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Entre deux joints

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Photo : D’abord, il faut rappeler que la plante dont il est question a été cultivée dans les temps les plus reculés de l’histoire des hommes.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 20 septembre 2017      

« Ent'deux joints tu pourrais faire qu'qu'chose
Ent'deux joints tu pourrais t'grouiller l'cul
Ta sœur est aux États-Unis ton frère est au Mexique
Y font d'l'argent là-bas pendant qu'tu chômes icitte
T'es né pour un p'tit pain c'est ce que ton père t'as dit
Chez les Américains c'pas ça qu't'aurais appris
Ent'deux joints tu pourrais faire qu'qu'chose
Ent'deux joints tu pourrais t'grouiller l'cul
Ent'deux joints tu pourrais faire qu'qu'chose
Ent'deux joints tu pourrais t'grouiller l'cul »


Paroles Pierre Bourgault et Robert Charlebois

C'est le très grand thuriféraire de l'indépendance du Québec, Pierre Bourgault, qui a écrit les paroles de la chanson Entre deux joints pour Robert Charlebois. Je ne pourrais mieux introduire le sujet de la présente chronique sur le projet du gouvernement de Justin Trudeau de légaliser la consommation de cannabis au Canada le 1er juillet 2018. Une vague hystérique semble s'emparer des débats. Plongée dans un sujet sensible aux multiples facettes.

Le chanvre indien et le cannabis, un peu d'histoire

D'abord, il faut rappeler que la plante dont il est question a été cultivée dans les temps les plus reculés de l'histoire des hommes. On en retrouve des traces dès la période du Néolithique soit 800 ans avant la naissance de Jésus-Christ. Le cannabis était considéré comme une plante magique. Au Moyen-Âge, les vêtements royaux étaient confectionnés à l'aide de chanvre et de lin. La première bible imprimée par Gutenberg l'a été sur du papier de chanvre. Plus près de nous, cette plante a servi à fabriquer des vêtements militaires et même des billets de banque. Le chanvre a souvent été utilisé pour tisser les voilures de bateaux en plus des cordes et des cordages.

On retrace aussi dans la lointaine histoire de l'humanité, l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques. Dans de vieux textes égyptiens, chinois ou indiens, on retrouve des références au cannabis qui est prescrit pour traiter divers maux comme le vomissement, les maladies infectieuses et parasitaires ou encore les hémorragies. Plus près de nous, le cannabis à des fins médicales s'est imposé dans la littérature scientifique depuis la seconde moitié du XIXe siècle. Il a fait son apparition dans la pharmacopée américaine en 1851 où il est prescrit comme un analgésique, un sédatif, un antispasmodique.

Le chanvre et le cannabis aujourd'hui

De nos jours, le cannabis médical est de plus en plus en vogue. Il est employé dans une très grande variété de maladies et peut même être recommandé pour combattre les crises d'épilepsie, les symptômes psychiatriques et les maladies auto-immunes. Le cannabis existe sous plusieurs formes médicales, dont la disponibilité dépend de la législation du pays où il est autorisé. Il peut aussi être prescrit à l'état naturel afin d'être consommé fumé, ou par inhalation de vapeur de THC (tétrahydrocannabinol) sublimé, et là encore sa prescription la plus courante reste relative aux malades en phase terminale.

Bref, le chanvre et le cannabis sont intimement liés à l'histoire de l'humanité. Pourtant, cette plante, tant dans sa version mâle (le chanvre) que femelle (le cannabis), est de loin celle qui a subi la plus forte répression des pouvoirs publics des divers États. Pourtant, les propriétés du chanvre qui en font une alternative de choix au pétrole pour nombre de produits et du cannabis qui peut remplacer avantageusement des médicaments à base d'opioïdes font en sorte que l'on devrait voir cette plante et ses bénéfices avec un nouveau regard. Non seulement le chanvre et le cannabis peuvent apporter de larges bénéfices à notre société, mais cela peut être l'occasion de nombreuses innovations et de développement économique.

