Ne cherchons pas à fafiner, nous sommes à la rentrée. Fini
le temps du déluge estival, retour aux vraies affaires. Le regretté Camil Samson élu député sous la bannière
créditiste en Abitibi, avait un langage populiste très coloré. En le
paraphrasant, je vous dirai qu'à l'issue de cette période d'été, nous
reprendrons nos activités habituelles, les étudiants étudieront, les
professeurs professeront, les politiciens feront leurs politicailleries et les
commentateurs commenteront...
Question de commentaires, on ne peut passer sous silence
l'avance importante du Parti conservateur du Canada sur les libéraux dans les
sondages. La maison Angus Reid accorde une avance de près de 10 points aux
conservateurs sur les libéraux à l'échelle nationale. Des chiffres qui, traduit
en vote conduiraient à l'élection d'un gouvernement conservateur minoritaire au
minimum et peut-être même majoritaire. La seule ombre au tableau pour les
conservateurs, leur chef Pierre Poilievre. L'homme aux discours revanchards,
aux propos qui séduisent les complotistes, l'homme du Canada brisé. Poilièvre est le talon d'Achille
des conservateurs. Voyons cela.
Le discours des conservateurs sous le
leadership de Polievre
Tout commence lors de la course à la chefferie alors que le
progressiste conservateur Jean Charest lui livre une lutte bien inégale. S'il
en fallait une, la preuve fut faite de façon on ne peut plus claire que les
conservateurs à la Brian Mulroney n'étaient plus majoritaires au sein du parti conservateur
de Stephen Harper. Tout au long de sa campagne au leadership, Poilièvre a
affirmé qu'il ne se présentait pas pour devenir chef du Parti conservateur,
mais pour devenir premier ministre du Canada et redonner aux Canadiennes et aux
Canadiens plus de liberté. Au moment où la ville d'Ottawa est assiégée par des
vandales et des complotistes sous l'étiquette du Convoi de la liberté au début
de 2022 en pleine crise de la pandémie de COVID-19 et que des passages
frontaliers entre le Canada et les États-Unis sont bloqués, Polièvre donne son
appui à ces adversaires de la vaccination et des mesures sanitaires. Il a été
prudent sur cette question durant la campagne au leadership, mais il y est allé
de plusieurs autres déclarations controversées. Pensons à sa promesse de
congédier le gouverneur de la Banque du Canada, sa suggestion que la population
canadienne échappe à l'inflation en investissant dans les cryptomonnaies. Ses
déclarations contre les mondialistes et le Forum international de Davos. Pour
Polièvre, Davos est un lieu de réunion d'une élite mondiale qui défend et
promeut des politiques contraires aux intérêts du peuple canadien. Des propos
curieux pour un prétendant au poste de premier ministre du Canada.
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Après son élection comme chef avec une avance très
respectable sur Jean Charest, Pierre Poilievre présente son équipe
de neuf personnes qui dirigera l'opposition officielle. Sa première tâche,
dit-il, sera de stopper les augmentations d'impôt proposées par le gouvernement
et de juguler l'inflation, qu'il surnomme « Justinflation » dans un effort pour
en rejeter le blâme sur Justin Trudeau. Il mène aussi un combat de tous les
instants à la taxe sur le carbone.
Enfin, son principal axe de discours récemment
c'est celui d'un Canada brisé dû au manque de lien entre un gouvernement des
élites déconnectées du vrai monde et du gros bon sens dont Poilievre se fait le
champion.
Polievre, la solution pour le pouvoir ou un boulet
pour le PC ?
N'en déplaise aux supporteurs de Poilievre et du
Parti conservateur du Canada, en dépit des apparences actuelles, Pierre
Polievre est le principal obstacle à un changement du gouvernement de plus en
plus usé des libéraux de Justin Trudeau. Son image d'un politicien abrasif et
près des discours de la droite la plus extrême risque de nuire à son
acceptabilité électorale auprès des femmes notamment et des populations du
Québec et de l'Ontario. Justin Trudeau, en politicien expérimenté, n'a pas raté
une occasion durant la période estivale que nous venons de vivre pour attaquer
Poilievre sur ses points faibles. Ce n'est pas pour rien que Poilievre mène une
campagne de charme auprès des électeurs et lance une campagne publicitaire qui
le montre comme un fils adoptif de deux enseignants de Calgary et qu'il met en
scène son épouse, immigrante vénézuélienne de Montréal avec qui il élève deux
jeunes enfants. La séparation récente de Sophie Grégoire et Justin Trudeau ne
fait qu'amplifier le contraste entre les deux hommes.
Il reste qu'au-delà de l'image, Polievre devra
faire connaître le contenu de ses futures politiques. Ce qui n'est jamais
simple dans un pays aussi diversifié que le Canada.
Le Canada, un pays brisé ou balkanisé ?
