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  CHRONIQUEURS / L'Agora

Le noir et le blanc

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 18 novembre 2020      

L'Estrie a rejoint les autres régions du Québec dans la vallée du Saint-Laurent et est passée au code rouge. Ces deux dernières semaines, les cas de COVID-19 se multiplient avec toutes les conséquences sur notre vie quotidienne. Malgré la bonne nouvelle de l'arrivée prochaine d'un vaccin, nous ne pouvons envisager un retour à la vie normale avant la fin de l'année 2021 voire même au printemps 2022.

Pendant que notre attention est captée par cette pandémie, la vie continue et d'autres problèmes restent cachés de notre écran radar. Le dossier de la langue française, la gestion de la politique d'immigration, la réforme de nos institutions démocratiques et la loi sur la laïcité ne sont que quelques sujets qui sont dans l'actualité, mais qui ne font pas l'objet des débats habituels. Il faudra en revenir de la pandémie et apprendre à vivre avec la présence de cette dangereuse maladie qui vit avec nous depuis près de huit mois. Réflexions sur la vie ordinaire en marge d'une crise sanitaire qui n'en finit plus de finir.

La vie...

Qu'en est-il de vos vies en ce moment ? Vos amis sont-ils encore parmi vous ? Voyez-vous les membres de votre famille régulièrement ? Vos collègues de travail sont-ils encore un lien de socialisation alors que vous êtes en télétravail ? Vos habitudes de consommation sont-elles les mêmes ? Que faites-vous pour vous divertir alors que les lieux habituels sont fermés comme le cinéma, le théâtre, les spectacles, les gymnases ? Depuis que l'Estrie est passée en zone rouge, notre vie a changé pour une simple couleur. Plus de restos, plus de cinéma, plus d'entraînement au gym. Pas étonnant que les pouvoirs publics s'inquiètent de la santé mentale des Québécoises et des Québécois. Nous sommes condamnés à vivre dans une toute petite bulle de socialisation soit celle des gens avec qui nous habitons à la même adresse. Excellent moment pour réaliser si nous avons fait les bons choix et si les gens avec qui nous habitons sont les personnes les plus importantes pour nous. Il faut garder le cap et savoir faire preuve de résilience si l'on veut passer au travers de cette incroyable épreuve. On peut chiquer la guenille, crier à l'aide des thèses de complot à l'injustice et pleurer sur nos libertés perdues arrachées par le méchant gouvernement. Cela ne changera pas la progression de la maladie ni les décès qui l'accompagnent. On peut faire avec comme on dit et essayer de voir dans cette situation une occasion pour faire autrement les choses dans notre vie quotidienne. On peut se réinventer une vie avec la pandémie...

Se réinventer...

La première chose que l'on peut se faire pour se remonter le moral c'est de se comparer avec les autres. Si nous nous comparons avec les États-Unis, la France, la Suisse et les autres pays du monde, on peut se féliciter du fait que nous semblons pour le moment mieux contrôler la diffusion de cette maladie parmi nous. Au prix de grands sacrifices et de notre vie sociale, me direz-vous. C'est exact. Néanmoins, il semble que nos sacrifices en valent le coup si nous réussissons à éviter l'effondrement de notre système de santé.

On peut aussi se réjouir du fait que plus de 90 % de nos jeunes fréquentent l'école et ont une vie plutôt près de la normalité même si cela n'est pas idéal. Je suis de ceux qui partagent la volonté du gouvernement Legault de tout faire pour permettre aux jeunes de fréquenter l'école. L'enfance, l'adolescence surtout, sont d'importants moments de socialisation qui sont formateurs de ce que nous devenons en grandissant. Ces moments sont irremplaçables dans une vie. Il faut donc tout faire pour maintenir nos enfants à l'école.

Notre rapport au travail se modifie. Nous pouvons maintenant travailler à distance grâce au télétravail et nous apprenons deux choses de cette expérience. La première c'est que nous pouvons faire preuve d'une aussi grande productivité à distance que sous la surveillance d'un patron. Ce qui est une bonne chose pour celles et ceux qui prônent une gestion des ressources humaines qui favorise l'autonomie et l'autonomisation. Puis, nous pouvons également placer le travail à la bonne place dans nos priorités de vie. Le travail n'est pas tout dans la vie et nous vivons une période propice pour remettre cela en perspective.

Un autre pan de notre vie est remis en question, c'est celui de la consommation. Nous sommes obligés d'apprendre que dans la vie il n'y a pas que l'argent et les biens de consommation. Les rapports humains sont plus importants. La pandémie a eu l'effet de nous obliger à modifier nos habitudes de consommation et à privilégier l'achat local. Ce sont des habitudes à cultiver. Tout comme celle de préparer ses repas avec des produits de qualité plutôt que de manger une cuisine industrielle.

La plus grande perte occasionnée par cette pandémie c'est la disparition des arts vivants de notre vie. Les arts vivants que sont les spectacles sur scène de musique, de danse ou encore de théâtre sont mis au rancart et cela est une perte que l'on ne peut combler facilement. Il faut se dire que cela va revenir un jour et en attendant nous pouvons nourrir notre imaginaire en lisant des romans, des essais et des pièces de théâtre. On peut même expérimenter des expériences de radio-théâtre ou de captation de spectacle. Cela ne remplace pas les arts vivants, mais le succédané peut nous aider à patienter en attendant le retour de ces arts dans nos vies.

Vivre avec...

Le plus important demeure à mes yeux le fait que nous devons apprendre à vivre avec la présence ce virus parmi nous. Comment me demanderez-vous ? Ici, les réponses sont multiples et varient d'individu à individu. Utiliser les communications virtuelles pour maintenir nos relations avec nos amis, réaliser des projets que nous avons toujours remis à cause d'un manque de temps et surtout prendre l'habitude de vivre en société en maintenant une distanciation sociale de deux mètres, porter un masque et avoir des habitudes hygiéniques irréprochables. Il faut surtout s'oxygéner l'esprit en pensant à autre chose. Cesser de fréquenter les médias continus qui ne cessent de nous marteler les mauvaises nouvelles et chercher la quiétude dans la beauté de l'art, de la musique et de la lecture. Ceux qui sont habitués à cette chronique savent que je suis un lecteur boulimique. Je vous confie un secret, jamais je n'ai été aussi heureux de vivre mon rapport à la lecture, jugé anormal par plusieurs, qu'en ce temps de pandémie. Mon secret à moi pour garder le moral c'est de vivre cette pandémie en noir et blanc...



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