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Liberté de parole, liberté d’expression, l’affaire Kimmel : les voix qui célèbrent nos idées

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Photo : capture d'écran ABC
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 1 octobre 2025      

Les éditions Lux ont publié ces jours derniers la traduction d'un ouvrage de l'anthropologue d'origine haïtienne Michel-Rolph Trouillot. Intitulé Faire taire le passé. Pouvoir et production historique, ce livre est un classique des sciences sociales et qui a été publié en 1995. Dans cet ouvrage, Trouillot s'interroge sur l'histoire et demande pourquoi certains faits sont ignorés, censurés ou étouffés, tandis que d'autres sont retenus, magnifiés et amplifiés. Il cherche à expliquer les silences de l'histoire et considère que l'histoire est une construction du pouvoir et que sa marque suprême est l'invisibilité. Pour illustrer son propos, il se sert d'exemples comme l'épisode de Fort Alamo, le récit épique des grandes découvertes dont Colomb est le héros ainsi que de la révolution haïtienne qui fut en fait une révolte d'esclaves. Le pouvoir produit d'abord et avant tout des silences qui font taire le passé.

Tout cela pour écrire que jamais dans l'histoire, nous avons assisté à une opération qui consiste à faire taire les voix dissidentes aussi transparentes que celle que nous donne à voir le président des États-Unis d'Amérique, Donald J. Trump. L'affaire Kimmel est un révélateur incontestable de la mise à mort de la liberté d'expression aux États-Unis par son président. Regardons cela de plus près.

Liberté d'expression, valeur-phare de l'Amérique

La liberté d'expression est souvent décrite comme l'un des piliers fondamentaux des sociétés démocratiques. Elle permet à chaque individu d'exprimer ses pensées, opinions et croyances, quelle que soit leur nature. Toutefois, chaque fois qu'un débat sur la liberté d'expression émerge, comme dans l'affaire Kimmel, on constate que le concept est plus complexe qu'il n'y paraît. Bien que les États-Unis et le Canada, comme d'autres démocraties, promeuvent cette valeur, l'application de ce principe varie considérablement en fonction des idées et des convictions exprimées. Ce décret soulève une question essentielle : sommes-nous vraiment capables de valoriser les idées que nous haïssons ?

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Cette chronique se propose d'explorer la nature de la liberté d'expression, ses limites et la tension entre l'acceptation des idées contraires et le rejet des discours jugés inacceptables. Nous examinerons également les implications de cette dynamique sur nos sociétés actuelles.

La liberté d'expression : définition et importance

La liberté d'expression est généralement définie comme le droit de communiquer librement ses pensées, ses opinions et ses croyances sans craindre la répression par l'État ou d'autres entités. Ce droit est inscrit dans de nombreuses constitutions, y compris le premier amendement de la Constitution des États-Unis et l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Au cœur de cette notion se trouve l'idée que le débat et la confrontation d'idées sont essentiels à l'évolution de la société. Cependant, cette liberté n'est pas absolue, elle est souvent limitée pour prévenir les discours de haine, la diffamation ou l'incitation à la violence. Ces limitations soulèvent des questions sur qui détermine ce qui est acceptable et sur les critères qui encadrent ces jugements.

Les sociétés démocratiques ont construit leur fonctionnement sur le socle de la liberté d'expression. C'est ce qui donne voix aux citoyens, leur permettant de contester le pouvoir, de revendiquer des droits et de contribuer à un débat public riche et diversifié. La liberté d'expression est ainsi essentielle pour le bon fonctionnement d'une démocratie, car elle permet une diversité d'opinions qui peut être en désaccord avec l'autorité en place.

Néanmoins, ce droit peut être mis à l'épreuve lorsque des discours violeurs ou provocateurs sont exprimés. Cette tension entre la protection des mots et l'éventuelle sécurité des communautés témoigne des défis que pose l'acceptation de l'ensemble des idées, notamment celles que l'on désapprouve ou celles qui suscitent la haine. L'affaire Kimmel illustre cette problématique où les valeurs de liberté et de tolérance s'entrechoquent.

L'affaire Kimmel : un cas d'étude

L'affaire Kimmel illustre bien les tensions qui existent autour de la liberté d'expression. En effet, lorsque des personnalités publiques ou des comédiens expriment des opinions controversées, ils peuvent s'attirer les foudres du public et de la critique. Dans ce contexte, il est crucial de se demander jusqu'où s'étend le droit à l'expression de ses opinions, notamment lorsqu'elles sont jugées offensantes ou inappropriées.

Les réactions du public à des discours controversés révèlent souvent une inclination à défendre la liberté d'expression, mais uniquement dans le cadre d'opinions qu'ils partagent. Lorsqu'il s'agit d'idées que l'on n'approuve pas, le vent tourne rapidement vers la censure, la dénégation, voire l'ostracisme. Ce phénomène souligne la nature sélective de notre tolérance envers les discours, où l'on défend plus ardemment les idées que l'on soutient.

