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Les Jeux olympiques au féminin

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 4 août 2021      

Les Jeux olympiques d'été de Tokyo sont en cours. Comme c'est l'habitude, cet événement est toujours accompagné de débats avant la tenue de l'événement concernant les coûts, l'adhésion de la population du pays hôte et tutti quanti. Les Jeux d'été de Tokyo ont en plus été retardés d'une année à cause de la pandémie mondiale. Malgré tout, lorsque la cérémonie d'ouverture se déploie et que les athlètes entrent en scène, on s'abandonne à la magie des performances et à la beauté du sport. Ainsi va le sport olympique. Cette année, Les Jeux de Tokyo seront mémorables à cause de la performance exceptionnelle des athlètes féminines. D'ailleurs, le Canada, au terme des sept premiers jours de compétition, n'aurait remporté aucune médaille si ce n'était de la performance des athlètes féminines canadiennes. Les femmes sauvent en quelque sorte le spectacle. Ce n'est que justice qu'après tant d'années, on mette en lumière la contribution des athlètes féminines au sport olympique. Réflexion libre sur la contribution des femmes aux Jeux olympiques d'été de Tokyo.

Le sport, repaire masculin ?

Pendant longtemps, le sport était le fief réservé aux jeunes hommes. C'est de longues luttes que les femmes ont pu se faire admettre dans l'enceinte privilégiée réservée à ces humains d'exception que l'on érige bien souvent en demi-dieux. C'est aux Jeux de 1900 à Paris que les femmes prennent part pour la première fois aux Jeux olympiques. Sur un total de 997 athlètes, 22 femmes concourent dans cinq sports : le tennis, la voile, le croquet, l'équitation et le golf.

Depuis les choses ont profondément changé, le CIO s'est engagé pour l'égalité des sexes dans le sport. Il est écrit dans la Charte olympique, chapitre 1, règle 2.8, que le rôle du CIO « est d'encourager et soutenir la promotion des femmes dans le sport, à tous les niveaux et dans toutes les structures, dans le but de mettre en œuvre le principe d'égalité entre hommes et femmes. » De grands progrès ont été accomplis en ce qui concerne la promotion de l'égalité des sexes en termes d'équilibre entre athlètes masculins et féminins participant aux jeux, de possibilités de développement des capacités de diriger, de campagnes de sensibilisation, et plus récemment, en nommant des femmes à des postes de responsabilités au sein de l'administration et de la gouvernance. Avec l'ajout de la boxe féminine au programme olympique, les Jeux à Londres en 2012 sont les premiers où les femmes concourent dans tous les sports au programme. Depuis 1991, tout nouveau sport souhaitant être inclus au programme olympique doit obligatoirement comporter des épreuves féminines. Aux Jeux de Rio en 2016, 45 % des athlètes sont des femmes. En ce qui concerne les Jeux de Tokyo, c'est la première fois que nous avons droit à des jeux paritaires, ou presque, alors que près de 49 % des athlètes sont des femmes. Ce sont les premiers jeux de l'histoire olympique qui respecte le principe d'équilibre des sexes. C'est aussi la première fois que chaque équipe nationale doit avoir en son sein au moins un athlète de chaque sexe. Des pas de géants ont été accomplis, mais ce n'est pas encore suffisant.

Le sport : dernier bastion masculin

Quoi que l'on puisse en dire, le sport demeure aujourd'hui un bastion hégémonique pour les hommes selon l'opinion de Guylaine Demers, professeure titulaire au Département d'éducation physique de l'Université Laval et experte internationale sur les questions d'égalité et de discrimination dans le sport.

