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Notre histoire en archives –Avec ou sans service? L’évolution de la station d’essence


Par Gregory Savioz-Buck, stagiaire aux Archives nationales à Sherbrooke | BAnQ
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Archives nationales à Sherbrooke Par Archives nationales à Sherbrooke
archives.sherbrooke@banq.qc.ca
Jeudi le 7 avril 2022      

Le prix de l'essence atteint des sommets dernièrement alors que les Québécois doivent débourser en moyenne 1,80 $ le litre au moment d'écrire cet article. Cette flambée du prix de l'essence est visible à chaque station-service, peu importe la bannière. Il est normal que le client se pose des questions sur l'effet qu'aura l'inflation sur ses choix de consommation futurs. La situation économique actuelle pourrait peut-être diriger ces choix vers l'achat d'une voiture électrique. Le temps le dira. 

Toujours est-il que depuis l'invention de l'automobile, la station-service fait partie intégrante du paysage urbain. En effet, on peut trouver au moins une station-service dans pratiquement chaque ville du Québec! Ce genre de commerce a subi de nombreuses transformations au fil du temps. Regard rétroactif sur l'univers des stations d'essence, les pompes à essence et le métier de pompiste. 

 

Stations d'essence en ville

Garage O'Donnell & Morissette Ltd, [vers 1928]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Sylvio Lacharité (P3). Photographe non identifié. 

Vers 1916, l'automobile devient le moyen de transport le plus important au Canada, détrônant le cheval. 

En ville, les garages automobiles se multiplient afin de vendre et de réparer les voitures. Certains d'entre eux installent des pompes à essence entre le bâtiment et la rue, marquant ainsi la création des premières stations-services. 

Le garage O'Donnell & Morissette Ltd, situé sur la rue Wellington Sud à Sherbrooke, est l'un de ces garages qui combinent vente de voitures neuves et usagées, réparation mécanique et approvisionnement en essence. Mais il cesse ses activités dès 1930. Aujourd'hui, l'édifice abrite un magasin de l'Armée du Salut (parties gauche et centrale) ainsi qu'un studio de tatouage, le 116 tattoo (partie de droite).

 

Stations d'essence à la campagne

Magasin général de Victor Dubé à Val Racine (1953). Archives nationales à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias (P21,S1,D8637,P7). Photo : Studio Boudrias. 

Dans les villages, c'est souvent le magasin général qui assure la distribution de l'essence, alors que le garage le plus près peut être situé à plusieurs kilomètres. C'est le cas du magasin général de Victor Dubé situé à Val Racine, à la croisée de deux chemins dans le canton de Marston, à l'ouest de Lac-Mégantic. 

Pendant que l'automobiliste met de l'essence dans son véhicule, les affiches publicitaires à l'extérieur l'incitent à entrer dans le magasin. En rassemblant l'essentiel au même endroit, ce commerce est décidément très pratique et permet d'épargner un voyage en ville! 

 

Les pompes à essence

Sortie en voiture à Waterloo, [vers 1938]. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Famille Lippé (P39,S7,SS1,D17). Photographe non identifié.

 Depuis son invention à la fin du xixe siècle, la pompe à essence a connu une importante évolution. Au départ, le remplissage se fait à l'aide de bidons d'essence. Mais le procédé est dangereux : plusieurs incendies débutent de cette manière en raison de la volatilité de l'essence. 

Au début des années 1900, les pompes de trottoir font leur apparition. La proximité de ces pompes, placées près de la route, permet de transférer l'essence rapidement et de façon plus sécuritaire puisque le réservoir de carburant se trouve sous le sol, offrant un environnement plus contrôlé. 

Vient un temps où les automobilistes veulent connaître la quantité exacte de carburant qui est mise dans leur réservoir. La pompe visible qui fait son apparition vers 1915 est constituée d'un grand cylindre de verre gradué à travers lequel le client peut voir l'acheminement de l'essence jusqu'à son automobile et donc, avoir une idée de sa consommation. Ces pompes sont restées populaires jusque dans les années 1920. La hauteur qu'elles peuvent atteindre (jusqu'à 3 mètres), leur forme ainsi que les couleurs utilisées marquent les esprits et sont populaires auprès des collectionneurs.

Station-service Roy Lawrence (1963). Archives nationales à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias (P21,S2,D2896,P3). Photo : Studio Boudrias.  

