La pandémie du COVID-19 a eu de réelles répercussions sur
l'environnement. Tout d'un coup les habitudes ont changé, on s'est mis à
utiliser des masques jetables (et trop souvent, ses masques ne sont pas
éliminés correctement) et on s'est tourné vers les achats en ligne pour
approvisionner son garde-manger et combler l'ennui, ce qui a augmenté les
émissions liées aux transports et à l'emballage. Mais il y avait aussi des
avantages pour l'environnement. Les gens voyageaient moins - beaucoup moins -
et les déplacements quotidiens ont été remplacés par le travail à distance dans
le monde entier. En fait, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont
baissé d'environ 2,4 milliards de tonnes en 2020 en raison des interdictions de
voyage liées au COVID, soit une baisse de 7 % par rapport à 2019. Il s'agit de
la plus importante baisse de ce type jamais enregistrée.
Si l'on peut s'attendre à ce que l'accent soit mis sur les
préoccupations sanitaires immédiates lors d'une pandémie mondiale, les
défenseurs du développement durable, comme l'ancien cadre de L'Oréal Nicolas
Krafft, affirment que le leadership en matière d'environnement est plus que
jamais nécessaire. Au contraire, dit-il, la pandémie nous a permis de revoir
notre mode de vie et de travail de manière à servir les objectifs du
développement durable à l'avenir.
Le développement durable à l'heure du COVID
L'Institute pour le leadership en matière de durabilité de
l'Université de Cambridge a récemment publié un rapport : « Les
implications de la COVID-19 pour le leadership en matière de développement
durable ». Dans ce rapport, l'institut échange avec un certain nombre de
leaders et de défenseurs en matière de développement durable sur ce que la
COVID-19 nous a appris sur la construction de la résilience économique, sociale
et environnementale, et sur la manière dont les chefs d'entreprise peuvent
s'adapter à la transformation du lieu de travail et contribuer à un avenir plus
durable.
Le rapport parle de la COVID-19 comme d'un "choc systémique". Face à
ce danger grave et présent, les gens étaient prêts à prendre des mesures
d'urgences et à accepter des changements majeurs dans leur mode de vie et une
restriction de leurs déplacements. Bien que le changement climatique n'a
peut-être pas le même effet immédiat, note le rapport, la menace imminente n'en
est pas moins réelle. Le rapport plaide pour qu'on communiquer sur le
changement climatique avec le même niveau d'efficacité : en précisant la
menace, en convainquant le public de la nécessité d'un changement de
comportement et en énonçant clairement les actions requises.
L'heure est aux idées audacieuses, et les entreprises qui adoptent des
objectifs de développement durable ambitieux et des messages percutants sont
celles qui ont le plus de chances de réussir, affirme Nicolas Krafft, ancien
dirigeant de L'Oréal.
Une entreprise s'attaque aux déchets de façon spectaculaire, en
particulier aux plastiques à usage unique. Kat Nouri, immigrée iranienne et
fondatrice de la marque d'articles ménagers Modern Twist, a réalisé que son
expertise en matière de silicone pouvait contribuer à résoudre le problème de
la pollution plastique. Elle a vu grand et a mis au point un sac en silicone
réutilisable de qualité alimentaire qui peut être utilisé au micro-ondes, au
congélateur ou dans l'eau chaude. Elle a appelé sa nouvelle entreprise Stasher.
Cette innovation audacieuse est un moyen pour les consommateurs de réduire les
quelque 300 millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année,
dont une grande partie sous la forme de plastique à usage unique. Nouri définit
la réussite d'une entreprise non seulement par les ventes, mais aussi par son
impact.
Selon M. Krafft, ce ne sont pas seulement les petites marques qui
ont la possibilité de changer de cap. Les grandes entreprises prennent
l'initiative en matière de durabilité, par la conception de produits et
d'emballages innovants, par la création de lieux de travail qui donnent la
priorité aux objectifs de durabilité (ce que la pandémie et le travail à
distance ont contribué à faire démarrer) et par des messages clairs et
convaincants.
