Jeudi dernier, le très honorable Brian Mulroney est décédé.
Une nouvelle qui a balayé toute l'actualité. Brian Mulroney a été l'un des
grands premiers ministres du Canada. Même si son bilan n'est pas reconnu à sa
juste valeur au Canada, il est pour nous Québécois le plus grand ami que le
Québec a eu comme premier ministre du Canada.
Mon associé et ami, aujourd'hui décédé, Yves Bellavance
aimait bien critiquer tous les politiciens. C'était son sport préféré qui lui
venait de son passé de journaliste. Il était cependant l'un des plus grands
admirateurs de Brian Mulroney. Il l'avait couvert pendant de nombreuses années
à Ottawa et il m'a dit un jour que Brian Mulroney était l'architecte du Canada
moderne. Aujourd'hui, l'actualité semble lui donner raison.
À la suite de son décès, Brian Mulroney reçoit des éloges
sur ses réussites comme premier ministre de partout au Canada, on reconnaît
enfin son bilan impressionnant comme premier ministre : le libre-échange
avec les États-Unis, sa volonté de réconcilier le Québec et le Canada, le
sommet de la francophonie à Québec, la fin de l'apartheid et sa lutte contre
les pluies acides. Brian Mulroney était un fin causeur et un charmeur
incontestable. Il serait heureux de voir aujourd'hui que son départ semble
avoir, pour une fois, réconcilié le Canada et ses deux solitudes si j'en crois
les manchettes du Globe de Toronto de vendredi dernier et celles des
quotidiens québécois. Il aurait même réussi à réconcilier de vieux amis comme
Lucien Bouchard et Jean Charest qui étaient sur le même plateau de télé jeudi
soir dernier à TVA. Brian Mulroney, un grand Canadien, architecte incontesté du
Canada moderne.
|banniere-article|
La vision
d'un Canada réconcilié
Pour Brian Mulroney, le rapatriement unilatéral de la
constitution canadienne en 1982 par le gouvernement libéral de Pierre Elliott
Trudeau était un affront inacceptable au Québec et une blessure pour le Canada.
Il s'est fait élire premier ministre du Canada en 1984 en promettant de
réintégrer le Québec dans le Canada dans l'honneur et l'enthousiasme. Il a
ainsi contribué à faire de René Lévesque, le souverainiste, un adepte du beau
risque qu'il représentait pour l'avenir du Québec et du Canada. Le reste de
l'histoire est connu. Brian Mulroney a réussi à faire signer une entente par
toutes les provinces canadiennes et territoires non pas une fois, mais deux
fois.
Malgré ses efforts, Brian Mulroney a vu les trahisons
s'accumuler et l'accord du lac Meech n'a pas été ratifié en temps voulu. Cet
échec de Meech s'est traduit par l'isolement du Québec au sein de la famille
canadienne et depuis plus aucune initiative de nature constitutionnelle n'est
possible en ce pays qui est condamné à vivre avec une constitution qui refuse
d'évoluer et qui devient en quelque sorte une camisole de force qui empêche le
Canada de se réconcilier avec lui-même. Aujourd'hui, beaucoup de ne souviennent
pas de Meech, mais cet échec constitutionnel pèse encore lourdement sur
l'avenir de ce pays et vient rendre difficile toute tentative de réformer le
pays. Il reste que Brian Mulroney a laissé derrière lui de nombreux orphelins
de Meech.
Un
progressiste-conservateur
Brian Mulroney était une drôle de bibitte politique.
Conservateur de droite, il était aussi un défenseur de grandes causes
progressistes de son époque. Il a été l'un des premiers hommes politiques de
l'époque moderne à prendre à bras-le-corps la question aujourd'hui centrale de
l'environnement. Il est parvenu à une entente inespérée avec les États-Unis sur
les pluies acides et il a été responsable de la signature par le Canada en 1992
du premier traité sur la lutte aux changements climatiques.
