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Ah les taxes et les impôts…

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Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 1 mars 2023      

En ces temps d'inflation, l'argent, celui que l'on a ou celui que l'on a plus, est au cœur de bien des conversations. Il ne faut donc pas s'étonner du nombre d'écrits et de commentaires en marge de la promesse de la baisse d'impôt par le gouvernement Legault. Baisse d'impôt qui sera annoncée selon toute vraisemblance par le ministre des Finances, Éric Girard, lors de son discours du budget prévu pour le 21 mars prochain. Une belle occasion pour réfléchir à la question de la fiscalité en matière de taxes et d'impôts. Quelques réflexions autour de la taxation de nos gouvernements.

Le Québec, la province la plus taxée

L'une des vérités partagées par presque tout le monde c'est que le Québec est la juridiction dans laquelle les contribuables paient le plus de taxes et d'impôt en Amérique du Nord. Cela est à la fois vrai et faux. Il est vrai que nous versons à nos gouvernements une part appréciable de notre rémunération à chaque déclaration de revenus. Encore faut-il mettre cela en perspective. Au Québec, nous avons la fiscalité la plus égalitaire au Canada. La proportion de riches, ─ qu'est-ce qu'un riche en fait ? ─, est moins élevée chez nous qu'aux États-Unis par exemple. Au Québec, près de 40 % des contribuables ne paient aucun impôt. Cela est un fait qui se fonde sur les choix qui ont été faits et que l'on résume sous le vocable de modèle québécois. Nous avons fait le choix de vivre dans une société plus égalitaire où de nombreux services sont offerts gratuitement à toutes les citoyennes et à tous citoyens. Que l'on songe à notre système de santé, à l'assurance médicaments, à la question du no-fault en matière d'assurance automobile, aux lois sur les accidents de travail, aux congés parentaux, à l'assurance médicaments et tutti quanti. En contrepartie de ce panier de services, un filet social presque aussi important que ce que l'on peut retrouver dans les régimes sociaux-démocrates de l'Europe du Nord, nous payons des impôts élevés. C'est ainsi que se vit la justice sociale au Québec. Or, nous vivons à une époque où les choix d'hier sont souvent remis en question par les nouvelles générations. C'est normal que chaque nouvelle génération fasse le débat sur ce que nous coûtent les services que nous offre notre État. La promesse de la CAQ de réduire les impôts fait donc l'objet de débat.

Baisser ou non les impôts

La baisse d'impôt promise par la Coalition avenir Québec lors de la dernière campagne électorale fait l'objet de débat. De nombreuses voix s'élèvent pour s'insurger contre cette éventuelle baisse des impôts. On rappelle, comme je viens de la faire, que les impôts élevés au Québec sont le résultat d'un choix, de notre conception collective de la justice sociale. Par ailleurs, on s'interroge sur l'opportunité d'une baisse des impôts alors que nos programmes de santé, de services sociaux et d'éducation ont besoin de réinvestissement majeur étant donné l'état de délabrement de nos grands ministères.

Poser la question ainsi c'est faire l'impasse sur le fait que depuis de nombreuses années, nous ne cessons de réinvestir dans nos systèmes d'éducation et de santé et la qualité des services offerts ne cesse de se détériorer. Pourquoi sommes-nous incapables de redonner du lustre à nos programmes de santé, d'éducation et de services sociaux malgré nos investissements importants ? Probablement que la raison de cet échec relatif est que tout ne s'achète pas et que ce n'est pas une simple question d'argent. Par exemple, le changement de culture que nous vivons par rapport au travail fait partie de l'équation. Aujourd'hui, beaucoup de personnes ne veulent plus consacrer l'essentiel de leur vie au travail. Ils valorisent un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Ce fait tout simple explique entre autres pourquoi de nombreux professionnels de la santé ne veulent pas travailler les soirs et les fins de semaine, que des médecins travaillent à temps partiel, etc.

Par ailleurs, le panier des services offerts organisé souvent sur une base de sept jours 24 heures sur 24 ne répond peut-être plus à notre époque. Bien sûr, les patients dans les hôpitaux ne cesseront pas d'être malades le soir et les fins de semaine, les accidents d'auto ou d'autres événements ne peuvent s'insérer dans un horaire équilibré entre vie professionnelle et vie personnelle. Néanmoins, il faut repenser l'organisation du travail. Cela est aussi important selon moi que l'argent que l'on pourra réinvestir dans le système de santé par exemple.

Dans ce contexte, je crois que baisser les impôts est un bon moyen pour nous discipliner collectivement et pour nous rappeler que ce n'est pas que l'argent qui fera le bonheur de nos systèmes de santé et d'éducation.

Les autres taxes

Au-delà des taxes et des impôts que nous réclament nos gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, il y a aussi la taxation municipale de nos propriétés. Cela fait aussi couler beaucoup d'encre à chaque début d'année. Cette année, les municipalités ont décrété des hausses significatives des taxes foncières. À Sherbrooke, nous avons eu droit à 3 %. Ce qui est fort raisonnable dans le contexte d'inflation que connaissent les villes. Il demeure cependant que le gouvernement du Québec devrait revoir la fiscalité municipale afin de donner plus d'autonomie à nos élus municipaux et ainsi mettre fin à ce paradigme où les villes doivent constamment quémander de nouvelles ressources financières au ministre des Affaires municipales Québec pour de nombreux projets d'investissements et d'infrastructures. Un bon début pourrait commencer par le fait que les gouvernements du Québec et du Canada paient des taxes aux municipalités comme tout le monde. Il n'y a aucune raison qui justifie que les gouvernements supérieurs soient exemptés de payer leurs impôts fonciers aux municipalités et aux villes dans lesquelles ils ont des installations, des propriétés ou des activités. Ce qui est vrai pour les gouvernements est aussi vrai pour les Églises ou autres œuvres philanthropiques qui sont exemptées de taxes. Cela créé de drôles de situations comme celle que nous avons vécue à Sherbrooke où la Ville doit payer le fort prix pour acquérir une église dans un marché concurrentiel alors que le vendeur, l'Église, n'a pas payé de taxes foncières par le passé. Il faudrait au moins que l'Église paie un montant forfaitaire à la vente de ses biens. Sans quoi, nous nous retrouvons à financer les fonds de pension des membres des communautés religieuses, même si nous ne partageons pas les croyances de cette organisation. Quelques exemples qui indiquent qu'il est important de faire un débat sur la fiscalité qui ne concerne pas que les taxes et les impôts payés à nos gouvernements, mais qui prennent en compte l'ensemble des éléments en cause dans une vision 360 degrés.

Payer notre juste part

Vivre en société signifie beaucoup de choses dans la vie d'un individu. Cela veut dire entre autres payer sa juste part. Cette part au Québec tient compte des inégalités et cherche avec un modèle bien à nous à traduire notre volonté de vivre dans une société plus juste. Cependant, des débats méritent d'être faits sur les fondements de cette société juste et une campagne électorale est rarement un bon moment pour mener de tels débats. Il est clair que des débats il y en aura, des désaccords aussi, mais peut-il en être autrement lorsque l'on veut discuter de nos revenus et de notre capacité d'avoir une vie bonne ? Ce n'est pas simple, mais débattre est la meilleure voie pour se sortir de la traditionnelle rengaine Ah les taxes et les impôts...


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