Les voix féminines
Qui dit Gwyneth Paltrow dit aussi tartine à l'avocat et
conseils de vie un brin controversés, mais on ne peut passer sous silence
quelques-uns des rôles qui en ont fait une star tout ce qu'il y a de plus hollywoodienne.
Alors optons pour cette direction plus cinématographique, avec un arrêt sur
image en 1999, année où la dite Gwyneth remporte l'Oscar de la meilleure
actrice pour son rôle de Viola dans Shakespeare in love.
Viola. Qui adore le théâtre. Qui rêve de monter sur scène.
Mais Viola qui ne peut pas. Parce qu'elle est une femme. Et
que les femmes, c'est bien connu, n'ont pas leur place au théâtre, hormis dans
la salle.
Alors pour tenter d'obtenir un rôle dans la prochaine pièce de
Shakespeare, Viola s'accoutre en jeune homme, les autres n'y voient que du feu,
ou presque.
Le film qui a fait tabac en 1998 est une œuvre de fiction,
mais l'absence des femmes au théâtre, elle, a toujours été bien réelle.
On a déjà abordé la chose dans une chronique précédente, mais
pour rappel, de l'Antiquité jusqu'à la fin du XVIIe, presque partout en
Occident comme ailleurs dans le monde, les hommes jouent tous les rôles,
occupent toute la place, et lorsque les femmes en trouvent une, aussi petite soit-elle,
à l'écriture ou sur scène, elles y laissent souvent leur réputation.
Chez nos cousins français, quelques noms ont un tantinet
traversé l'histoire, dont Françoise Pascale ou Olympe de Gouges, mais encore là,
cette dernière est plus souvent citée comme féministe politisée et républicaine
guillotinée qu'à titre d'autrice.
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Alors oui, il faudra attendre la venue de Sarah Bernhardt,
fin XIXe, début XXe, pour que la femme gagne une place digne de ce nom sur les
planches, soit admise deux fois plutôt qu'une à la Comédie française, fonde sa
propre compagnie, multiplie les rôles féminins et masculins d'une dramaturgie complètement
variée sur tous les continents et devienne du coup une vraie vedette
internationale.
Était-ce gagné pour autant? Bien sûr que non.
Ici comme ailleurs, l'histoire a avancé à tout petits pas
dans les coulisses des théâtres, quelques actrices et femmes de théâtre s'imposant
au fil du temps. Au Québec, des Denise Pelletier, Yvette Brind'amour ou
Mercedes Palomino font figures de proue avant même que les murs du château-fort
masculin ne soient ébranlés, fin des années 60, avec la création des
Belles-sœurs de Michel Tremblay, puis dans les années 70 avec des œuvres aussi
féministes que revendicatrices.
On aurait pu penser que Marie Savard et son Bien à moi,
Denise Boucher et ses Fées ont soif, ou Nicole Brossard, France Théoret,
Marie-Claire Blais, Pol Pelletier et Marthe Blackburn et leur Nef des
sorcières avaient suffisamment brassé la cage pour qu'on ne ressente plus
la hauteur de ses murs.
Mais l'effet n'est pas immédiat. Bien qu'on les retrouve sur
scène, les femmes écrivent et mettent en scène de 10 à 13 pour cent à peine des
1156 pièces montées entre 1978 et 1981 au Canada.
Depuis, il est vrai, les choses ont évolué. Au fil des deux dernières
décennies, et tout particulièrement au cours des dix années qui viennent de
s'écouler, grâce au travail acharné du regroupement québécois Femmes pour
l'équité en théâtre (FET), les femmes ont pris belle place comme autrices,
metteures en scènes, têtes d'affiches, conceptrices et directrices de théâtre. Elles
remportent des prix importants, décrochent des bourses, se partagent parfois
une belle part des programmations de la rentrée.
On aurait même atteint la parité,
soulignait la recherche Sentinelle#2 : Pour l'avenir, menée pour l'Espace
Go l'an dernier afin de faire suite au chantier féministe de 2019.
Aux voix de celles déjà
ci-haut nommées, à celles des Jovette Marchessault, Michelle Rossignol, Alice
Ronfard, Lorraine Pintal et d'autres encore répond aujourd'hui un puissant
chœur de créatrices parmi lesquelles Brigitte Poupart, Evelyne de la Chenelière,
Véronique Côté, Gabrielle Lessard, Annabel Soutar, Rébecca Déraspe, Anne-Marie Olivier, Marie-Josée Bastien Gabrielle Chapdelaine,
Marilyn Perreault, Fanny Britt , Geneviève Billette, Carole Fréchette,
Catherine Vidal, Catherine Bourgeois, Brigitte Haentjens, Alexia Burger, Marie-Hélène
Gendreau, Edith Patenaude, Angela Konrad, Marie Brassard, pour ne nommer
que celles-là.
De quoi s'assoir ou se laisser choir de
tout son long sur un lit de lauriers?
Jamais, bien sûr, il faudra
toujours s'assurer de porter ces voix et ces textes, de les propager et de les
enseigner, de faire place aux prochaines et aux diverses et à celles de tous
horizons.
Mais Gwyneth et Viola n'ont plus à porter la moustache pour
être entendues au théâtre, y a déjà matière à se réjouir.
Sonia
Bolduc
Pour
l'équipe du Double signe
Aux deux semaines, l'équipe du
Double signe vous invite à jaser théâtre afin de partager cette passion de la
scène et des coulisses, pour créer des ponts et se donner le goût de
rencontres.
Plus vieille compagnie estrienne
de théâtre de création tout public, le Double signe incarne un phare théâtral
pérenne qui rayonne au-delà des frontières de la région.
Ainsi prenons-nous la pleine
mesure de notre posture d'ambassadeur dans notre communauté artistique locale
et nationale.
Nous affirmons haut et fort notre
envie de participer à la conversation théâtrale collective. Nous reconnaissons
et valorisons les bienfaits de la pratique et de la fréquentation des arts de
la scène en général et du théâtre en particulier, et faisons vœu de tout mettre
en place pour en faire profiter le plus grand nombre possible.
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