Nous devons nous interroger sur l'âpreté des débats actuels sur la légalisation du cannabis récréatif au Canada et sur les conséquences de ces débats sur l'avenir de cette plante au Canada.

Quelques statistiques...

Le cannabis est déjà consommé par une bonne portion de la population canadienne comme l'indiquent les statistiques de l'Institut national de la santé publique du Québec : « Le cannabis représente la substance illicite la plus couramment consommée au Canada. Selon une enquête réalisée en 2015, plus de 40 % des Canadiens âgés de 15 ans et plus ont rapporté en avoir déjà consommé dans leur vie (44,5 %). Au cours de l'année précédant l'enquête, 12,3 % ont dit en avoir fait usage, soit 3,6 millions de consommateurs. Les jeunes adultes âgés de 20 à 24 ans représentent le groupe où l'on retrouve la plus grande proportion de consommateurs, soit près de 30 %. Cette proportion est de 20,6 % chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans. Les adolescents canadiens âgés de 11, 13 et 15 ans sont, par ailleurs, les plus nombreux en proportion à avoir consommé du cannabis au cours de la dernière année, lorsqu'on les compare à d'autres jeunes du même âge provenant de pays développés. »

Au Québec plus particulièrement, le cannabis est la drogue la plus populaire et sa consommation est même en hausse. « Le cannabis est de loin la drogue la plus consommée par les Québécois selon l'Enquête québécoise sur la santé de la population (EQSP) de 2014-2015. La proportion de personnes âgées de 15 ans et plus ayant rapporté un usage de cannabis au cours des douze derniers mois est de 15,2 %. Par rapport à 2008, il s'agit d'une augmentation de 3 % pour l'ensemble de la population (15 ans et plus).

Une stratification par groupes d'âge permet de constater que cette augmentation s'observe essentiellement chez les adultes. En effet, les 18-24 ans et les 25-44 ans sont les groupes où l'on observe les plus fortes hausses. Chez les 15 à 17 ans, l'augmentation est très modeste par rapport à 2008, et en réalité non statistiquement significative. »

La légalisation du cannabis récréatif

À sa plus simple expression, les gens qui s'opposent à la légalisation du cannabis tendent à créer une image catastrophique des effets de la légalisation du cannabis. On fait comme si on part d'un point zéro où personne ne consomme de cannabis et qu'au lendemain de l'adoption de la loi, tout le monde va « se geler la bine » et que tout deviendra hors de contrôle : perte de productivité dans les marchés du travail, danger à la santé publique, multiplication désordonnée de la schizophrénie et tutti quanti. Il n'est pas hors de propos de s'interroger et de mener des débats ordonnés sur cette question, mais il faudrait quand même garder le sens de la mesure.

Il faut se rappeler que la légalisation du cannabis vise d'abord et avant tout à protéger la jeunesse canadienne pour qui ce produit est très accessible et de qualité douteuse. Une industrie prospère aux mains du crime organisé qui se sert de ces revenus pour prospérer et investir dans d'autres formes de criminalité.

Certes, la volonté exprimée par les provinces et du gouvernement du Canada de bien encadrer la légalisation du cannabis est bienvenue. Il faut nous assurer que ce plus grand libéralisme envers cette substance n'amplifie pas les problèmes réels que cela pourrait occasionner. Néanmoins, il serait avantageux pour nous tous que le débat nécessaire sur cette question ne devienne pas le lieu de toutes les exagérations et surtout qu'un certain ressac de puritanisme ne viennent pas amputer l'économie du Québec de ses possibilités d'innover et d'inventer une nouvelle économie qui serait plus verte et plus humaine.

À terme, la fin de la discrimination à l'égard du chanvre et du cannabis dans les sociétés avancées deviendra une sérieuse menace à l'industrie pétrolière et pharmaceutique. Or, nous savons la puissance des lobbys de ces industries. La légalisation du cannabis à des fins récréatives est une chose. Le développement d'une industrie de cannabis à des fins médicales et du chanvre à des fins industrielles en est une autre.

Il faut savoir faire la part entre les deux... entre deux joints...


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