De manière générale, peu de personnes utilisent le terme de balkanisé
lorsqu'il songe au Canada. Le Canada n'est pas un pays balkanisé, quoi qu'en
disent nos nationalistes impatients au Québec. C'est un peu fort comme terme
pour décrire le Canada. Le terme « balkanisation » fait référence à la
division politique, ethnique ou territoriale d'une région en entités plus
petites et souvent hostiles les unes envers les autres, similaire à ce qui s'est
passé dans les Balkans en Europe au cours de l'histoire, avec des conflits
ethniques et territoriaux importants.
Le Canada, bien que diversifié sur le plan
culturel, linguistique et régional, n'a pas connu le même niveau de conflits
internes et de fragmentation que les régions réellement balkanisées. Les
différences entre les provinces et les territoires du Canada sont généralement
gérées par des processus politiques et démocratiques, et le pays maintient une
unité politique et sociale relativement solide. Les régions du Canada ont leurs
propres particularités, mais elles sont en général unies par des institutions
fédérales et des valeurs communes.
Cependant, on ne peut passer sous silence la
recrudescence des tensions et des préoccupations régionales au Canada,
notamment en ce qui concerne les relations entre le Québec et le reste du pays
en raison de la question linguistique et culturelle, ainsi que d'autres
questions politiques, économiques et environnementales. Cependant, ces
différences sont généralement gérées dans le cadre du système politique
canadien.
Il est là le problème, c'est que le Canada de
Justin Trudeau gère moins qu'il ne temporise et son gouvernement tergiverse sur
des enjeux cruciaux par exemple, l'influence étrangère de la Chine, la crise du
logement ou la faiblesse des mesures mises en place pour lutter contre les changements
climatiques. Ce qui peut donner parfois l'impression parfois d'un Canada brisé
ou de plus en plus ressemblant aux Baklkans, c'est l'opposition des élites
anglophones de Toronto au Québec ou aux populations de l'Ouest et de l'Est du
Canada. Cela créé un terrain fertile au populisme prôné par Pierre Poilievre.
Le populisme, une réalité de plus en plus
canadienne
J'ai écrit souvent sur le concept des démocraties
en crise. Le Canada ne fait pas exception aux autres démocraties occidentales.
Si nous ne prenons pas conscience du danger que représente pour nous le
populisme, nous risquons de nous faire avaler par une nouvelle réalité qui
n'est pas celle souhaitée par la majorité des Canadiennes et des Canadiens et à
fortiori d'une très forte majorité de Québécoises et de Québécois.
Le populisme est un concept politique complexe et
varié qui peut prendre différentes formes dans différents pays, y compris au
Canada. Le populisme se caractérise généralement par une rhétorique anti-élite,
une critique du statu quo politique et économique, ainsi que par une prétendue
représentation des intérêts du peuple contre ceux des élites.
Au Canada, bien que le populisme ne soit pas aussi
répandu ou marqué que dans certaines autres régions du monde, il y a eu des
mouvements et des leaders politiques qui ont adopté des éléments populistes. Voici
quelques exemples concrets et pertinents. D'abord, le parti fondé par Maxime
Bernier, ancien ministre conservateur, est souvent considéré comme ayant des
tendances populistes. Le parti a adopté des positions fermes sur des questions
telles que l'immigration, le multiculturalisme et le libre-échange. Il a
cherché à attirer les électeurs mécontents du statu quo politique. Dans
certaines provinces canadiennes, il y a eu des mouvements populistes ou des
partis qui ont adopté des positions populistes pour attirer les électeurs. Par
exemple en Alberta, le Parti Wildrose (qui a fusionné avec le Parti
conservateur progressiste pour former le Parti conservateur uni de l'Alberta) a
souvent été considéré comme ayant des tendances populistes. L'élection en
Alberta de la première ministre Danielle Smith est une avancée tangible des
populistes au Canada.
Les mouvements populistes ont tendance à émerger en
réponse à des préoccupations économiques et sociales. Au Canada, des questions
telles que l'inégalité économique, l'inflation, les politiques contre les
changements climatiques, l'accès aux soins de santé, les droits des
travailleurs et l'immigration peuvent alimenter des discours populistes. Certains
dirigeants politiques au Canada, tout en n'étant pas nécessairement affiliés à
des partis populistes, ont utilisé des tactiques de communication populistes
pour se connecter avec les électeurs. Cela peut inclure des discours anti-élites,
une rhétorique simpliste et la mise en avant de solutions simples à des
problèmes complexes. C'est le cas du chef des conservateurs, Pierre Poilievre.
Ce qui nous laisse devant un choix terrible lors des
prochaines élections canadiennes, voter pour un gouvernement usé et au
leadership vacillant sur plusieurs enjeux cruciaux pour notre avenir où prendre
le risque du populisme avec Pierre Poilievre et de sa guerre contre les élites
mondialisées. L'électorat verra sa voix étouffée dans le Canada brisé de Poilievre...