Dans une entrevue accordée au journal Le Devoir le 20 juillet dernier, la professeure de l'Université Laval trouve que mettre la lumière sur l'aspect paritaire de la participation des athlètes féminines c'est regarder un seul bout du tableau. Elle a déclaré au Devoir : « Mais si l'on porte attention à l'ensemble de l'œuvre, le bilan est bien moins reluisant. Les chiffres globaux sur le nombre d'athlètes cachent d'importantes disparités entre les pays. Dans certains endroits, il est encore presque impossible pour les femmes de seulement rêver de se rendre aux Jeux. Mais le prochain enjeu majeur porte sur tout le reste. Lorsqu'on regarde la place des femmes dans le personnel d'entraîneurs, parmi les officiels, dans les équipes de soutien médical et technique, dans les postes de direction... On se rend compte que ça ne bouge vraiment pas vite. Pour les postes d'entraîneurs, je dirais même qu'on est pris dans la bouette. »

La professeure Demers ajoute, toujours selon l'article du Devoir paru le 20 juillet, « Le Québec et le Canada ne font pas tellement mieux à ce chapitre, en 2019, seulement 19 % de l'ensemble des entraîneurs-chefs en sport organisé étaient des femmes, tous niveaux confondus. Cette proportion était un peu plus élevée aux niveaux collégial et universitaire, avec 28 %, mais nettement plus faible dans l'équipe olympique canadienne aux derniers Jeux d'été de Rio et d'hiver de Pyeongchang, avec respectivement 17 % et 11 % de l'ensemble des entraîneurs. Quant aux femmes qui ont une place dans les conseils d'administration des fédérations sportives québécoises, elles sont à peine moins rares, à 22 %. »

Guylaine Demers a terminé son entrevue par une formule choc : « Au risque de sonner comme une professeure d'université, on voit bien là que le sport est l'un des derniers bastions de l'hégémonie masculine. En sport de haut niveau, la question est importante, parce que les femmes aussi devraient pouvoir aspirer à atteindre des sommets dans leur sport - non seulement comme athlètes, mais aussi comme entraîneuses, officielles ou dirigeantes. »

Valoriser le sport au féminin

Comme de nombreuses autres questions concernant l'égalité réelle des hommes et des femmes, malgré les progrès accomplis, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour vivre une pleine égalité entre les athlètes masculins et féminins. Il y a des lueurs d'espoir. Par exemple, cette innovation des épreuves de compétition mixte notamment en natation. Cela a pour effet de voir les performances des athlètes féminines sans le préjugé qu'elles sont moins intéressantes à regarder parce que moins performantes. Ce qui apparaît comme un leurre pour celles et ceux qui ont vu la performance exceptionnelle de la gardienne Stéphanie Labbé contre le Brésil en tir de barrage, ce qui a permis de propulser le Canada en demi-finale contre les États-Unis. Que dire des performances de Maude Charron en haltérophilie ou encore celle de nos avironneuses ou de Penny Oleksiak en natation avec ses nombreuses médailles ?

Les performances sportives des athlètes féminines à ces jeux olympiques d'été de Tokyo sont spectaculaires et suscitent de l'intérêt. Cela est encore plus vrai pour les athlètes canadiennes sans lesquelles le Canada serait sans médailles au terme de la première semaine des compétitions.

Ce qui doit cependant retenir toute notre attention c'est que la présence des femmes dans le sport olympique de haut niveau ne change pas le niveau de performance ni l'intérêt du spectacle, mais vient humaniser le sport. Je pense ici à la décision de la super-athlète américaine en gymnastique, une surdouée, Simone Biles, qui a décidé de se retirer de la compétition pour préserver sa santé mentale, malgré le fait que ces choses-là ne se font pas. Non seulement elle brise le plafond de verre de l'invincibilité et de l'invisibilité de l'athlète au profit de son sport pour parler librement et ouvertement de ses problèmes d'équilibre mental. C'est en quelque sorte rafraîchissant dans un monde de performance. La santé mentale est de moins en moins un sujet tabou et des gestes comme ceux posés par la jeune Simone Biles contribueront à faire en sorte que de moins en moins de gens souffriront en silence de leur maladie mentale. Voilà pourquoi nous pouvons nous réjouir d'avoir plus dans l'avenir des Jeux olympiques au féminin...



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