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Faire des vagues et créer un tsunami…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 27 juillet 2022      

C'est comme si ce n'était pas assez. Être aux prises avec une septième vague de COVID-19 c'est plus qu'il n'en faut à nos pauvres esprits, pas besoin d'en rajouter avec ces goujats de la pire espèce qui ne cessent de se manifester ces jours-ci dans notre espace public. Ces hommes qui cultivent l'idée que le corps des femmes( et des hommes...Boisclair) n'est qu'un objet sexuel. Le dossier s'épaissit : Boisclair l'ancien chef du PQ déchu, les jeunes hockeyeurs d'équipe Canada qui s'adonnent à la pratique du viol collectif et observent l'omerta et cet énergumène Philippe Bond qui multipliait les comportements sexuels douteux dans les milieux de travail qu'il fréquentait. Pendant ce temps, les commentaires sur les réseaux sociaux se multiplient. Les gérants d'estrade se font juges et nous encombrent de leurs commentaires. Outre les apôtres de la bien-pensance, on y retrouve aussi des inconscients qui se font les démiurges de la culture du viol. On dénonce imaginez, ces femmes qui brisent des carrières avec leur prise de parole. Cela dépasse l'entendement. Il est temps que cela change et que l'on prenne collectivement  tous les moyens nécessaires pour réprimer cette recrudescence de comportements qui nient aux femmes le droit à une vie normale digne de ce nom. Il est anormal que les femmes et les jeunes femmes vivent dans la peur d'être victimes de prédateurs sexuels. Je dis les femmes, car même s'il est possible que des hommes soient victimes de tels comportements, il n'en demeure pas moins que c'est l'inverse qui semble la règle.

Utiliser les bons mots

Au Québec, c'est connu, nous n'aimons pas les chicanes et les querelles. C'est un trait de caractère de cette nation largement dominée dans son histoire. Cela est-il conséquent à notre incapacité à nommer les choses par les bons mots ? Je ne le sais pas. Ce que je note cependant c'est que nous éprouvons beaucoup de mal à nommer les choses par leurs noms. Ainsi, on refuse de reconnaître qu'il existe chez nous, comme ailleurs dans le monde, quelque chose qui ressemble à de la discrimination systémique. Le débat quant aux membres des nations autochtones est inutile. Le Canada a des politiques vieillottes et périmées à l'endroit des nations des Peuples Premiers. Nous avons à l'endroit des membres des nations autochtones une politique digne de l'apartheid en Afrique du Sud. Pensons-y, des communautés de ces nations n'ont pas accès à de l'eau potable, ils sont emprisonnés dans une proportion qui défie notre élémentaire sens de l'humanité et on se refuse encore à reconnaître qu'ils sont victimes de discrimination systémique. Heureusement, le pape François va se repentir au nom de son Église...

Bien sûr, la main sur le cœur de bonnes âmes comme notre premier ministre canadien plaident pour eux, mais la situation s'améliore à pas de tortues. On a pris l'habitude dans les événements publics de reconnaître que nous vivons sur des territoires non cédés, la belle affaire ! Qu'attendons-nous pour leur remettre leurs territoires spoliés ? Certes, il est peu réaliste d'imaginer que les colonisateurs et leurs héritiers de sang disparaissent du jour au lendemain de la surface de la Terre. Il ne sera donc jamais question de leur redonner leur territoire et de les quitter. Tous s'entendront là-dessus, mais cela ne devrait-il pas nous mener à de vraies négociations d'égal à égal entre les peuples concernés ? Soit dit en passant, outre les Peuples Premiers, il y a aussi d'autres nations au Canada comme la nation acadienne et la nation québécoise. Mais au pays des fanfreluches, il n'y a de place que pour les mots vides de sens et peu de motivations à l'action.

Ce qui est vrai pour le problème irrésolu jusqu'à ce jour des Peuples Premiers est tout aussi vrais en matière de lutte aux changements climatiques ou encore, le sujet principal de cette chronique, de gestes significatifs pour éradiquer la culture du viol de notre société. Il existe bel et bien une culture du viol...

La culture du viol

Apparu aux États-Unis dans les années 1970, le concept de la culture du viol est issu de la seconde vague du mouvement féministe américain plus précisément au sein de la frange du féminisme radical. Ce qui explique que l'on manipule ce concept avec soin. Pourtant, la réalité est implacable. Il existe au sein des sociétés occidentales quelque chose qui mérite d'être nommé culture du viol. Bien sûr, tous les hommes ne sont pas des violeurs entend-on à raison. N'empêche que notre bagage culturel et nos valeurs sont instrumentalisés par de fausses croyances à l'égard des femmes et des relations de celles-ci avec les hommes.

En fait, la culture du viol est un concept sociologique utilisé pour qualifier un ensemble d'attitudes et de comportements partagés au sein d'une société donnée qui minimisent, normalisent voire encouragent le viol. Cette culture, comme les autres usages sociologiques du terme culture, renvoie à l'idée que dans une société donnée, les gens partagent des idées, des croyances et des normes sociales. C'est ce qui explique que l'on retrouve des commentaires sur l'affaire Bond qui accusent les femmes qui ont dénoncé de briser des carrières. C'est aussi ce qui explique que lorsque l'on insulte des femmes qui exercent un métier public comme journalistes ou polticiennes par exemple, on voit apparaître rapidement des insultes comme salope, mal baisée et j'en passe.

Nous refusons de nommer l'existence d'une telle chose pourtant. La preuve qu'il existe une culture du viol au Québec c'est le refus systémique de nommer les choses par leur nom. Je ne dis pas que rien n'est fait et que des progrès n'ont pas été accomplis depuis les dix dernières années. Je trouve seulement que cela prend beaucoup de temps. Vivement les tribunaux spécialisés et toutes les mesures qui encouragerons les victimes à dénoncer leurs agresseurs. Nous en sommes. Il faut cependant aller plus loin et plus vite. Il faut une prise de conscience radicale dans notre société et tout particulièrement chez les hommes. Par exemple, la question de l'avortement n'est pas une question morale et de choix, mais plutôt un des éléments de cette culture qui laisse penser que les femmes n'ont pas le droit de disposer de leur corps et que d'autres, hommes et femmes, s'arrogent le droit de décider pour elles. La culture du viol c'est plein de petits gestes qui font que l'on considère les femmes comme des objets, que l'on banalise la question du consentement ou encore que l'on s'efforce de caractériser une victime par son apparence, ses comportements ou son parcours personnel. Abuser d'une femme sous le prétexte que par exemple c'est une travailleuse du sexe n'est pas recevable comme argument. Même si j'ai affirmé plutôt dans cette chronique que la culture du viol faisait surtout des victimes chez les femmes, ce n'est pas tout à fait exact, car les hommes ou les enfants peuvent aussi en être victimes. En fait, la culture du viol c'est avant tout une question de pouvoir et d'abuseurs. Vivement alors l'idée de dénoncer les abuseurs et d'éduquer nos enfants. Il ne faut pas s'offusquer de ces victimes qui brisent des carrières comme le disent certains, mais souhaiter que nous pussions joindre nos voix à ces victimes,  faire des vagues et créer un tsunami...


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