En juin 1992, à Rio de Janeiro
(Brésil), la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, connue sous le nom de Sommet « planète Terre », a adopté une
déclaration qui a fait progresser le concept des droits et des responsabilités
des pays dans le domaine de l'environnement. La Déclaration de Rio sur l'environnement
et le développement témoigne de deux grandes préoccupations apparues pendant l'intervalle
de 20 années séparant ces deux conférences : la détérioration de l'environnement,
notamment de sa capacité à entretenir la vie, et l'interdépendance de plus en
plus manifeste entre le progrès économique à long terme et la nécessité d'une
protection de l'environnement.
Brian Mulroney s'est aussi distingué par son rôle majeur
dans la lutte contre l'apartheid. En décembre 1984, Brian Mulroney accueille à
Ottawa le prix Nobel de la paix, l'évêque sud-africain Desmond Tutu. En 1985,
Brian Mulroney fait un discours remarqué à l'ONU contre l'apartheid. Un
discours remarqué et remarquable qualifié d'inhabituel pour un leader blanc du
bloc occidental. Brian Mulroney en fera un combat et il réussira à convaincre,
non sans mal, la première ministre britannique de l'époque, Margaret Thatcher,
de lui laisser le champ libre pour mettre fin à ce régime. Il aura réussi son
pari et sa contribution à la fin de ce régime inique est reconnue par le monde
entier dont par Nelson Mandela qui a tenu à faire son premier discours après sa
libération de prison au parlement canadien.
Brian Mulroney est aussi l'architecte du Canada moderne
grâce à la conclusion d'un traité de libre-échange avec les États-Unis qui est
devenu par la suite le traité de l'ALENA et par la création de la TPS, la
nouvelle taxe sur les produits et les services. Il a aussi été responsable de
la création de l'Agence spatiale canadienne.
|banniere-article|
L'humaniste
Brian Mulroney était aussi un humain charmant. Celles et
ceux qui ont été ses députés et les membres de son parti peuvent témoigner
qu'il se souciait toujours de chacun d'eux. Quand l'un d'entre eux traversait
une période difficile, il retrouvait Brian Mulroney dans leur téléphone pour
leur remonter le moral. En ce début de chronique, je vous parlais de mon
associé et ami Yves Bellavance. Dans les dernières semaines de sa vie alors
qu'il luttait contre le cancer, Yves avait reçu un appel de Brian Mulroney. Vous
auriez dû voir le bonheur dans ses yeux lorsqu'il m'a raconté avoir reçu cet
appel. Brian Mulroney était un fin causeur et un humaniste.
Il était aussi parfois un peu retors. Je me rappellerai
toujours le jour où à Sherbrooke, il était venu faire un discours pour défendre
l'accord de Charlottetown. Organisateur de l'événement, monsieur Mulroney me
demande en coulisse avant son intervention de lui trouver une copie papier du
projet d'entente. Je lui trouve et Brian Mulroney entre en scène. Il fait un
discours enflammé, montre le projet d'entente et le déchire dans un moment de
colère irlandaise. Il affirme alors que c'est cela que veulent faire les adversaires
de l'entente déchirer le Canada. Son allocution terminée, je le retrouve en
coulisse et il me fait un clin d'œil et me demande : « penses-tu que
j'étais assez bon pour faire les bulletins de nouvelles ? » Avant même que j'aie
eu le temps d'y répondre quoi que ce soit, il me lance Daniel, tu es un grand
Canadien et il s'en va faire un discours dans une autre région. On ne peut pas
rencontrer un homme comme Brian Mulroney et ne pas tomber sous son charme.
Brian Mulroney a été un géant dans l'histoire canadienne. Il
n'a jamais craint d'utiliser son capital de sympathie pour faire avancer le
pays. Il ne faisait pas de la politique pour les mauvaises raisons. Il voulait
vraiment transformer et améliorer notre pays. Architecte du Canada moderne,
Brian Mulroney fut beaucoup plus qu'un Irlandais charmeur...