Je suis amateur de musique. De chansons, plus précisément. Mes horizons sont assez vastes pour susciter des airs de surprise dans le regard de celui qui jette un œil sur les listes de lecture de mon lecteur numérique.
Au fil des écoutes, je réalise qu'un des aspects qui me rejoint le plus est celui de l'interprétation. Tant musicale que verbale. Avoir devant soi une partition musicale, c'est une chose. Lui donner vie par une interprétation sentie et bien adaptée, cela fait une différence.
J'ai dit il y a bien longtemps à mes fils qu'une des plus probantes « livraison » chantée d'un texte a été faite par Gilbert Bécaud. Le texte de la chanson « Je reviens te chercher » n'est pourtant pas si spectaculaire. Pour moi, le paroxysme survient dans les phrases suivantes : « ...un taxi est en bas qui attend...je reviens te chercher! » Lu de même, ce n'est pas la trouvaille du siècle. Mais entendues façon Bécaud, les phrases procurent une chair de poule pas pire! Mais bon il vous faudra l'entendre pour saisir le tout...
Une autre chanson de Bécaud me revient en tête : « L'indifférence ». « Elle te tue à petits coups, l'indifférence, tu es l'agneau, elle est le loup, l'indifférence. Un peu de haine, un peu d'amour, mais quelque chose! » À l'écoute, c'est un cri du cœur. Un peu de haine, un peu d'amour, mais, baptême, quelque chose! Pas juste cette moue molle (une moue molle, c'est mou, ça, madame!) qui caractérise tellement notre petit monde du chacun pour soi.
Dans « indifférence », il y a le mot différence. Je peux faire une différence en ne faisant rien, c'est l'indifférence. Ou j'enlève les deux premières lettres et je pose un geste. Ça devient une différence. Qui peut être même très positive!
Deux exemples. Volontairement, je ne complète pas les noms des gens. Je souhaite que les exemples demeurent généraux.
Au secondaire, un de mes professeurs de français était M. Charest. Un chic bonhomme pas beaucoup plus vieux que nous. Un amoureux de la langue française. Un homme calme et sûr de lui. M. Charest nous demande d'écrire un texte sur un sujet X. Je ne me souviens plus du contexte précis, mais je me souviendrai toujours de la fin de l'histoire. Je soumets un texte où j'écris ceci: « Architecte de son état, monsieur Untel... »
Quand mon texte est revenu de la correction, M. Charest m'a indiqué une erreur. Les mots « de son état » ne convenaient pas. Je n'allais pas me laisser faire comme cela, je lance mon argument massue : « Gilles Vigneault, dans un texte, dit « Me v'là chômeur de mon état, je m'appelle Ti-cul Lachance ». Sauf votre respect, c'est quand même Gilles Vigneault! »
La différence arrive précisément à ce moment de l'histoire...
« Dans le contexte d'aujourd'hui, tu ne peux pas formuler ton texte comme ça. » Après une explication technique, il ajoute : « Vigneault, dans ce cas, joue avec les niveaux de langage. Et des niveaux, il y en a plusieurs! En plus, Vigneault est un poète. Il joue avec les mots, leur prête des couleurs et des textures qui donnent une émotion à la phrase. La langue permet tout ça, pour peu qu'on en maîtrise la base. Aujourd'hui, on travaille la base. »
C'est une citation de mémoire. Mais je me souviens que cette journée-là, quelque chose s'ouvrait devant moi. Une ouverture sur l'écriture qui n'allait pas s'éteindre de sitôt.
M. Charest a fait une puissante différence dans ma vie en prenant le temps de m'expliquer. Pourtant, il n'a probablement aucune idée de l'impact de sa réponse. Et il avait peut-être 3 chances sur 4 de ne pas faire une grande différence. Mais, tel un semeur, il a pris le temps, en se disant que cela pourrait peut-être donner quelque chose.
De la même façon, Mathieu est un semeur. Il me fait penser un peu à M. Charest. Il ne m'a pas enseigné. En forçant, je pourrais être son père! Plusieurs personnes de mon entourage l'ont eu comme prof et cela ne fait pas de doute: il applique le concept de la différence.
Comme plusieurs de ses collègues, cela dit.
Sans que les choses ne soient nommées, Mathieu et les autres contribuent à faire de leurs élèves des gens allumés. Et, pour moi, être allumé, c'est le principal antidote à l'indifférence.
Cette semaine, Mathieu disait : « Un élève qui arrive à son examen de maths de fin d'année avec une veste de sauvetage en disant qu'il ne veut pas couler, c'est drôle en ta... Bravo."
Pour moi, il est clair que, dans l'entourage de cet élève, il y a des gens qui ne favorisent pas l'indifférence.
Les profs ont un rôle à jouer. Nous tous aussi.
L'indifférence, c'est décider de ne pas prendre (ou perdre, dirait-on) de temps pour aller un petit plus loin. Faire une différence, c'est l'inverse. Et ça, c'est à notre portée!
Et on ne sait jamais à quel point on peut faire une différence!
Clin d'œil de la semaine
En mathématiques, la différence est le résultat du moins. Dans la vie, c'est le contraire...