On reconnaît la lourdeur d'une tendance linguistique à la fréquence de son utilisation. Malheureusement, je constate une tendance lourde lorsqu'il est question du mot « fucking ».
Désespérant, parfois, les tendances...
Je n'ai pas ce qu'il faut pour faire une longue analyse historique, mais par la lorgnette de mon passé, c'est-à-dire au gré des 56 dernières années, je constate que plusieurs tentatives ont été faites pour trouver un mot qui résumerait tout.
Par exemple, on a essayé de regrouper les choses sous une appellation unique, mais non contrôlée. Donc, l'affaire, la chose, le (ou la, pourquoi pas!) gugusse, le bidule, la patente, le cossin ont, tour à tour (et parfois dans la même phrase), tenté de regrouper tous ces items qui pourtant ont un nom qui leur est propre.
On conviendra qu'il faut absolument être sur place et bien saisir le contexte du narrateur pour comprendre une phrase comme : « Le taouin, y a pris le cossin rond pis y a essayé de le faire fitter dans la patente carrée, faque ça a forcé la gugusse en plastique pis là, y perd de la pression, faque le bidule marche pus. Des fois, j'te dis, y réfléchit fucking pas...»
Mettons tout de suite quelque chose au clair : je ne suis pas un puriste. Je glisse souvent des mots passe-partout dans mes phrases. J'aime beaucoup ajouter de la couleur à mes énoncés. Au nom de cette couleur, je me permets plein de petites incartades plus ou moins bénignes.
Je comprends aussi la grande différence entre ce qui est écrit et ce qui est parlé. Ces temps-ci, j'essaie de corriger mes «à matin» et «à soir» qui sortent automatiquement et s'insèrent aisément dans mes phrases quotidiennes.
Je vous dis tout cela parce que je ne souhaite pas une langue parfaite et tellement épurée que la couleur des nuances et des humeurs disparaîtrait du discours au profit de la pureté du langage.
Mais il y a des fucking limites...
Parce que là, la tendance lourde est au mot fucking. Il sert à mettre de l'agressivité dans une phrase, il vient décrire une situation donnée. Le mot fucking qualifie le bonheur, le malheur, l'agressivité et la colère. Et quoi d'autre encore?
C'est tellement fucking vrai, qu'on en vient à souhaiter que tous les fucking dictionnaires établissent le mot fucking comme synonyme universel. Dans le fond, si j'utilise ce fucking mot à toutes les sauces, s'il devient tellement universel que tout passe par lui, le correcteur automatique de mon téléphone dit intelligent me le proposera tous les deux mots et je sauverai pas mal de fucking temps. Temps, en passant que je n'ai fucking pas !
Avec le fucking vient une attitude. L'attitude de celui qui élève une barrière autour de lui. Qui cache sa paresse de la recherche du mot juste et de l'expression correcte derrière un mur de phrases toutes prêtes qu'il vomit à quiconque le questionne : «C'est tellement fucking inutile d'apprendre tous ces mots! Fucking pédant, aussi! Je peux-tu faire ma fucking vie comme je le veux? Tes fucking questions sont fucking gossantes... »
Ah, tiens! C'est plus clair...
Je ne suis pas contre la couleur des mots et des expressions dits régionaux. Pas du tout. Même que cette couleur nous nourrit de ce que sont les gens. Mais j'en ai contre la pauvreté intellectuelle ainsi encouragée.
Je n'ai rien contre le langage presque codé des textos. Se battre contre des moulins à vent est inutile. Mais il faut que ça demeure un langage pour une situation X et que toute la vie ne soit pas incluse dans cette situation X...
Apprécier l'utilisation des mots justes et essayer de comprendre d'où ils viennent, c'est alimenter son esprit, lui donner des outils de rigueur et d'appréciation de la différence.
Je ne crois pas aller trop loin en disant que l'appauvrissement du vocabulaire contribue à faire des citoyens moins allumés, moins ouverts et moins compréhensifs. Surtout, des citoyens qui refuseront de faire un effort de compréhension des enjeux.
Dit autrement, c'est fucking important...
Clin d'œil de la semaine
Trump est un fucking président...