons des Cowboys fringants
comme des repères dans ma vie.
Et je me répète qu'elle sera longue, l'expédition. Et que
même si on n'en revient jamais vivant, il faut marcher, droit devant.
Clin d'œil de la semaine
Elle sera longue, l'expédition. Je l'aurais souhaitée plus
longue pour Karl...