Cela soulève la question : la liberté d'expression est-elle vraiment un principe universel ou est-elle conditionnée par notre adhésion à certaines idées et à certaines valeurs ? Il est impératif de se pencher sur le fait que le véritable test de la liberté d'expression réside dans notre capacité à tolérer et à débattre des points de vue que nous rejetons.

Bien que la liberté d'expression soit un droit fondamental, elle n'est pas sans limites. Les discours de haine et l'incitation à la violence sont souvent cités comme des exemples de l'inacceptable. Ces limites, bien qu'elles visent à protéger les individus et les groupes vulnérables, suscitent un débat conséquent sur ce qui est jugé acceptable ou non.

Les limites de la défense de la liberté d'expression

Qui décide des limites de la liberté d'expression ? Cela pose la question de la subjectivité. Les sociétés sont par nature diversifiées, et les normes culturelles, religieuses et politiques peuvent influencer les perceptions du discours approprié. Dans ce contexte, la question du « discours de haine » est particulièrement complexe. Les groupes minoritaires souvent visés par des discours de haine peuvent revendiquer la nécessité de limiter la liberté d'expression pour protéger leur intégrité et leur sécurité.

La censure, qu'elle soit auto-imposée ou institutionnelle, peut entraîner des conséquences néfastes. Elle peut étouffer le débat public, empêcher l'émergence de nouvelles idées et, finalement, affaiblir la démocratie elle-même. L'histoire a montré que la censure ne prévient pas nécessairement la propagation d'idées extrêmes, mais la refoule plutôt dans le silence, ce qui peut la rendre encore plus virulente.

Les conséquences de cette dynamique peuvent être observées dans des débats contemporains, y compris ceux concernant le racisme, le sexisme et d'autres formes d'inégalités. Les individus qui expriment des idées sur la supériorité raciale, par exemple, soulèvent des débats passionnés concernant le droit à l'expression par rapport à la nécessité de protéger les groupes défavorisés. Cela pose la question clé : est-il possible de critiquer le discours de haine tout en protégeant la liberté d'expression ?

Au fond, la capacité à tolérer les idées contraires est profondément ancrée dans notre nature humaine. Les êtres humains sont souvent prêts à défendre leurs idées et à rejeter celles qui les contrarient. Ce phénomène psychologique est également amplifié par la polarisation des opinions dans notre société contemporaine, où les réseaux sociaux jouent un rôle central dans la formation et l'expression des opinions.

La polarisation sociale et politique rend la tâche de valoriser les idées contraires encore plus ardue. Les communautés se regroupent autour de croyances partagées, et les voix dissidentes peuvent être perçues comme des menaces. Ainsi, les discussions sur des sujets controversés deviennent souvent des batailles où la victoire du camp opposé est inacceptable, conduisant à une réduction du débat constructif.

Il est essentiel d'encourager un environnement où les individus sont capables de remettre en question leurs propres convictions et d'aborder les idées des autres avec une approche ouverte. Cela nécessite une culture de respect et une volonté d'écouter des perspectives différentes, même si elles peuvent être difficiles à supporter.

Faire taire, les silences utiles pour le pouvoir...

La liberté d'expression est une valeur fondamentale des sociétés démocratiques, mais elle est entourée de complexité et de contradictions. L'affaire Kimmel met en lumière les défis auxquels nous sommes confrontés, notamment notre capacité à entendre les idées que nous haïssons. La lutte pour la liberté d'expression n'est pas simplement celle d'exprimer des opinions que nous partageons, c'est aussi celle d'accepter que d'autres puissent penser différemment, même lorsque ces pensées sont déplaisantes.

Dans un monde de plus en plus polarisé, il est crucial d'adopter une approche qui favorise le dialogue et la compréhension. Plutôt que d'appeler à la censure, nous devrions encourager le débat, l'écoute active et la critique constructive. La véritable mesure de notre attachement à la liberté d'expression réside dans notre capacité à accueillir des idées, même celles qui nous dérangent. Seules ainsi, nous pourrons véritablement bâtir des sociétés où tous les discours, même les plus controversés, peuvent trouver leur place. Il faut aussi comprendre, d'où ma référence au début de ce texte à l'essai de Trouillot, que les silences sont partis même de la constitution des pouvoirs dans nos sociétés et faire taire les voix dissidentes est une entreprise constante des détenteurs de pouvoirs. La seule différence avec l'affaire Kimmel c'est que Donald Trump est d'une grande transparence. Il ne se gêne pas pour nous dire ouvertement que la liberté d'expression n'est que les voix qui célèbrent ses idées.



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