Un autre rapport de l'institut Cambridge pour le leadership en
matière de durabilité examine 10 principes pour aligner une entreprise sur son
objectif de développement durable, en s'appuyant sur les dirigeants de quatre
grandes entreprises : DSM, IKEA, Interface et Unilever. Le rapport affirme que
cela commence par une déclaration d'intention qui rend compte de la
contribution unique de l'entreprise. Pour DSM, il est question de "créer
des vies meilleures pour tous". Pour Unilever, il s'agit de "faire en
sorte que les modes de vie durables deviennent monnaie courante".
Nicolas Krafft affirme que la déclaration d'intention devient le principe
directeur de l'entreprise. À partir de ce principe, les dirigeants peuvent
mettre en place une stratégie, fixer des objectifs et rendre compte des progrès
accomplis dans la réalisation de ces objectifs. Unilever, par exemple, a
commencé par un plan de vie durable, dont l'objectif était de faire en sorte
que les modes de vie durables deviennent monnaie courante. Ce plan s'est étendu
à Unilever Compass, qui intègre le mode de vie durable dans tous les aspects de
l'entreprise. Dans ce cadre, Unilever s'est associé à des organisations à but
non lucratif comme l'UNICEF et Save the Children pour promouvoir le lavage des
mains et l'hygiène dans le monde entier. Avec l'apparition de la pandémie de
COVID-19, ils ont intensifié leurs efforts - visant un milliard de personnes
pour le lavage des mains dans le monde. "Il s'agit d'un autre exemple
fantastique de collaboration en action", a déclaré Rebecca Marmot, responsable
du développement durable chez Unilever, "conçu pour mettre rapidement à
l'échelle des solutions pour ceux qui en ont le plus besoin."
Et les objectifs de développement durable de l'entreprise peuvent
conduire à de grands changements, tant au sein de l'entreprise que dans
l'ensemble du secteur. Dans le cadre de son initiative "Climate
Take Back", Interface a créé un parcours d'innovation pour les produits.
Le PDG a lancé un challenge de conception consistant à créer une dalle de
moquette neutre en carbone. L'équipe d'innovation a réalisé et vendu la
nouvelle dalle de moquette en deux ans, et durant le lancement du nouveau
produit, l'entreprise a annoncé que tous les produits qu'elle fabriquait ou
vendait seraient désormais neutres en carbone. Il s'agit d'un excellent exemple
de la manière dont une entreprise peut donner un véritable envol à ses
engagements en matière de développement durable et utiliser son objectif pour
stimuler l'innovation et la transformation.
Le leadership
en matière de développement durable à l'heure de la COVID
Nous avons vu comment le travail a été transformé à la suite du COVID-19,
déclare Nicolas Krafft, ancien dirigeant de L'Oréal. Et les leçons tirées de la
pandémie en matière d'adaptation à un monde en mutation sont particulièrement
pertinentes dans le contexte de la crise du changement climatique. Pour lui,
une partie de cette transformation consiste à repenser la consommation comme le
principal moteur de la réussite économique. Dans tant de nouvelles à travers le
monde, le retour à la stabilité financière est lié aux dépenses de
consommation. En Chine, les consommateurs réagissent en faisant remonter les
ventes d'articles de luxe dans ce que l'on appelle les "dépenses de
revanche".
Dans le rapport intitulé "The implications of COVID-19 for leadership on
sustainability", les auteurs notent que "nous avons besoin que les
entreprises dématérialisent la consommation et contribuent à façonner d'autres
visions de la prospérité liées à de véritables besoins sociétaux. Les
consommateurs évoluent déjà, ils ont une voix et l'utilisent de plus en plus
pour réclamer le développement durable- les entreprises doivent se conformer à
cela, rapidement."
La pandémie de la COVID-19 a exacerbé les inégalités existantes, mais elle a
également offert des opportunités. C'est le moment de réimaginer comment les
lieux de travail, les villes et les sociétés peuvent fonctionner et assurer un
avenir plus durable, dit Nicolas Krafft. Il s'agit de s'engager auprès des
communautés locales, de revoir la journée de travail classique pour offrir plus
de flexibilité, d'exploiter la technologie à bon escient, de se concentrer sur
le bien-être des employés et de contribuer à des villes plus vivables et saines
et à des zones rurales dynamiques. Pour les leaders du développement durable,
il est temps d'opérer des changements significatifs et systémiques, affirme M.
Krafft.