Arrivent ensuite les pompes à cadran. Cette appellation fait référence à leur indicateur analogique à aiguilles qui indique la quantité d'essence distribuée. Puis, ce type de « cadran » est remplacé par un indicateur numérique rotatif. Ces pompes sont dites « aérodynamiques-modernes ». Ce type de pompe fait son apparition dès la fin de la Seconde Guerre mondiale et reste le plus courant dans les années 1960. D'ailleurs, en 1963, la station-service Roy Lawrence, située au 1060, rue Galt Ouest à Sherbrooke, utilise ce genre de pompe plus récente avec indicateurs chiffrés. Aujourd'hui, l'endroit est devenu Auto Place, Maître mécanicien. 

 

Le métier de pompiste

 

Marcel Bouchard en uniforme Texaco, 1961. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias (P21, S2, D573, P1). Photo : Studio Boudrias.

 

Roger Bisson, pompiste Esso, 1965. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Studio Boudrias (P21, S2, D4052, P4). Photo : Studio Boudrias. 

Les plus chanceux d'entre nous auront connu les services d'un pompiste. Réel ambassadeur de la compagnie, le pompiste porte un uniforme comprenant une casquette et une veste ornés du logo, le tout accompagné d'un nœud papillon. 

Le pompiste veille à offrir le meilleur service aux automobilistes afin de s'assurer qu'ils reviennent au poste d'essence. En effet, le pompiste offre le remplissage du réservoir (selon un montant fixe exprimé par le client, ou simplement le plein) ainsi que le lavage des vitres. Le métier de pompiste est directement associé à l'image que l'on se fait de la station-service modèle des années 1940-1950, et ce jusque dans les années 1970 et parfois bien au-delà.

 

La grève des détaillants d'essence de 1965

Pompiste de la station-service BA au travail malgré la grève des détaillants d'essence, juillet 1965. Archives nationales à Sherbrooke, fonds Jacques Darche (P5, S2, SS3, DM82). Photo : Jacques Darche. 

La grève des pompistes de juillet 1965 a semé un vent de panique au Québec, alors que les stations-services ont cessé de fournir de l'essence pendant trois jours. Amorcée dans la région de Montréal, la grève s'étend, entre autres, jusque dans les Cantons-de-l'Est. La Fraternité des détaillants d'essence du Québec revendique en particulier « une marge de profit plus substantielle sur chaque gallon d'essence, et une réduction du prix de location des stations »[1]. Cependant, certaines stations refusent de fermer leurs portes, créant une

cohue des consommateurs. Les automobilistes, qui ont de la difficulté à trouver du carburant, font la queue à la station-service BA, située au 1381, rue King Ouest à Sherbrooke (aujourd'hui l'épicerie gourmande Le Coin d'Italie).

 

La fin du métier de pompiste

Les chocs pétroliers des années 1970 ainsi que la récession des années 1980 donnent le coup de glas au métier de pompiste. Le coût de la vie et le coût de l'essence font en sorte que les frais d'exploitation des commerçants doivent baisser : c'est une question de survie. Du coup, on met fin aux emplois superflus, dont celui des pompistes, au profit d'une nouvelle philosophie économique : le libre-service. En découle une série de transformation dans tous les secteurs de la consommation, avec l'apparition de stations d'essence en libre-service, de guichets automatiques, de caisses libre-service, de bornes de commande dans certains restaurants, etc.

De nos jours, il nous arrivera peut-être de fréquenter une station d'essence indépendante qui offre encore le service d'un pompiste, rare tentative de se distinguer des grandes bannières.

En guise de conclusion

Au cours prochaines années, la station-service devra s'adapter une fois de plus afin de faire place aux voitures électriques. Pour le moment, on compte sur la conscience environnementale des clients, les incitatifs gouvernementaux sous forme de rabais, ainsi que le coût de l'essence, pour augmenter les ventes de véhicules électriques. Cependant, dès 2035, la vente de véhicules à essence sera interdite au Québec Ainsi, si les sites de recharge pour voiture électrique se multiplient en ville tranquillement, il est prévisible que le paysage sera davantage parsemé de bornes électriques, au détriment des pompes à essence, dans les années à venir. 

 

Sources

D'ENTREMONT, Marie-Ève, « Les stations-service-d'hier à... demain ». RDS, https://www.rds.ca/autos/articles/les-stations-service-d-hier-a-demain-1.6502643 (consulté le 14 février 2022).

MACFARLANE, Kate, « Station-service », L'encyclopédie canadienne,

 


[1] « Hésitante au départ et limitée à la région métropolitaine : La grève des pompistes paraît devoir s'étendre à la province », Le Devoir, 7 juillet 1965, [en ligne], https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2779497,   p. 1 (consulté le 21 février 2022).

 



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